Séance 4 : Panser l’état d’urgence absolue
Exorganologie II Remondialisation et internation
Bernard Stiegler,
« Séance 4 : Panser l’état d’urgence absolue »,
dans
Michel Blanchut,
Victor Chaix (dir.),
Le séminaire Pharmakon en hypertexte :
2019 (édition augmentée), Laboratoire sur les écritures
numériques, Montréal, 2025, isbn : , https://pharmakon.epokhe.world/seminaire-hypertexte/2019/seance4.html.
version 0, 20/12/2025
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Je ne vais pas vous parler de l’actualité parce qu’il y aurait un tas de choses à dire alors je préfère ne rien dire du tout mais par contre j’en parle sous ce titre-là « Etat d’urgence absolue ». C’est dans ce contexte-là que se passe ce séminaire ; ça fait assez longtemps que ce séminaire pharmakon.fr qui est lié maintenant à un certain nombre d’activités de l’IRI et de Plaine commune et aussi du programme, j’en ai déjà parlé, je le répète, Geneva 2020 que nous menons avec un groupe international, aujourd’hui destiné à l’ONU, tout cela depuis le début des travaux de pharmakon en fait, c’est lié à ce que j’appelle aujourd’hui un « Etat d’urgence absolue » et nous tentons dans ce contexte d’état d’urgence de penser les conditions de la « pansée » mais d’un « panser par soi-même » ; qu’est-ce que ça veut dire « panser par soi-même », panser avec un a, dans un état d’urgence absolue ? ça veut dire d’abord panser en vue de surmonter l’ère anthropocène et cela dans un calendrier qui a été précisé par le GIEC il y a quelques mois qui donnait environ 15 ans – ça n’a pas de sens de donner une échéance précise mais ce qui a du sens c’est de dire que c’est pratiquement foutu, pour parler clairement ; quand on vous dit qu’il reste 12 ans pour changer les modes de production de la planète en totalité, ça veut dire que c’est trop tard pour élaborer une nouvelle macroéconomie planétaire, c’est ce que nous disons depuis longtemps à Ars Industrialis, depuis qu’elle a été créée, il faut changer la macroéconomie planétaire, il n’y a pas d’autre solution. Alors penser un tel pansement, pansement de la biosphère parce que c’est de cela dont il s’agit, de la biosphère telle qu’elle a été « technosphérisée », exosphérisée, c’est une défi bien plus que titanesque, bien plus qu’herculéen, c’est un défi absolument inconcevable, au pied de la lettre, et dont nous n’avons pas les concepts, radicalement improbable, au pied de la lettre, càd qui ne peut pas être calculé par les probabilités, bref, c’est une situation désespérée et nous posons, en tout cas moi je pose, depuis des années, que seules des situations désespérées méritent d’être pensées et que cette question, le premier qui en parle, c’est Héraclite sous le nom d’anelpiston « qui n’espère pas l’inespéré.. » etc. ; la question c’est l’inespéré ; quand on a à faire au désespoir, l’enjeu est l’inespéré ; les réponses qui sont données à l’anelpiston pendant des millénaires ont été prophétiques, religieuses etc. et nous, nous ne pouvons plus raisonner de cette manière ; nous ne pouvons plus faire de prophéties ; les seules prophéties qui existent aujourd’hui ce sont les prophéties auto-réalisatrices qui sont précisément catastrophiques ; ce que nous disons nous est que l’inattendu il faut le penser scientifiquement et qu’il y a pour cela des théories qui existent mais que ça suppose de « panser » la localité : pour panser par nous-même, il faut panser la localité ; quand je dis panser par nous-même, ça veut dire que ni Héraclite, ni Platon, ni Socrate, ni Hegel, ni Marx, ni Nietzsche, ni Heidegger, ni Freud, ni Derrida, ni Deleuze, ni Foucault, ni personne, ni moi, ne peuvent penser à votre place et maintenant, panser aujourd’hui, avec un a, ça veut dire panser par nous-mêmes et ensembles, parce que panser c’est toujours collectif, c’est ce que dit Socrate dans le Théétète; on ne pense jamais tout seul et quand on pense tout seul, c’est la pensée divisée, qu’il appelle le dialogue avec soi-même, c’est ce qu’on appelle chez les grecs la dianoia ; la noésis est toujours dianoétique , dit Socrate ; si nous voulons panser par nous-mêmes, ce que j’affirme c’est que nous devons panser la localité et que ça relève d’une néguanthropologie qui est aussi la question d’une anti-anthropie avec un a et un h – je vous rappelle qu’anti-anthropie, chez moi, ça renvoie à une théorie élaborée par Bailly, Longo et Montevil il y a déjà quelques années, c’est un concept scientifique, mathématico-biologique, et physique aussi, et il faut être extrêmement rigoureux sur ces concepts qui ne sont pas négociables ; quand je dis qu’ils ne sont pas négociables, c’est que la néguanthropologie c’est cette question, c’est l’anti-anthropie et l’anti-anthropie, c’est local et ça ne peut pas être autre chose. La néguanthropologie et l’anti-anthropie avec un a et un h ne peuvent se constituer que comme localité càd comme diversalité. La question qui se pose à ce moment-là c’est quel est le rapport entre la localité et la territorialité ; c’est la question qui est aujourd’hui à spécifier sachant qu’il faut en faire d’abord l’histoire de cette question ; il y a une histoire des rapports entre territorialité et localité, entre territoire et avoir-lieu qui passe par exemple par les chasseurs-cueilleurs, les chasseurs de rennes, qui sont des nomades qui suivent les troupeaux d’animaux, la grammatisation qui se produit au paléolithique supérieur càd à l’époque des chasseurs de rennes, la sédentarisation, les diverses formes de colonisation, le commerce national au sens où en parle Marcel Mauss et je vais y revenir dans un instant, le commerce international etc. Ce que je soutiens ici moi, dans ce séminaire, c’est qu’après toutes ces questions de rapports entre territoires et localités – chasseurs cueilleurs, chasseurs de rennes etc. jusqu’au commerce international et OMC – il y a l’internation qui est un concept qui vient de Marcel Mauss et que je ne reprends pas compte comme tel évidemment ; l’objet du séminaire que je fais là c’est de penser l’internation autrement que Marcel Mauss càd par moi-même et avec Marcel Mauss. Panser cela avec a dans tous les cas cela suppose un sens exceptionnel des responsabilités qui doit être à la hauteur de la catastrophe dont il s’agit dans ce que j’ai appelé tout à l’heure l’état d’urgence absolue et qui est à l’échelle, si j’ose dire, de ce que dit Primo Levi qu’il s’agit de lire, non de « façon littéraire » mais noétique au sens très fort, au sens le plus extrême de ce qu’est la noésis qui est toujours au bord de l’hubris et qui pose la question de savoir qu’est-ce qui constitue la honte d’ « être un homme » aujourd’hui, qui n’est pas le XXème siècle, ce n’est pas 20 ans après Auschwitz, c’est 12 ans avant « la fin des haricots » comme dit le GIEC. Si vous participez à ce séminaire et aux entreprises qui y sont liées, vous devez prendre la mesure et la démesure de ces responsabilités sans précédents qui sont les vôtres et les miennes par la même occasion et en particulier il s’agit de prendre aussi consciences aussi clairement qu’il est possible de cet état d’urgence en tant qu’il constitue un état d’exception d’un nouveau type et que bien entendu, il convoque les discours de Schmitt sur l’état d’exception et une critique de Carl Schmitt ou même ce que j’appellerais une hypercritique de Carl Schmitt.
L’état d’exception dont je vous parle, c’est un état où plus que jamais, et je dis ça au pied de la lettre, c’est pas une expression comme ça, plus que jamais, jamais comme aujourd’hui, la possibilité de pe/anser avec un e et avec un a est aussi improbable ; ça a toujours été improbable, rien n’est plus improbable que la pensée, mais jamais comme aujourd’hui une telle pensée avec un e et un a n'a été aussi improbable ; pourquoi ? parce que la panique c’est tout le contraire du panser avec un a et de la pensée avec un e; or ce qui advient aujourd’hui, c’est précisément le règne de Pan qui est un dieu sur lequel il faudrait se pencher – je n’ai pas le temps de le faire maintenant, je vous invite à aller voir dans les différentes sources mythologiques grecques et romaines (voir également la notice Wikipédia) qui est Pan ; Pan est présenté comme « le dieu de la foule et notamment de la foule « hystérique » en raison de la capacité qui lui était attribuée de faire perdre son humanité à l’individu pris de « panique » et de déchirer, démembrer, éparpiller son idole » ; ça nous fait un peu penser à Dionysos morcelé ; « c’est l’origine du mot « panique », manifestation humaine de la colère de Pan » ; en tout cas Pan c’est l’élimination des singularités ; dans la panique les singularité disparaissent et c’est ce que Freud a tenté de penser iciPsychologie des masses et analyse du moi 1921↩︎ avec l’aide de Gustave Le Bon.
En 2013, à l’académie d’été de Pharmakon, j’avais posé la question dans une conférence qui s’appelait « penser dans l’internation » - c’est la première fois que je parlais de l’internation à Pharmakon – je demandais : que veut dire localité et je répondais : ça veut dire singularité ; une localité c’est une singularité ; ça veut dire que quiconque défend la singularité, par exemple Gilles Deleuze, défend la localité, qu’il le sache ou non et ça veut dire aussi que c’est une singularité qui constitue une spécificité dans l’univers, une spécificité au sens où en mathématiques ou en physique on dit qu’il y a une singularité, par exemple la Terre (ce sur quoi il y a la biosphère) est une singularité au regard de la physique ; la physique ne sait pas expliquer que c’est que la Terre ; avec les ressources de la physique vous ne pouvez pas dire ce que c’est que la Terre, c’est pour ça que Lovelock et tant d’autres élaborent une théorie sur Gaïa etc. ; ça veut dire qu’une singularité c’est ce qui constitue le diversel dans l’universel. La séance 3 du mois de février a tenté d’approfondir ce que j’avais commencé à évoquer en 2013 donc 6 ans plus tard et j’étais parti de la fourmilière numérique ; j’avais essayé de montrer que – en 2004, j’avais fait un texte qui s’appelait « La fourmilière numérique dans lequel je disais qu’allaient apparaître des réseaux sociaux qui allaient produire ce que j’appelais des phéromones numériques ; c’est arrivé et la reine – ou plutôt le roi – de cette fourmilière s’appelle Donald Trump ; c’est donc un roi, c’est le roi Ubu qui a été anticipé par Alfred Jarry 120 ans avant que n’arrive effectivement le père Ubu ; je ne suis pas sûr qu’Alfred Jarry n’aurait jamais cru que ce père Ubu se constituerait en réalité.
Je vais essayer de résumer un petit peu ce que j’ai dit la dernière fois pour essayer d’enchaîner efficacement. A la troisième séance, j’avais posé que – vous savez que je parle d’exorganismes complexes supérieurs et d’exorganismes complexes inférieurs, d’abord je parle d’exorganismes simples, vous et moi nous sommes des exorganismes simples, ce séminaire constitue un exorganisme complexe inférieur comme la Maison Suger, l’IRI, le supermarché du coin, et puis il y a les exorganismes complexes supérieurs comme la ville de Paris qui est une autorité législative, la France, l’Europe, l’ONU (qui a un pouvoir pas exactement législatif mais quand même prescripteur sur le plan du droit puisqu’il a une armée qui est un pouvoir, comme nous l’explique Hobbes, ça n’existe que s’il y a une force de loi qui est une violence légitime ; donc supériorité disais-je la dernière fois, la supériorité des exorganismes complexes supérieurs par rapport aux exorganismes complexes inférieurs c’est qu’ils exercent une souveraineté au sens de Hobbes. La souveraineté, deuxième point, c’est celle des causes finales, le souverain est celui qui établit des causes finales au-delà des causes efficientes, matérielles et formelles telles que Aristote les définit. Être souverain c’est de dire à la cause efficiente : bon, tu es efficiente mais la cause finale ne t’autorise pas à t’exprimer, tu es interdit ; et donc le pouvoir juridique c’est la cause finale. Ceci a engendré pendant deux millénaires à peu près l’onto-théologie qui a été théorisée par Thomas d’Aquin au Moyen-Age, qui a donné une interprétation de la théorie des quatre causes d’Aristote à partir de la révélation des textes sacrés, de l’Ancien testament pour les catholiques et des Evangiles. Cette question de la supériorité et de la souveraineté, elle est posée dans la République de Platon comme étant le rapport entre le microcosmique qui est le citoyen et le macrocosme qui est la politeia. La souveraineté est un processus d’individuation collective articulé sur des individuations psychiques qui sont celles de citoyens et l’opération que tente Platon dans cette affaire c’est de poser que seuls les philosophes sont de vrais citoyens. Ce que je rappelle là, c’est pour souligner que la politeia c’est ce qui articule souveraineté et individuation sachant que cette souveraineté est à la fois celle de l’individu psychique – c’est ce qu’on appelle « penser par soi-même », c’est l’autonomie du citoyen, la liberté si vous préférez – et c’est la souveraineté de l’individuation collective c’est-à-dire c’est la souveraineté politique et c’est la « décision » telle qu’elle se prend dans le bouleutérion par exemple de la cité. Ici, l’enjeu est le « même » et son rapport à « l’autre » ; je veux dire que les exorganismes complexes supérieurs définissent toujours ce qui a le droit et ce qui n’a pas le droit de cité ; ça veut dire que le même c’est ce qui a droit de cité et l’autre c’est ce qui n’a pas le droit, les esclaves et les métèques – je parle là évidemment de l’époque de Platon. Mais à notre époque, le même et l’autre ça ne se pose plus comme ça même s’il y a des gens qui ont envie de restaurer la figure de l’esclave et du métèque, cette question du même et de l’autre depuis le XXe siècle c’est la question du désir ; autrement dit la question qui se pose à nous, qui est la question de la politeia et des conditions dans lesquelles elle s’unifie, comment les citoyens sont liés entre eux par une loi, c’est la question du rapport des exorganismes supérieurs à l’inconscient – je suis un freudien, je me revendique de Freud – et donc la question du désir c’est la question de l’inconscient et la question du rapport du même et de l’autre c’est la question du désir. Si on veut penser la question de l’autre et du rapport du même et de l’autre, de ce qui constitue par exemple le quasi « système immunitaire » d’un organisme complexe supérieur c’est une affaire d’inconscient c’est pour ça qu’il faut lire Freud et Lacan. Une grande question ici se pose vis-à-vis de la psychanalyse pour moi, c’est le rapport de l’inconscient freudien à la supériorité noétique du monothéisme – je pense que Freud n’est pas allé au bout de sa psychanalyse, de son auto-analyse ; il est resté enfermé dans la figure paternelle, celle de son père, représentant de la judéité et qui lui a imposé une limite que Freud lui-même n’a pas osé franchir ; cette limite c’est : tout désir est un désir de la culpabilité ; et ça c’est quelque chose dans quoi on ne doit pas se laisse enfermer. Le désir, et c’est pour ça que ça nous importe énormément, chez Freud, c’est ce qui lie et relie (exposé dans Le moi et le ça de 1923) , c’est ce qui lie les pulsions au sein de l’individu, la libido est ce qui lie les pulsions, c’est ce qui lie les individus entre eux, c’est-à-dire qui crée des liens entre les individus, ce qu’on appelle le lien social ; c’est aussi ce qui lie les fonctions exorganiques des exorganismes complexes inférieurs au sein des exorganismes complexes supérieurs c’est-à dire à ce qui définit les lois de l’échange, les relations légales etc. Tout ça me conduit à développer ce que j’appelle depuis assez longtemps une organologie de la philia c’est-à-dire de l’inconscient ; la philia c’est un concept d’Aristote mais je pense qu’aujourd’hui il faut réinterpréter ce concept – qui est un concept absolument fondamental – qui ne veut pas dire amitié mais familiarité, lien ; il faut réinterpréter Aristote à partir de la théorie de l’inconscient freudo-lacanienne. Ces questions s’imposent à nous depuis l’apparition aujourd’hui au XXIème siècle et qui nous imposent de penser par nous-même en dehors des catégories du XXème siècle, ces questions s’imposent depuis l’apparition de que j’appelle la localité primordiale et cette localité primordiale c’est la biosphère ; c’est la localité à l’intérieur de laquelle le vivant est possible. Ce que j’appelle la localité, ça vient de Schrödinger qui définit la singularité du vivant dans la physique ; le vivant est toujours local c’est-à-dire que la néguentropie – ou l’entropie négative – ne se produit jamais que localement, temporairement et dans un espace limité avec de frontières, dans ce qu’on appelle une niche écologique ou un biotope. La biosphère est devenue la technosphère. A partir de là, on ne peut pas se contenter des catégories de Schrödinger ou d’autres, on ne peut pas se contenter des catégories de la biologie ou par exemple de la théorie de la géobiochimie de Vernadsky ; on doit ajouter une théorie de la technosphère c’est Vernadsky lui-même qui le dit – il est le premier à avoir parlé de technosphère. Donc, la localité primordiale est celle des vivants mais nous, nous posons la question de la souveraineté des êtres noétiques c’est-à-dire mortels, pharmacologiques qui transforment la biosphère en technosphère et qui ont une responsabilité par rapport à cette transformation sachant que cette technosphère est exosphérisée – ça c’est le problème de Carl Schmitt dans Le nomos de la Terre donc nous devons lire Carl Schmitt quoi que nous pensions de lui. Le plus psychique de la noèse c’est la mortalité comme pharmacologie ; si nous avons besoin de noétiser c’est parce que nous sommes mortels c’est-à-dire dotés de pharmaka que nous devons décider de la manière d’en faire quelque chose - c’est ce que Whitehead appelle La fonction de la raison. Panser par nous-mêmes, c’est-à-dire panser la localité c’est penser ce que n’ont pas pensé nos penseurs, ceux avec qui nous avons pensé. Ce qu’ils n’ont pas su penser – pour moi, Derrida, Foucault, Lyotard etc. c’est le pharmakon d’une part et d’autre part, la localité c’est-à-dire l’entropie. Aucun de ces gens-là n’a su penser l’entropie même si Lyotard a essayé à deux ou trois reprises.
Marcel Maus nous intéresse d’abord parce qu’il a annoncé le concept d’Internation ; il propose une anthropologie historique du concept de nation, ce qui est extrêmement intéressant ; ce n’est ni une définition politique ni une définition d’historien simplement, c’est une définition qui s’appuie sur la pratique qu’il a de l’ethnographie ; c’est donc la capacité à prendre de la distance ce qui n’est pas forcément le cas venant d’un historien même s’il dit toujours que ce sont les historiens qui sont les plus solides dans les sciences sociales et je pense qu’il a raison. Maintenant Marcel Mauss est un réformiste, un socialiste réformiste or à quoi assistons-nous ? le 26 mai prochain nous allons avoir les résultats d’une manière à mon avis absolument catastrophique de l’effondrement du socialisme réformiste qui a engendré l’Europe telle qu’on la connaît, parce que l’Europe telle qu’on la connaît a été beaucoup développée par M. Jacques Delors représentant d’une manière très élégante d’ailleurs le socialisme réformiste. On verra bientôt en quoi le concept d’internation de Marcel Mauss ne peut pas nous plaire et nous suffire parce qu’il porte en lui toutes les failles du socialisme réformiste qui est totalement effondré. Partout dans le monde le socialisme est absolument désintégré, en France en particulier. Selon moi, ça tient d’abord au fait que le socialisme n’a pas su penser l’entropie, la néguentropie, la technosphère et toutes ces questions. J’avais posé, en février, qu’il y a des types de localité (j’avais parlé des localités physiques, des localités biologiques par exemple) et que dans la localité noétique, le premier caractère fondamental qui la caractérise c’est le fait que la signi-fication c’est-à-dire le faire signe, la constitution du symbolique si vous voulez parler avec Jacques Lacan, eh bien c’est une diversi-fication. Dans la signification, le sens, le divers est irréductible. Si vous éliminez le divers vous éliminez nécessairement le sens. On va y revenir beaucoup plus en détail à partir d’aujourd’hui et surtout la séance prochaine. Par ailleurs, la signi-fication est liée à l’exosomatisation ; signi-fier c’est exo-somatiser c’est-à-dire s’ex-primer, on signi-fie pour un autre, donc on s’ex-prime ; cette expression est une exosomatisation. Ça veut dire qu’aujourd’hui, il faut combiner Ferdinand de Saussure qui a été le penseur des rapports entre la diachronie et la synchronie et qui sert de référence à l’interprétation lacanienne de Freud mais aussi je dirais pour moi à la biologie de Longo et Montévil puisque l’anti-entropie chez Longo et Montévil c’est ce qui essaie de penser le rapport entre le synchronique et le diachronique, donc une question mathématico-biologique absolument fondamentale. Nous essayons donc nous de penser Saussure et les rapports synchronie et diachronie avec Lotka ce qui évidemment est tout à fait nouveau ; personne n’a jamais essayé ça puisque personne ne connaissait le travail de Lotka sur l’exosomatisation à part quelqu’un sur qui je suis tombé par hasard un jour. Combiner Saussure avec Lotka c’est revenir à la question de l’idiomaticité comme évolution des langues. Vous vous souvenez que la thèse de Lotka est que l’évolution humaine c’est une évolution exosomatique non pas endosomatique et l’évolution des langues n’est concevable que dans ce contexte de l’évolution exosomatique. Si on ne la pense pas dans ce contexte-là, on tombe immédiatement dans des élaborations plus ou moins spéculatives ou bien à des fantasmes.
Une des dernières phrases du texte de Mauss sur « Nation, nationalisme et nationalité » - c’est comme ça que s’appelle le texte de Mauss que je commente - c’est : « à partir de quand n’y aura-t-il plus qu’une seule langue dans le monde » ; c’est une proposition totalement absurde ; la langue ne peut pas être « une », c’est absolument impossible ; c’est ça que signifie Babel ; ce n’est pas un malheur qui arrive comme ça, une punition, non ; c’est une définition de ce que c’est que la langue pour nous, ce que les chrétiens appellent les créatures. Si la signi-fication – fication vient du verbe fare faire – si le faire signe et forcément faire divers, la diversification, c’est pour cette raison-là. C’est parce que le langage est déjà les langues sinon ce n’est plus la langue. La signification est générée par le processus de transindividuation comme diversi-fication parce que c’est une sélection parmi des interprétation possibles des significations déjà établies et cette sélection est orthogénétique au sens où Lotka explique lui pourquoi l’évolution exosomatique est orthogénétique – je vous rappelle que l’orthogenèse c’est le fait qu’il y a une sélection non naturelle, une sélection artificielle. On parle d’orthogenèse chez les biologistes lorsqu’on pose qu’une espèce s’auto-produit, engendre des critères de sélection qui ne sont pas ceux de la lutte pour la vie ; c’est précisément ce qui arrive aux âmes noétiques et ça c’est ce que dit Lotka, qui est un très grand biologiste, très reconnu par ailleurs ; il dit : là-dessus, il n’y a aucun doute, l’espèce humaine échappe à ça, à la sélection naturelle ; d’autres par exemple ont tourné autour comme Georges Canguilhem mais il n’a jamais dit les choses aussi clairement parce qu’il avait peur de se faire massacrer par les darwiniens et Leroi-Gourhan, pareil, il a beaucoup montré qu’on ne pouvait pas réduire l’homme à la sélection naturelle mais jamais il ne l’a pas dit ; Lotka, lui, il est biologiste et il n’a pas peur de le dire et si vous ne connaissez pas Lotka, c’est à cause de ça, c’est parce qu’il y a eu un processus de censure, d’élimination de ce qu’il dit qui n’est pas orthodoxe, qui est complètement hétérodoxe par rapport au darwinisme dominant, en particulier le néo-darwinisme. Ce sont des questions extrêmement importantes, de portée épistémologique etc., mais d’abord parce qu’elles permettent de dire très précisément pourquoi il ne peut pas y avoir de sociobiologie et pourquoi la politique est ce qui vient fournir des principes de sélection ; la politique comme individuation psycho-collective c’est ce qui élabore un processus de sélection de critères d’individuation collective et l’économie, selon Nicolas Georgescu-Rögen, c’est ce qui fournit une autre définition des principes de sélection qui jusque au XVIIIe siècle est soumise au principe politique de sélection c’est-à-dire théologique parce qu’à cette époque-là politique veut dire théologique et à partir du XIXe siècle c’est ça qu’on appelle le capitalisme, ce que décrit K. Polanyi, et c’est le marché qui devient processus de sélection des critères et la politique régresse. Aujourd’hui, nous vivons la fin du politique. Quand je dis la fin du politique, je ne dis pas qu’on peut s’en contenter, on peut l’accepter mais ce que je veux dire par contre, c’est que ce qui est en jeu à travers le capitalisme des plateformes c’est bien l’élimination de tout autre critère que celui du marché c’est-à-dire du calcul. Nous vous disons que cela engendre inévitablement de l’entropie parce que ça constitue ce que Bertalanffy appelle des systèmes fermés qui conduisent nécessairement à l’entropie donc nous disons qu’il faut réactiver de l’incalculable. Ce n'est pas pour rien que la politique était une onto-théologie et une théologie politique. L’incalculable c’est le nom de Dieu ; jusqu’au XVIIIe siècle, cela s’appelle Dieu, des dieux, ou des esprits ; c’est ce qui n’est pas calculable parce que c’est transcendant, surréel, ou bien c’est l’origine qui fournit les critères de calcul et donc qui n’est pas calculable elle-même, ça c’est bien connu ; tout cela est très important parce que le souverain est un souverain de droit divin parce qu’il est incalculable ; la souveraineté est incalculable sinon ce n’est pas une souveraineté. Maintenant chez les grecs, chez Platon ou chez Aristote, la souveraineté est une articulation entre l’individuation collective de la Cité et l’individuation psychique des citoyens telle qu’elle est, en tant que telle, capable d’engendrer de l’incalculable parfois par le logos ; qu’est-ce que c’est que le logos ? c’est le polemos c’est-à-dire le conflit entre les niveaux des citoyens pour engendrer de l’improbable. Tout cela c’est ce qui conduit à la nécessité de faire, si l’on veut reprendre ces questions aujourd’hui, au XXIe siècle, nous qui tentons de penser par nous-même, c’est-à-dire orphelins de toute pensée pré-constituée, c’est ce qui nous impose une psychogénéalogie, une noogénéalogie, une technogénéalogie de la tension localité / ouverture ; il faut reprendre toutes ces questions-là, ce qui est un immense programme évidemment, mais c’est le programme de ce qu’on essaie de faire avec Genève 2020 et on essaie d’établir dans le programme de Genève 2020 un consensus entre mathématiciens, économistes, physiciens, biologistes, juristes etc. pour dire : voilà sur quoi on est tombés d’accord et maintenant on veut pas mal d’argent pour faire des expérimentations à l’échelle mondiale et pour essayer d’affronter ce que dit le GIEC, il nous reste 12 ans - comme il disait cela il y a 1 ans, il ne reste que 11 ans si on prend cette échelle du GIEC.
Cette articulation entre psychogénéalogie, noogénéalogie et une technogénéalogie, c’est une réinterprétation des nœuds borroméens de Lacan à travers ce que j’appelle une organologie générale (organes endosomatiques, organes exosomatiques et organisation sociale). Avec le développement de la grammatisation en particulier à travers ce que j’appelle les rétentions tertiaires hypomnésiques orthothétiques - excusez-moi ce vocabulaire mais je ne peux pas autrement, les rétentions tertiaires c’est tout ce qui est produit par l’exosomatisation depuis 3 millions d’années, les rétentions tertiaires hypomnésiques c’est l’exosomatisation des contenus mentaux, ça commence au paléolithique supérieur avec les premières peintures rupestres, les rétentions tertiaires hypomnésiques orthothétiques ce sont celles qui, comme l’écriture alphabétique, permettent de stabiliser, sous une forme écrite par exemple, les énonces de Socrate et les interpréter ou les énoncés de Moïse, et de les interpréter pendant des milliers d’années et de les soumettre à des processus analytiques par la grammaire, par la philosophie, par la théologie, par les commentaires de la Thorah etc. Ce que ça pose, toujours, la production d’une rétention tertiaire hypomnésique orthothétique, que ce soit en Chine, en Inde, en Europe, en Grèce, en Judée, à Rome, au Vatican etc. c’est la constitution d’une hypertrophie de la tête, en latin caput ; qu’est-ce c’est que la tête, caput, c’est la capitale ; et la capitale, à partir du moment où elle concentre les rétentions tertiaires hypomnésiques orthothétiques entre ses mains, elle se constitue en capitale, d’une localité qui va dire : « il n’y a pas de localité, je ne suis pas locale, je suis une capitale » ; ça c’est typiquement le logocentrisme et qui va finir par devenir LE capital – par exemple, Paris, capitale du royaume de France depuis le XVIIIème siècle, d’un seul coup elle va devenir la capitale de Haussmann, c’est-à-dire la capitale de la Ville Lumière, le grand commerce international etc. A cette époque-là, Paris, c’est la grande métropole capitaliste ; et le capitalisme, c’est ce que David Harvey essayait de penser à travers son texte sur Haussmann. Si nous voulons faire une psychogenèse, une noogenèse et une technogenèse à travers une organologie générale qui transforme la question des nœuds borroméens d’un point vue exosomatique puisque c’est ça l’enjeu nous devons étudier l’évolution des conditions du double redoublement épokhal où l’anthropie avec un a et un h qu’est la synchronisation qui essaie d’imposer son pouvoir – un pouvoir est toujours le pouvoir de synchroniser ; j’avais développé ça dans La société automatique – négocie sans cesse avec l’anti-anthropie de la diachronisation dont il a besoin ; si vous lisez par exemple le bouquin qui s’appelle Le nouvel esprit du capitalisme de Boltanski, il parle de la critique artiste, il prend l’exemple de 68, comment ça sert à nourrir la transformation du capitalisme ; le capitalisme, en tant que pouvoir de synchronisation qui est politique et économique, tente à chaque fois de récupérer l’anti-anthropie pour en faire un renforcement de sa synchronisation c’est-à-dire de son anthropie avec un a et un h et ça c’est toute la question de l’évolution du double redoublement épokhal et ce que je dis là n’est pas vrai que du capitalisme bien entendu, c’est vrai du sorcier, c’est vrai du prêtre-roi, c’est vrai du pharaon, du roi-philosophe de Platon etc. C’est vrai de l’Eglise de St-Paul, c’est vrai du pouvoir en général ; le pouvoir synchronise, le savoir diachronise : le savoir c’est toujours le savoir des « emmerdeurs », le savoir vient toujours contester le pouvoir, par nature sinon ce n’est pas du savoir, parce qu’il déstabilise des règles établies. Ça c’est le jeu du double redoublement épokhal, ça commence toujours par une suspension technologique et ça engendre toujours de nouveaux circuits noétiques, le deuxième temps du redoublement épokhal qui est le temps où la crise produite par le choc technologique va générer un processus de diachronisation qui lui-même, va générer de nouveaux circuits transindividuation pour finalement générer une nouvelle synchronisation c’est-à-dire un changement de régime (au sens large et un peu métaphorique).
Maintenant dans cette histoire, le capitalisme industriel constitue un stade très particulier parce qu’il pose en principe absolu que le calcul a le pouvoir sur toutes les autres formes de savoir et donc il tente d’imposer le calcul comme condition de tout savoir. Le problème c’est qu’un tel diktat est autodestructeur de tout savoir ; un savoir qui prétendrait se traduire à un pur calcul n’est plus un savoir, pourquoi ? pour des raisons que j’ai déjà expliquées maintes fois avec Canguilhem et Whitehead, c’est qu’un savoir c’est toujours un savoir de la bifurcation donc de l’incalculable quel que soit le type de savoir, le football, la cuisine, l’éducation des enfants, l’astrophysique etc. Par ailleurs, le capitalisme c’est le pouvoir du calcul exercé sur les corps noétiques, ça veut dire les corps libidineux, les corps désirants et c’est le pouvoir de contrôler la libido mais le pouvoir de contrôler la libido mais contrôler la libido c’est exactement comme le langage, c’est l’éliminer, c’est éliminer la diversification de la libido et c’est donc délier les pulsions c’est pour ça que nous vivons dans le capitalisme pulsionnel.
Ce que rejette toujours et depuis toujours la métaphysique c’est la diversité des corps, c’est la diversité des interprétations, c’est qu’on appelle la méta-physique et c’est ce qui commence avec Platon ; ça veut dire aussi la localité ; c’est toujours la localité qui est rejetée par la métaphysique et aussi ce qui se joue au niveau de la bobine d’Ernest, le neveu de Sigmund Freud – je parle du fameux texte de Au-delà du principe de plaisir – aussi bien qu’au niveau de l’institution de la philia – quand je dis Ernest, c’est l’individu psychique mais quand je dis la philia, c’est l’individuation collective – et c’est ce qui se rejoue à chaque fois en fonction des spécificités des rétentions tertiaires hypomnésiques et orthothétiques qui sont mises en jeu par le double redoublement épokhal – je m’excuse pour toute cette complexité mais comme on en a parlé, depuis le début de séminaire je ne fais qu’un résumé. Ma thèse par rapport à tout cela c’est que, je résume tout à fait maintenant : l’exosomatisation c’est toujours une pharmacologie, ça comporte toujours de pharmaka c’est-à-dire à la fois pour la nécessité du savoir – il faut savoir parce que les nouveaux pharmaka nécessitent d’élaborer de nouveaux savoirs pour limiter les effets anthropiques de pharmaka mais ces nouveaux savoirs engendrent eux-mêmes des nouveaux pharmaka qui eux-mêmes augmentent la prolétarisation - c’est-à-dire la diminution du savoir ; les critères de sélection de l’évolution orthogénétique sont fournis par les activités de l’esprit tel qu’il prend soin des pharmaka générés par l’organogenèse exosomatique mais ce faisant il génère de nouveaux pharmaka qui le prolétarisent.
Ça a toujours été le cas sauf que ça s’est joué à un rythme tel qu’on ne s’en apercevait pas. On a commencé à s’en apercevoir au XIXème siècle et le premier qui en ait parlé ce n’est pas Marx mais c’est Adam Smith ; on en avait parlé un tout petit peu au Vème siècle av. J.C. ; c’est Socrate qui parlait des marchands de savoir ; il disait : les marchands de savoir calculent avec le savoir donc ils ne produisent pas de savoir, ça s’appelle les sophistes ; il disait : ils sont très dangereux, ils détruisent la cité ; je vous rappelle que si il dit ça c’est parce qu’il y a avait des dizaine de milliers de morts, des massacres ; Athènes ce n’était pas du tout une paix civile ; c’était une guerre civile en permanence et je le redis, le procès de Socrate, c’est un parmi 350 procès donc il y a eu des procès à Moscou mais il y a eu aussi des procès à Athènes, ils ont été extrêmement virulents, il y a eu des massacres, c’était la guerre civile.
Alors, aujourd’hui, nous, nous sommes confrontés à ces questions liées à la prolétarisation sur un registre incommensurablement plus tragique ; c’est ce que j’appelle le plus-que-tragique. Pourquoi ? Qu’est-ce que le tragique ? C’est que je ne peux pas éviter de mourir ; c’est tragique. Le christianisme nous dit qu’il y a une solution, il y a l’immortalité de l’âme ; la métaphysique dit ça ; mais les vrais tragiques, Nietzche par exemple, nous dit : il n’y a pas d’immortalité de l’âme ; on ne peut pas éviter de mourir ; mais ce qui est plus-que-tragique, c’est qu’on ne peut pas éviter la disparition de la vie aujourd’hui semble-t-il ; on le sait depuis la mort thermique de l’univers ; on le sait depuis 1865 que la disparition de la vie dans l’univers est quasiment inévitable ; et on pensait que ça prendrait encore quelques milliers ou dizaine de milliers ; eh bien non, le GIEC nous dit ça prendra 12 ans ; la vie ne disparaitra pas dans 12 ans, mais si on ne fait rien dans les 12 ans qui viennent c’est ce qui se produira au XXIIème siècle ; plus ou moins ; il y aura des bactéries, peut-être des insectes etc. mais les formes supérieures de la vie, terminé ! C’est de ça dont on parle ici ; et là il faut prendre très attentivement au sérieux ce que dit Whitehead : Les avancées majeures dans la civilisation sont des processus qui menacent de détruire les civilisations où elles adviennent. Ça c’est le principe pharmacologique fondamental que tous les métaphysiciens ont toujours rejeté ; il ne faut plus le rejeter parce que ça a produit l’anthropie ; l’Anthropocène est le résultat du déni de ce que dit Whitehead. Par ailleurs, ce qui nous fait le plus peur dans la localité, c’est que la localité réactive les fantasmes du pharmakos ; dès qu’on réfléchit à la localité, si on y réfléchit approximativement, sans se donner des moyens absolument nouveaux de la pe(a)nsée avec un e et un a, la pharmacologie de la localité engendre toujours ce que j’ai appelé dans Pharmacologie du front national, la pharmacosophie. Qu’est-ce que la pharmacosophie ? c’est ce qui consiste à pose que l’Autre est responsable de tous les problèmes, que cet autre soit juif, musulman, fonctionnaire, Macron, Trump ; ce n’est pas Trump qui est responsable de nos problèmes, c’est nous qui sommes responsables de Trump, c’est nous qui avons engendré Trump ; on ne l’a pas engendré mais on est peut-être en train d’engendrer encore pire. Donc la pharmacosophie c’est ce qui consiste à dire toujours : c’est la faute des autres, y compris des gilets jaunes. Si nous n’arrivons pas à comprendre ce qui arrive avec les gilets jaunes nous sommes responsables de toutes les conneries que font les gilets jaunes, s’ils en font, ils en feront, ils en ont déjà fait. Ça veut dire que devons apprendre à penser par nous-même la localité et comme enchevêtrement de localité, psychogénétique, noogénétique, technogénétique et historique. Je continue à résumer la précédente session en la réinterprétant, ce que je fais à chaque fois. Qu’est-ce que la localité psychogénétique ? c’est le fait que je suis une localité ; en tant qu’individu psychique, je suis une accumulation psychique de rétentions secondaires qui sont les miennes ; ma vie vous ne la connaissez pas, moi non plus d’ailleurs ; si parfois il faut aller chez le psychanalyste c’est parce qu’on a des rétentions qu’on a refoulées, nous-mêmes on ne sait pas ce qui constitue notre localité ; c’est une localité psychique inscrite dans les circuits d’une localité noogénétique qui est par exemple le christianisme, la philosophie, le football, tout ce que vous voulez et qui est constituée par des savoirs qui forment des enchevêtrements d’individus collectifs qui sont eux-mêmes des rétentions secondaires collectives ; par exemple, les Eléments d’Euclide, le point, la ligne, la surface, les éléments de base de la géométrie euclidienne, ce sont des rétentions secondaires collectives et ça constitue ce que j’appelle des individus collectifs, par exemple les mathématiques, la géométrie euclidienne c’est un individu collectif parce que c’est pratiqué par une communauté que Husserl appelait le « nous » des mathématiques, le « nous idéal » des mathématiques et c’est vrai dans le foot, dans n’importe quel savoir, quel que soit ce savoir et que ce savoir soit rationnel au sens occidental, ou chamanique ou autre, c’est un savoir qui constitue un partage de rétentions secondaires collectives et qui est transmissible à travers une éducation. La localité qu’est la biosphère en totalité est la condition de ces localités psychogénétiques et noogénétiques. Il ne peut pas y avoir d’individuation psychique s’il n’y a pas d’individuation collective noogénétique c’est-à-dire symbolique dirait Lacan, je m’inscris dans du symbolique, et pour qu’il y ait tout ça il faut qu’il y ait une biosphère c’est-à-dire que je sois un être vivant et pour que je sois un être vivant il faut qu’il y ait d’autres êtres vivants pour que je puisse manger, des salades si je suis végan, des poulets si je ne suis pas végan etc., par exemple. Cette localité-là qui a été décrite par Vernadsky et Schrödinger selon moi – surtout par Vernadsky - elle est inscrite dans une localité plus large qui est une localité astrophysique, le système solaire, cette localité astrophysique étant elle-même dans une autre localité astrophysique qui s’appelle la Voie lactée, la Voie lactée étant elle-même dans un univers en expansion si on en croit la théorie du Big Bang etc. ; tout cela est processuel et depuis 1929 on sait que tout est processuel , absolument tout ; je vous le redis, on ne le sait que depuis 1929 ; Einstein par exemple ne pensait pas du tout ça, il pensant qu’il y avait quelque chose d’absolument stable, l’univers, et c’est faux ; il s’est trompé ; il l’a reconnu ; 8 ans après il l’a reconnu : oui en effet, il a raison Hubble ! Rendez-vous compte de ce que ça veut dire : ça veut dire que l’univers, c’est-à-dire l’universel doit être repensé en totalité et cela à partir de la localité. Et cela nous donne des responsabilités politiques, économiques et sociales.
Nous nous différencions par la façon dont nous participons à la génération du transindividuel qui est une diversification laquelle est le fait de la différance avec un a de la différence idiomatique elle-même appelée parfois Babélisation ; la babélisation c’est donc, nous dit-on dans un cours que j’ai retrouvé sur internet, « la tendance naturelle des langues à la fragmentation » ; mais si on regarde ce que dit Marcel Mauss « … il est impossible d’entrevoir quand il y aura une langue unique. Celle-ci est impossible à coup sûr tant qu’il n’y aura pas une société universelle mais tout indique que le nombre des langues est destiné à se réduire encore alors le monde … », on se mettra à parler l’anglais ; vous croyez que ça pense dans le « globish » ? Moi j’en doute beaucoup. Je pense que Mauss ici se trompe gravement. Qu’est-ce que la langue ? Dans toutes les formes de localités noétiques quelles qu’elles soient, chamaniques, monothéistes, républicaines, la langue est une exorganisation médiane ; elle appartient à l’exosomatisation, elle est exosomatique, mais elle a un statut particulier parmi les réalités exosomatiques ; elle met en relation toutes les réalités exosomatiques : les exorganismes simples, les exorganismes complexes inférieurs, les exorganisme complexes supérieurs par exemple à travers la traduction et ici le travail de Sylvain Auroux qui s’appelle La révolution technologique de la grammatisation est extrêmement important parce qu’il fait une histoire des conditions du langage. La langue relie toutes les instances exosomatiques à tous les niveaux et d’abord l’inconscient, le préconscient, le conscient, le Moi, la censure, le surmoi etc. il y a toutes les instances de l’appareil psychiques lui-même de l’individu; ça c’est ce que montre Lacan sauf que Lacan ne pense que cette instance-là ; or cette instance, si elle n’est pas inscrite dans les instances des exorganismes complexes eh bien elle n’instancie pas ; ça veut dire qu’il faut articuler à travers la langue les localités psychogénétiques avec les localités noogénétiques qui sont économiques, juridiques etc. et qui sont faits de circuits du symbolique ; ce n’est pas simplement le symbolique du signifiant au sens restreint c’est le signifiant en un sens très large, le signifiant comme signi-fication, comme diversi-fication qui est aussi comme dirait Yuk Hui, une techno-diversité parce qu’interviennent des organes exosomatiques hypomnésiques, c’est ce que j’avais dit l’autre fois quant de disais les retentions qui sont primaires et secondaires sont factorisées par les rétentions tertiaires et les rétentions tertiaires sont exosomatiques ; ça veut donc dire que l’exosomatique surdétermine le symbolique. Il en résulte que la localité psychogénétique et la localité noogénétique sont elles-mêmes conditionnées par une localité technogénétique qui s’ancre dans une localité géographique marquée par la localité historique qui s’y est ainsi accumulée.
A présent, l’enjeu est l’internation qui devrait se constituer en une nouvelle supériorité, voilà la thèse que je défends ici. Je soutiens qu’il ne peut pas y avoir d’exorganismes complexes inférieurs sans faire intervenir d’exorganismes complexes supérieurs ; pendant longtemps c’était le pape en Europe occidentale, à d’autres époques c’était l’empereur ou le pharaon etc. Aujourd’hui, il faut une nouvelle supériorité qui suppose de bien comprendre ce qui a fait la supériorité de la nation ; voilà ce que dit Mauss et ça c’est très important ; ce travail n’a jamais été fait ; il a été fait par des philosophes qui postulaient comme Hobbes « l’Etat c’est-à-dire la Nation etc. » Mais ça c’était une postulation a priori ; nous nous devons faire une étude a postériori c’est-à-dire étudier organologiquement la genèse des supériorités au moment où il n’y a plus de supériorités. C’est-à-dire qu’il n’y a plus de causes finales ; ce qui domine c’est la cause efficiente c’est-à-dire Amazon. Nous devons produire une nouvelle supériorité qui suppose de nouvelles institutions de savoir, de nouvelles activités anti anthropiques avec un a et un h qui ne court-circuiteraient pas le niveau de localité que ce soit l’individu psychique qui est aujourd’hui court-circuité par Facebook ou la physique qui est court-circuitée par les Big Datas qui prolétarisent les chercheurs et c’est les chercheurs qui le disent pas moi, et qui fourniraient dans la biosphère elle-même considérée comme une localité dans l’univers, et d’abord dans le système solaire, de nouveaux critères d’évaluation, de nouveaux critères de décision dans l’exosomatisation ; c’est ce qui est en jeu dans ce qu’à Plaine-commune nous appelons l’Institut de gestion de l’économie contributive ça renvoie à quelque chose de très précis à Plaine Commune, un concept nouveau, une nouvelle institution de la localité à la fois comme économie politique, économie globale et territorialité.
Tout à l’heure, nous avons dit que la babélisation c’est la tendance naturelle à la fragmentation ; par exemple Ferdinand de Saussure dans son cours de linguistique générale a beaucoup insisté sur ce point, jamais on ne pourra instituer une langue unique et pourtant ce que nous vivons nous c’est une dé-babélisation par la grammatisation ; alors il faut revenir à ce que disait Mauss : à quand une langue unique ? demande-t-il ; cette question de Mauss est engendrée par la grammatisation car de fait le « globish » existe ; il faudrait en parler très en détail en revenant sur Sylvain Auroux et la critique que j’avais faite de Michel Foucault avec Sylvain Auroux ; je ne vais pas le faire maintenant mais j’y consacrerai un séminaire bientôt ; en tout cas, à cette question « à quand une langue unique ? » ma réponse est « jamais » et ce n’est pas une réponse « peut-être jamais », non, c’est absolument jamais, c’est un monstre ontologique, une langue unique ; c’est absolument impossible ; qu’est-ce c’est qu’une langue unique ? ce n’est plus une langue, c’est un système de signaux computationnels, c’est une élimination cybernétique de la signification et ça c’est pas moi simplement qui le dit, c’est aussi Norbert Wiener; il ne le dit pas comme ça ; malheureusement Norbert Wiener fait une confusion entre information et langage du coup il s’emmêle les pinceaux dans une référence à Claude Shannon pour essayer de fonder sa théorie cybernétique du savoir et ça ne marche pas du tout - je suis en train d’écrire un livre là-dessus que j’espère publier l’année prochaine – mais en revanche il pose bien le problème ; dans le deuxième chapitre de Cybernétique et société il pose bien que ce qui est menacé par la cybernétique c’est le savoir c’est-à-dire la noodiversité. Une norme unique ça produit inéluctablement une pensée unique au sens le plus vulgaire du terme, une standardisation totale des critères de sélection qui court-circuitent tout localité psychique, territoriale, noétique, réticulaire etc. Et c’est comme ça que le locuteur, auditeur, interlocuteur par exemple pratiquerait une telle langue unique ne devrait plus parler, il ne pourrait plus que suivre les injonctions de ce qui s’adresse à lui qui n’est pas une langue mais un phéromone numérique, on revient au sujet des fourmis numériques dont j’avais parlé dans De la misère symbolique ; mais malheureusement c’est ce qui se passe ; si vous regardez ce qui se passe sur Facebook ou sur Twitter c’est ce qui se passe très précisément ; le business model de ces réseaux sociaux est basé là-dessus parce qu’il s’agit de massifier les comportements, de les standardiser et de prendre de vitesse les critères de sélection que sont les protentions psychiques, les court-circuiter à travers de ce que j’ai appelé les protentions automatiques et ça c’est aujourd’hui totalement attesté. Donc, ce dont parle Marcel Mauss, c’est une réalité mais c’est une réalité fake, si je puis dire ; c’est la réalité de la post-vérité ; c’est la réalité dans laquelle le langage est en train de disparaitre et est remplacé par un système de signaux c’est-à-dire de réactions contrôlées par des rétentions tertiaires hypomnésiques digitales purement computationnelles. Maintenant, il y a des contre-tendances qui peuvent s’exprimer de toutes sortes de manières parfois, parfois des pires manières, à commencer par la xénophobie, le nationalisme, toutes ces formes-là mais le problème c’est que ces contre-tendances, quand elles sont très effrayantes comme celles que je viens d’évoquer, sont provoquées par une réalité. Donc si on ne traite pas, si on ne parle pas de cette réalité, si on ne l’analyse pas, si on ne la panse pas avec un a elles ne peuvent qu’augmenter ; ce sont les contre-tendances à la relocalisation et Donald Trump lui-même parle de relocalisation ; ou bien on ne s’occupe pas de la localité et à ce moment-là c’est ça qui va s’exprimer comme discours sur la localité et c’est une catastrophe, c’est une régression absolue qui conduit à la guerre, inévitablement, et à la guerre totale ou bien on prend en charge la question de la localité et on se met à penser par soi-même au XXIème siècle. A ce moment-là, il faut s’intéresser aux individus psychiques en tant qu’ils constituent des idiolectes, ce que certains sociolinguistes appellent des idiolectes ; un idiolecte, c’est, ce que je décrivais l’autre jour, un ensemble rétentions secondaires psychiques qui servent de critères et qui sont chaque fois spécifiques à tel ou tel individu ; on ne parle pas de la même manière, chacun d’entre nous a sa façon de parler et si ce n’était pas le cas, nous ne pourrions plus parler et malheureusement c’est ce qui est en train de disparaître. Ça produit des réactions de relocalisation. Les idiolectes ne sont possible qu’à la condition de s’individuer collectivement dans ce que Simondon appelle « un déphasage » comme il dit, « disparation », or il y a des façons de s’individuer collectivement et individuellement très banales, par exemple mon gosse, Augustin, qui se met à parler comme sa génération et moi qui ne parle pas comme lui, et on se parle quand même, ou bien ça peut être Gérard de Nerval qui compose Soleil noir c’est un idiolecte, c’est un idiolecte qui apparaît aux autres comme constituant le summum du dialecte, le plus signifiant qui soit, le plus idiolectal, le plus singulier, le plus local par rapport aux autres circuits de transindividuation. Un poète, comme un juriste, comme un scientifique, un artiste etc. c’est un créateur de nouveaux circuits de transindividuation à partir de son idiolectualité c’est-à-dire à partir de sa localité et cette transindividuation, elle, se produit localement, toujours, parce qu’elle constitue des processus d’individuation collective qui peuvent être des circuits d’Art contemporain, qui peuvent être toutes sortes de choses et qui peuvent être plus ou moins territorialisés qui constituent ce que Mitra Azar appelle des « points de vue ». Alors, si on est d’accord avec tout ce que je viens de dire, ce qui ne va pas tout seul, je ne suis pas en train de dire que ça s’impose comme une évidence, il n’y a rien d’évident dans ce dont je parle là, par contre je pense que ce sont des questions que nous ne pouvons pas éviter si nous voulons faire face aux problèmes, ces questions sont là pour traiter des problèmes, de l’Anthropocène.
Si on est d’accord pour dire qu’il y a de la relocalisation, et qu’il faut poser la question de la relocalisation, alors il faut demander : alors, qu’en est-il du territoire ? dans cette relocalisation et c’est ça qui est très inquiétant ; à partir du moment où on se dit qu’il faut repenser la localisation ou penser la relocalisation et on ajoute càd le territoire alors des barrières s’élèvent, des murs entre le Mexique et l’Amérique du Nord etc., des systèmes de filtrage et de rejet, bref tout ce qui constitue par exemple les fantasmes de l’immigration et l’exploitation de ces fantasmes, le rapport entre le même et l’autre, dans les pires versions qu’on peut imaginer, tout ça est très effrayant. Cela étant, ce que nous posons, nous, à Plaine Commune, c’est qu’il ne faut pas dénier la dimension territoriale de toute localité ; si par exemple il y a des gens qui pratiquent des réseaux sociaux, je ne parle pas des choses comme Facebook et Twitter, mais des choses beaucoup plus élaborées et qu’ils rythment ces rencontres en ligne, comme on dit, avec des rencontres physiques, c’est parce que il y a une nécessité de la proximité physique c’est-à-dire d’une relocalisation territoriale et si nous y insistons depuis quelques années à l’IRI particulièrement, c’est parce que tout ce que nous disons c’est que tous ces discours-là, s’ils ne se traduisent pas par une macroéconomie eh bien c’est du vent, du blabla, et s’il s’agit de parler de macroéconomie, il s’agit de parler d’une macroéconomie de la localité. L’institut de gestion de l’économie contributive que l’on essaie d’élaborer avec Olivier, Clément et Vincent Morlat – et Maël Montévil – c’est un institut local territorial parce que d’abord il essaie de prendre très au sérieux les circuits courts c’est-à-dire le fait de réduire au maximum la production de CO2, le gaspillage intrinsèque qui est produit par le commerce international, la destruction de la planète par tous ces circuits longs qui ne sont absolument pas nécessaires et qui ne servent en général qu’à ruiner les Kenyans, les Sénégalais, tous ceux qui sont pris dans cette logique qui fait qu’ils ne sont plus dans les cultures vivrières mais dans des cultures spéculatives et qu’on leur pique finalement leurs richesses pour faire de l’extraction, de la captation de valeur par exemple dans l’import/export etc. Ca ce sont des réalités ; il faut arrêter de dire qu’on a pas de droit de parler de ça parce que ça pose des problèmes de territoires, si, il faut parler de ça ; si on ne veut pas que des territoires fermés se constituent c’est-à-dire des territoires régressifs, eh bien il faut prendre en charge ces formules-là et produire une macroéconomie globale, mondiale, ce que j’appelle une remondialisation qui reconstitue les localités mais qui les ouvre parce qu’elles ont tout à gagner à échanger et pas échanger le CO2, pas augmenter le kérosène où vous avez de la marchandise dont 60% du prix c’est du pétrole et de la publicité et 10% va au producteur qui ne couvre pas ses frais parce que ça c’est la réalité de l’agriculture française aujourd’hui par exemple. Si on ne parle pas de ces choses-là ce n’est pas la peine de dire quoi que ce soit des Gilets jaunes, on a qu’à se taire et dire je ne sais pas, je n’ai rien à dire sur le sujet.
Il y a de la localité aussi bien au plan de la rationalité économique – je parle d’économie politique – qu’au plan de la rationalité libidinale ; il y a aussi une économie libidinale qui est constituée par des réseaux de proximité ; quelqu’un qui en parle très bien dans Le voyageur et son ombre, c’est Frédéric Nietzche ; ces questions ne sont pas des régressions retardataires, des retours, au XXIème siècle, des questions archaïques, non, c’est un peu prendre au sérieux Frédéric Nietzche ; ça veut dire qu’il faut lutter contre l’entropie au sens habituel du terme quand elle devient anthropique avec un a et un h et savoir que cette lutte contre l’anthropie, elle pose évidemment toujours le problème du fait que le pharmakon, quand on lutte pour en réduire la toxicité on risque toujours de générer un pharmakos parce que précisément on a pas traité les bons problèmes on se trouve bouc émissaire. Là je voudrais dire un point fondamental par rapport à notre problématique ici aujourd’hui dans ce séminaire c’est que la question de la localité c’est ce qui a été structurellement éliminé dès l’origine de la philosophie par Platon ; quand on parle de déconstruire la métaphysique par exemple de Platon, c’est déconstruire ce rejet de la localité par Platon ; du même coup, la philosophie à travers Platon rejette la question de la technique ; en rejetant la localité, Platon rejette aussi bien la question de la technique et ce faisant il rejette les singularités idiomatiques ; il voudrait qu’on ne parle plus qu’une langue, la langue du philosophe et c’est pour ça qu’au Livre 3 il dit : on évacue les poètes c’est-à-dire les facteurs de troubles diachroniques, les expressions tragiques des poètes. Or ça c’est les traits de la culture tragique précisément ; je parle de la culture tragique des grecs du VIIème au Vème siècle av. J.-C. Technicité d’une part et localité d’autre part, sont les traits caractéristiques de la mortalité pour les grecs ; et c’est ce qu’éprouve la culture de la honte comme on l’appelle depuis Muray; il distinguait les cultures de la honte et les cultures de la culpabilité ; la culture de la honte c’est celle qui éprouve la mortalité comme irréductibilité et de la technicité c’est-à-dire de l’universalisation technique et de la localité c’est-à-dire d’Hestia ; il s’agit d’articuler entre les deux Hermès ; Prométhée, Hestia et entre les deux Hermès, Hermès qui est une figure de la langue comme pouvoir de médiation exorganique. Le platonisme dénie la technicité tout autant que l’idiomaticité et ce qu’il combat avant tout dans la localité c’est la localité du corps y compris de ce que la psychanalyse appellera « les objets partiels » qui constituent toujours le corps comme pulsionnel. Il s’agit de désidiomatiser l’âme en imposant l’universalité (même si c’est pas Platon qui parle d’universalité, c’est Aristote) mais en y imposant une universalité de l’immortalité de l’âme. Elle est désidiomatisée parce qu’il s’agit ainsi d’éliminer la langue ou plutôt dans la langue ce qui résiste à ce qui deviendra avec Aristote la logique. Ce qui est en train de se former à travers tout ça c’est ce que Kant appellera l’entendement. Ce n’est pas pour rien que l’entendement, la déduction transcendantale des catégories de l’entendement, c’est une logique transcendantale ; donc ce qui est en train de se produire là ce n’est pas un « videur » Platon qui aurait éliminé…, non, c’est un processus noogénétique, c’est une histoire du double redoublement épokhal que nous devons penser et comme étant une histoire du rapport à la localité, du déni de la localité etc. jusqu’au moment où nous nous atteignons le niveau de la biosphère et le discours du GIEC nous disant que c’est trop tard pour sauver la biosphère, voilà, c’est de ça dont il s’agit.
Quant à la langue qui est une exorganisation médiane qui relie les exorganismes simples et les complexes, inférieurs et supérieurs, elle recèle deux pôle, diachroniques et synchroniques et ces pôles constituent depuis l’intérieur, par exemple la synchronie constitue un idiome qui se définit comme l’idiome par exemple des Italiens, ils parlent une langue latine, moi aussi, mais l’idiome italien c’est une synchronie vu de l’extérieur, mais vu de l’intérieur c’est une diachronie et ce sont des diachronies donc c’est le point de vue dont parle Mitra Azar, on ne peut pas éliminer le point de vue donc il n’y a aucune réalité qui serait ou synchronique ou diachronique, c’est toujours les deux et ça dépend de quel point de vue on en parle et ça c’est ce que la philosophie – jusqu’au XIXème siècle - a toujours essayé d’éliminer. A partir de là, le pouvoir, qu’est-ce qui l’a constitué - c’est là qu’il faut lire Auroux – ben, une langue, une nation – c’est ce que dit un grammairien à Isabelle de Castille – et c’est comme ça qu’Isabelle de Castille va essayer d’imposer le castillan aux basques et aux catalans, à tous les idiomes hispanisants latins de l’Espagne pourquoi ? pour imposer un pouvoir et François Ier fait la même chose avec l’Edit de Villers-Cotterêts (1539) et ça se passe dans tous les pays à partir du moment où les monarchies tentent de s’établir d’une manière ou d’une autre et évidemment là-dessus règne une surlangue qui s’appelle le latin et qui constitue l’exorganisme supérieur « supérieur » si je puis dire et qui borne tous les royaumes et qui règle leurs relations puisque tous ces royaumes sont chrétiens, ça s’appelle l’Empire romain germanique pendant une certaine époque ensuite ça s’appelle l’Europe occidentale, ils sont tous chrétiens d’ailleurs, plus ou moins, il y a des anglicans, des protestants etc. et tout ça va se régler d’abord à travers le latin puis à un moment donné Luther va dire « le latin, on oublie, on parle allemand, nous » et ça prépare le Discours de Fichte à la nation allemande (1807); tout ça est extrêmement important. Derrière tout ça c’est toujours le rapport entre localité diachronique et déterritorialisation synchronique ; je viens d’employer un mot qui est la déterritorialisation eh bien la déterritorialisation c’est la loi ; quand je dis « c’est la loi » je l’emploie aux deux sens du terme : la loi se produit toujours par une déterritorialisation, par exemple les Athéniens vont dire à partir de 403 av J.-C. vous utilisez tel alphabet et la loi va se construire comme ça, c’est comme ça qu’ils vont constituer la grande Grèce ; c’est sur cette base qu’Alexandre va de venir Alexandre d’ailleurs, que l’Empire va se constituer mais c’est aussi la loi au sens où il y a toujours de la déterritorialisation, vous ne pouvez pas éviter la déterritorialisation pour que le diachronique puisse se diachroniser il faut qu’il diachronise un espace synchronique donc il y a toujours de la déterritorialisation qui territorialise et réciproquement ; et là j’insiste sur un point, je pense que les gens qui disent ça très précisément ce sont Gilles Deleuze et Félix Guattari et ce sont les deleuziens qui ne savent pas lire qui ne voient pas ça ; Deleuze et Guattari qui ont dit : attention, il n’y a pas de déterritorialisation sans territorialisation et réciproquement ; ce n'est pas du tout la « gentille » déterritorialisation et la « méchante » territorialisation, pas du tout ; et si on ne comprend pas ça, on ne peut rien faire de Deleuze et Guattari au XXIème siècle.
Il faudrait prendre des exemples, j’en prendrai d’ailleurs dans le deuxième tome de La société automatique, je reviendrai sur les Baruyas qui ont des idiomes qui leurs sont spécifiques mais qui sont rapportés à une ethnie qui constituent une langue commune de l’ethnie etc. et chez les Grecs on parle de la koinè, il y a toujours ça dans toutes les sociétés. Il n’y a que depuis le XXème siècle et à travers les industries culturelles que Adorno et Horkheimer vont analyser dès 1944 pour essayer de nous faire croire que tout ça n’existe pas, que la localité c’est éliminable et qu’il n’y a que le marché et Deleuze va dire oui en effet il n’a y a que le marché mais ce qui l’intéresse, lui, c’est le singulier. La difficulté de cette analyse, c’est évidemment la question des racines. C’est une difficulté les racines mais il y a les racines, c’est absolument évident. Le vrai problème ce n’est pas qu’il y ait des racines c’est de ne pas être capable de déraciner. Et ça c’est le problème de Heidegger en particulier dans ce texte qui s’appelle Gelassenheit, sérénité. Les racines noétiques elles sont rhizomatiques. Quand on entend parler Deleuze de rhizome, il faut aller voir ce qu’est un rhizome, un rhizome, ça a des racines ; seulement ces racines, elles ont une tendance à générer des fleurs, des plantes etc. souterrainement, horizontalement mais pas simplement dans la verticalité et c’est ça qui très particulier ; il y a des racines bien entendu ; rhizoma ça veut dire « touffe de racines » étymologiquement et pour que le rhizome génère les propagules et se dissémine par séparation – et c’est ça qui intéresse Deleuze et Guattari – il faut qu’il soit enraciné à quelque part ; la vertu du rhizome c’est comme tige souterraine et horizontale de proliférer de manière diasporique donc de former des diaspores et ça pas simplement par le vent comme c’est le cas des fleurs traditionnelles, pas simplement par l’eau, pas simplement par la pollinisation à travers les insectes, mais par les souterrains et c’est là que le rhizome rejoint la taupe de Nietzsche.
Aujourd’hui il faut poser ces questions pour s’opposer à la guerre économique ; nous vivons actuellement une guerre économique totale qui est en train d’engendrer une guerre civile mondiale parce que la tension sociale est partout extrêmement élevée et très dangereuse et cette guerre économique globale ne peut qu’engendrer une guerre militaire globale si on n’y met pas un terme, si on ne trouve pas des traités de paix capables de négocier avec ces contradictions ; tel est le point de gravité du XXIème siècle et des 12 ans qui viennent et c’est ça qui doit constituer le critère d’évaluation de nos responsabilités. De telles questions doivent être formulées comme base de négociation d’une paix économique pour éviter la dégénérescence de la guerre économique en guerre nucléaire ; une telle paix n’est jamais perpétuelle, elle est toujours indispensable à la vie intermittente de l’esprit mais elle est toujours menacée. La vie de l’esprit doit toujours se réveiller de son sommeil plus ou moins dogmatique qui est devenu un post-je-ne-sais-quoi, poststructuraliste, postmoderniste, post-digital et post-vérité. Le post c’est le nom commun des errances interminables et minables dans l’ère anthropocène où nous sommes aujourd’hui perdus ; il s’agit donc de se réveiller pour sortir de l’anthropocène et ce réveil, on peut l’appeler néguanthropocène ou encore autrement, Bruno Latour parle d’atterrissage, il parlait d’atterrissage il y a deux ans donc où atterrir, maintenant il parle de Heimat, tiens tiens ! Latour se met à parler de Heimat. Vous savez ce que veut dire Heimat, c’est un mot qui a beaucoup marqué une certaine période allemande mais il en parle à propos d’un film absolument formidable, un feuilleton inouï sur l’histoire des pauvres paysans allemands qui devaient partir en Argentine et qui, finalement, a conduit à la Heimat des années 30 en Allemagne. Je pense qu’il faut regarder ça, qu’il faut lire le texte de Latour. Essayons de lire Marcel Mauss ; qu’est-ce qu’il dit ? Ce que je voudrais faire c’est d’abord essayer de reconstituer la genèse des propositions de Mauss sur l’internation qui arrivent à la fin. Par quoi commence-t-il ? Mauss dit : nous n’avons pas encore une notion de ce que c’est que la nation et il cite Ernest Renan, que j’ai moi-même pas mal cité dans le tome2 de La technique et le temps, qui dit que l’Europe est une machine à « engendrer des nations » ; c’est comme ça que Renan définit l’Europe ; je vous rappelle que Renan lui-même a écrit un livre qui s’appelle Qu’est-ce qu’une nation et dans ce livre il dit : « un nation c’est une territorialité capable d’intégrer l’étranger » c’est-à-dire d’adopter l’Autre - c’est d’abord ça une nation – et pas seulement les migrants, les nouvelles idées, les nouvelles formes artistiques, c’est ouvert ; c’est un territoire qui est « ouvert » ; c’est à partir de ce discours d’Ernest Renan que moi-même j’ai élaboré tout un chapitre sur l’adoption comme l’individuation véritable qui n’est jamais une adaptation mais une adoption ; ensuite Mauss dit en partant d’Ernest Renan qu’une nation c’est ce qui permet l’intégration ; ici, le mot intégration ne veut pas dire intégration des migrants ; ça veut dire d’abord l’intégration de tout ce qui constitue la « polysegmentarité » ; une ethnie Baruya par exemple c’est ce qu’on appelle une société polysegmentaire, c’est une terminologie que Deleuze et Guattari reprennent ; que veut dire »une société polysegmentaire » ? les Baruyas appartiennent à une ethnie mais ils vivent en tribus mais ces tribus ne sont pas intégrées en fait, elles ont des relations privilégiées entre elles mais elles n’ont pas de pouvoir central. Le pouvoir central c’est l’archè, l’impérium. Pour qu’il y ait une nation il faut qu’il y ait un processus d’intégration autour d’un pouvoir central qui constitue un imperium – imperium au sens où Lordon parle d’imperium en partant de Spinoza. Là Mauss, dit : on mélange tout quand on parle de nation ; on y met les ethnies (les peuples), on y met ce qu’Aristote appelait les poleis, les cités grecques, on y met les Etats qui ne sont pas forcément des nations, par exemple l’Etat de Richelieu ce n’est pas une nation c’est un Etat monarchique, ce n’est pas du tout une nation, c’est un Etat sens de Hobbes et puis on y met les nations au sens moderne c’est-à-dire au sens du XIXème siècle où là il y a une intégration fonctionnelle qui se produit qui se fait par le marché ; c’est le marché capitaliste qui produit la nation au sens moderne et ça engendre ce qu’on appelle l’Etat-nation que le parti communisme français appellera en 1972 le capitalisme monopolistique d’Etat. Alors ici remarquez ce passage-là très important : « si les comparaisons biologiques n’étaient pas dangereuses en sociologie, nous appliquerions directement les procédés de classement des zoologistes et nous dirions que les sociétés polysegmentaires sont comparables aux espèces inférieures des familles et des genres animaux » Que se passe-t-il ? Mauss ethnocentrique ? oui c’est indiscutablement raciste mais en fait pas du tout ; vous allez voir par la suite qu’il est absolument anti-raciste mais oui, il y a quelque chose qui ressemble à un logocentrisme, à un ethnocentrisme. Que dit-il des sociétés polysegmentaires – les Baruyas dont je parlais tout à l’heure – comme les colonies animales, dont chaque élément associé est indépendant, capable de vie, de reproduction et de mort c’est-à-dire qu’il n’y a pas une véritable intégration au sein de ce que nous appelons les exorganismes complexes supérieurs. Je ne crois pas qu’il faille suivre ici ce que dit Marcel Mauss à la lettre, ce que je crois en revanche c’est que Marcel Mauss en appelle à ce fera Leroi-Gourhan d’une part et d’autre part à ce que permettra de faire Lotka c’est-à-dire qu’en fait ses comparaisons sont invalides parce que là on n’a pas à faire avec des espèces endosomatiques mais des espèces exosomatiques et donc les problèmes se posent tout à fait autrement. Il poursuit en disant que les rois de France, les rois d’Angleterre, les tsars ne sont pas véritablement des centres d’intégration comme ce qui constitue des nations, il dit que par exemple le roi en France c’est celui qui gère des relations entre seigneurs, des comtes, des ducs, et il n’y a pas d’intégration ; dans tel comté on dit comme ça, dans tel autre on dit autrement, la règle n’est pas la même, c’est celle des deux comtes, ce sont des localités elles ne sont pas intégrées. Ce qu’il essaie de penser c’est une intégration des localités à travers une localité supérieure qu’il appelle la nation. Nous entendons par nation une société matériellement et moralement intégrée ; que veut dire matériellement ? eh bien par exemple on mange des pommes de terres dans le nord comme dans le sud de la France ; il y a un commerce, des voies navigables qui permettent de faire que les patates du nord vont jusqu’à Marseille et le pinard de Marseille va dans le nord ; pinard ça peut paraître vulgaire mais c’est le nom du mauvais vin qu’on produisait par millions de litres pour saouler et calmer les mineurs qui sont décrits par Emile Zola dans Germinal.
« Donc nous entendons par nation une société matériellement et moralement intégrée, à pouvoir central stable, permanent, à frontières déterminées, à relative unité morale, mentale et culturelle des habitants qui adhèrent consciemment à l’Etat et à ses lois. » Ça c’est la définition historico- anthropologique et ethnographique de la nation par Marcel Mauss. Alors qu’est-ce qu’il nous dit ? Est-ce qu’il nous dit par exemple qu’il faut rester dans la nation ? Pas du tout, il nous dit qu’il faut simplement savoir que ça, ça ne va disparaître comme ça et que ça n’est qu’en tenant compte de la nation qu’on peut produire l’internation et non en faisant table rase comme dit l’Internationale, c’est-à-dire du passé faisons table rase, on efface tout, les rois ; c’est que fera Mao, ça s’appelle la Revolution culturelle et je pense que c’est très problématique. Et Marcel Mauss dit aux marxistes, dont il est ami par ailleurs puisqu’il travaille avec eux, attendez, n’allez pas trop vite en besogne avec la nation, oui il faut produire quelque chose mais ce n’est pas l’Internationale des prolétaires mais c’est l’Internation des nations, ce n’est pas tout à fait la même chose. Nous, aujourd’hui, nous sommes obligés de dire cela et de le penser, non pas pour dire que c’est très bien mais parce que nous devons faire face à la question de localité et que jusqu’à il n’y a pas très longtemps la localité était la localité nationale ; peut-être que la localité nationale doit disparaître, peut être par exemple que la localité doit constituer des réseaux urbains en ville – c’est ce que disent beaucoup les gens qui parlent des villes ouvertes, des open cities, des unités territoriales réticulées etc. – et moi je ne suis pas du tout contre ça mais par contre, pour réticuler des localités, il faut qu’il y ait des localités ; donc la question c’est : quels sont les principes de localisation et de localité qu’on va constituer et à des niveaux qui sont scalaires ça veut dire qu’il y a des échelles qu’il faut toutes prendre en charge. Un autre point c’est que tout ça impose de repenser l’économie autrement ; Il dit qu’il faut lire Bücher, un théoricien allemand qui pose qu’il y a trois grands types d’économie à son époque, il y a l’économie fermée, c’est soit l’économie familiale soit l’économie clanique, il y a l’économie urbaine c’est-à-dire ce qui se passe avec l’apparition des villes, que ce soit les villes des grands empires hydrauliques ou par exemple les villes de la Renaissance italienne et l’extraordinaire dynamisme des villes italiennes et puis il y a l’économie nationale, celle dont je parlais tout à l’heure à propos d’Haussmann ; le Paris d’Haussmann ce n’est pas le Paris de l’économie urbaine c’est le Paris d’une économie nationale capitale et en l’occurrence du capitalisme français. Ensuite Mauss ajoute que l’Europe c’est ce qui est constitué par des
Etats relativement indépendants les uns des autres, dont le protectionnisme, les monnaies nationales, les emprunts et les changes nationaux exprimaient à la fois la volonté et la force de se suffire à eux-mêmes et cette notion, inhérente à la monnaie que l’ensemble des citoyens d’un Etat forment une unité où l’on a même croyance dans le crédit national, un crédit auquel les autres pays ont toute confiance dans la même mesure où ils ont confiance dans cette unité
Si par exemple, Garibaldi fait l’unité de l’Italie c’est pour pouvoir s’instaurer comme nation dans laquelle une confiance va s’imposer entre pays voisins, Garibaldi pose que pour que l’Italie se constitue en souveraineté elle doit se constituer en nation. Voilà tout ce que décrit Marcel Mauss, j’y reviendrai plus en détail en particulier sur cette question où il dit qu’une nation « digne de ce nom – drôle d’expression – a sa civilisation, sa mentalité, sa sensibilité, sa volonté, sa forme de progrès et tous les citoyens qui la composent participent à l’idée qui la mène » ça peut choquer de dire ça, ça pose quelques problèmes et en tout cas et surtout, c’est ce qui m’importe, c’est devenu parfaitement faux pour des raisons qui sont exposées dans cet articlehttps://lpeproject.org/blog/from-territorial-to-functional-sovereignty-the-case-of-amazon/↩︎ ; ce qui parfaitement faux c’est que cette nation n’existe plus ; Trump dit par exemple Make America Great Again, la nation américaine, sa culture, c’est foutu, c’est terminé, c’est trop tard ; comment nous nous ayons à repenser la localité qui est capable de comprendre ce qui s’est joué à travers la nation à un moment donné dont je crois que ce que disait Mauss en dessinait les traits caractéristiques et qui reprendrait en charge au XXIème siècle cette question de la localité telle qu’elle est la condition de la singularité, de l’idiomaticité, de la noèse et de l’économie en tirant les conséquences de tout cela et en essayant de dépasser ce que dit Mauss parce qu’il va falloir qu’on en parle, du dépassement de Mauss.
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