Le séminaire Pharmakon en hypertexte : 2019

Séance 1 : Les localités de l’internation

Séance 1 : Les localités de l’internation

Exorganologie II Remondialisation et internation

Bernard Stiegler

Bernard Stiegler, « Séance 1 : Les localités de l’internation », dans Michel Blanchut, Victor Chaix (dir.), Le séminaire Pharmakon en hypertexte : 2019 (édition augmentée), Laboratoire sur les écritures numériques, Montréal, 2025, isbn : , https://pharmakon.epokhe.world/seminaire-hypertexte/2019/seance1.html.
version 0, 20/12/2025
Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0)

Enregistrement du 10 janvier 2019 sur l’instance Peertube de la MSH Paris-Nord

Crédits : Épokhè et consortium CANEVAS

Source

Le 10 janvier 2020, nous serons à Genève et nous remettrons un document, que nous sommes en train d’écrire avec un groupe, adressé à l’Organisation des Nations Unies. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus parce que ce n’est pas le temps mais on pourra en parler si vous avez des questions là-dessus. Si j’ai fait le rapport avec les vœux, c’est parce que les vœux ce sont des pratiques comme on dit votives – par exemple les fêtes votives ce sont les fêtes de saints patrons qui incarnent des vœux et les vœux c’est l’expression d’une volonté ; alors quand elle passe par une fête votive, c’est une volonté quasiment divine ; c’est à la fois une volonté divine et les fidèles, tels que à travers la volonté divine, eux-mêmes veulent la volonté divine et lui donnent corps. La volonté en grec ça se dit la boulè et si nous avons lancé ce programme Geneva 2020 c’est parce que c’est la concrétisation d’un projet que j’avais lancé moi-même il y a 4 ou 5 ans maintenant à Epineuil mais à la suite d’Entretiens du nouveau monde qui avaient lieu au Centre Pompidou et j’avais eu des mots un peu désagréables avec un philosophe pour lequel j’ai une certaine estime par ailleurs qui s’appelle Thomas Berns et qui était le co-auteur avec Antoinette Rouvroy, qui est une amie, d’un article fameux sur la gouvernementalité algorithmique et comme on avait fait un colloque avec l’IRI qui avait pour titre La Toile que nous voulons ce qui était une manière de reprendre à la française The Web We Want qui avait été lancé par Tim Berners Lee ; Thomas Berns avait dit : nous voulons , nous voulons… mais nous ne voulons rien du tout, il n’y a pas de volonté ; Derrida a montré que la volonté ça n’existe pas et j’avais répondu : eh bien tu n’as rien compris à Derrida, tu es comme les petits derridiens càd que tu rabâches des clichés et qui ont ruiné Derrida en plus, parce que c’est ce qui a fait que Derrida, aujourd’hui, il n’est pas tellement lu parce que ce sont les petits derridiens qui l’interprètent et ils l’interprètent de manière totalement irresponsable ; jamais Derrida n’a dit qu’il n’y avait pas de volonté, il a dit qu’on ne pouvait pas partir de la volonté pour fonder la vérité et le savoir etc. ; ce n’est pas du tout la même chose et c’était une distance qu’il prenait avec la philosophie moderne donc Descartes etc. et c’est la suite de ça que j’avais proposé de créer un bouleutérion qui est une institution grecque, c’est l’institution fondatrice de la polis, de la cité grecque. Par exemple à Milet - en Ionie càd dans l’actuelle Turquie, en Anatolie - qui est l’une des plus anciennes colonies grecques, au VIIème siècle av. J.-C., il y a un bouleutérion ; c’est l’équivalent de ce qu’on appelle l’Assemblée nationale ; c’est là où se produit une délibération càd une activité de la noésis puisque la noésis c’est la délibération : penser c’est délibérer. A l’IRI, nous sommes obsédés par les technologies délibératives et nous essayons de combattre la prolétarisation généralisée càd la destruction de la noèse, ce que j’appelle la dénéotisation, par le développement de technologies de délibération et nous voudrions que l’Europe en fasse un projet, son projet, pour l’avenir pour répondre d’une part à la Silicon Valley et d’autre part à la nouvelle politique chinoise. C’est dans ce contexte-là qu’on a finalement lancé ce projet de venir à Genève en 2020 pour commémorer la fondation de la Ligue of nations ce qui est devenu en français la Société des nations SDN qui était censée éviter la deuxième guerre mondiale et qui a été un très gros raté puisque à peine 19 ans après la création de la SDN – elle a été créée le 10 janvier 1920 à Genève – la Pologne était envahie par l’Allemagne. Donc ça n’a pas marché du tout ; en 1945, on a décidé de remplacer la Société des Nations par l’Organisation des Nations Unies ONU et nous pensons que l’ONU est un échec aussi patent que la SDN et qu’elle a produit une troisième guerre mondiale : la guerre économique mondiale dont je vous reparlerai à la fin de cette séance et que cette guerre économique mondiale – je l’ai dit déjà souvent, je l’ai publié dans un journal qui s’appelle Philosophie magazine en 2012 – si vous regardez objectivement les destructions engendrées par la guerre économique, elle sont beaucoup plus importantes que les destructions des deux premières guerres mondiales réunies, incomparables : ruines de paysages, ruine de populations, misères, famines etc. ce qui se passe actuellement au Soudan, tout ça ce sont les résultats de l’incurie des Nations Unies et nous pensons que dans cette situation de guerre économique mondiale qui maintenant se fait directement entre la Chine et l’Amérique du Nord, avec des conséquences imprévisibles, il faut exiger un traité de paix économique et e traité e paix économique s’appelle l’économie de la contribution. Et nous essayons de l’appliquer, de le développer, le tester, ce modèle de paix, de paix économique, sur le territoire de Plaine commune qui nous amène à travailler avec toutes sortes de gens de manière très intéressante aujourd’hui et de plus en plus prometteuse malgré beaucoup de difficultés.

Je vais vous parler des localités de l’internation parce que nous pensons que Marcel Mauss – en fait ce séminaire va être consacré à une interprétation partielle d’un texte de Marcel Mauss qui a été republié aux Editions Quadriges PUF il y a quelques années, 5-6 ans, ce texte d’appelle La Nation et le mémorandum qu’on est en train de rédiger pour l’ONU dans le cadre du groupe que j’ai évoqué tout à l’heure, qui est aussi ce qu’on appelle aussi le bouleutérion càd l’expression d’une volonté collective, c’est une façon de donner une interprétation d’une analyse que Marcel Mauss a écrite en 1920 – c’est un article de revue – mais en fait il y a eu d’abord une communication à l’Internationale socialiste à l’époque lorsque Woodrow Wilson a proposé la création de la Société des Nations – il y a eu une opposition de l’Internationale socialiste côté marxiste à laquelle Mauss a répondu en disant : ne jetez pas la Nation par la fenêtré comme ça, elle reviendra sinon et donc il a écrit par ailleurs un article que je crois s’inspire en partie de cette intervention à l’Internationale socialiste dont il était membre et qui a été publié sous le titre La nation et dans lequel il développe le concept d’internation et c’est le concept que nous voulons reprendre à notre compte comme étant ce qui permettrait la négociation d’un traité de paix international, de l’internation, en vue de lutter contre l’Anthropocène ; faire la paix pour produire ce que nous appelons une économie de la néguanthropie càd dire une économie de la localité ; j’y reviendrai en détail alors je ne vais pas développer maintenant, si je vous le dis, c’est simplement pour expliquer le titre de cette première séance du séminaire pharmakon 2019 Les localités de l’internation – j’aurais pu écrire aussi Les localités dans l’internation – l’internation, c’est le rassemblement et la mise en réseau de localités, ces localités s’appellent notamment des nations mais pas seulement, des régions, des villes, des métropoles dirait Saskia Sassen – et on va reparler de Saskia Sassen dans ce séminaire – et donc ce séminaire s’appelle dans sa généralité Remondialisation et Internation ; nous ne disons pas qu’il faut démondialiser mais remondialiser parce que la question ce n’est pas la mondialisation, c’est la globalisation ; je dis ça à cause de Saskia Sassen qui a écrit un bouquin sur la Sociologie de la globalisation, qui est un livre très intéressant, pour lequel j’ai quelques remarques à faire, on en a un tout petit peu discuté avec elle ; elle est d’ailleurs associée à ce mémorandum dont je viens de parler ; elle a d’ailleurs fait ici même un séminaire l’année dernière et sur ces sujets-là ; donc on est engagé dans une discussion avec elle et avec Richard Sennett avec lequel j’aurai une discussion au mois d’avril à la Maison des métallo et nous soutenons donc qu’il faut lancer un programme pour une internation, qui est un traité de paix mais ce n’est pas un traité de paix statique, pour déclencher un processus de recherche à l’échelle mondiale - je dis bien mondiale et pas simplement globale - pour recréer un monde dans ce qui est devenu immonde et pour faire de la Terre non pas la compétition immonde des barbares mais bien la construction d’un monde, un monde globalisé effectivement mais constituant une technosphère dans la biosphère qui serait plus productrice de néguentropie que d’entropie. Je dis cela parce que l’économie de la contribution telle que nous la travaillons en ce moment à Plaine commune et de manière très très concrète maintenant, c’est une économie des localités pour une raison précise qui est que la néguentropie est toujours produite localement ; c’est toujours relativement à une localité qu’on peut produire de la néguentropie et on peut très bien observer que la néguentropie produite par une localité vue de l’extérieur de la localité est de l’entropie.

Le titre de la séance d’aujourd’hui c’est 1. Qu’est-ce que la noodiversité ? En fait ce sera la première partie parce qu’il y aura une deuxième partie qui continuera à essayer de définir ce mot de noodiversité ; aujourd’hui ce sera donc une introduction à la notion même de noodiversité et dans 15 jours j’essayerai de développer cette notion si j’arrive au terme de la séance d’aujourd’hui.

J’ai employé le terme de globalisation et nous considérons, nous, Ars Industrialis, pharmakon.fr et IRI, que c’est une prolétarisation ; la globalisation a engendré une prolétarisation généralisée qui atteint absolument tout le monde. Je ne vais pas redévelopper cette idée-là puisqu’elle a été développée dans des séminaires précédents dans des livres ; je vais juste rappeler que la prolétarisation, c’est la destruction du savoir càd le fait que, qui que l’on soit, ouvrier manuel devenu prolétaire d’usine, ingénieur, médecin, avocat, architecte etc. on suit un système ; par exemple le BIM Building Information Modeling qui nous dit : c’est com me ça qu’il faut construire tel bâtiment, tu es architecte, tu fermes ta gueule, tu appris à utiliser le système et on ne te demande pas ton avis. Je parle très brutalement mais c’est la réalité ; c’est comme ça que c’est vécu par les architectes aujourd’hui qui rejettent massivement le BIM ; nous, nous avons une caractéristique un peu paradoxale qui consiste à dire aux architectes : oui, vous avez raison, c’est ça, mais il ne faut pas rejeter le BIM pour autant, il faut le represcrire parce que c’est un pharmakon ; donc il faut apprendre, il faut devenir prescripteur du BIM – ça c’est un projet très concret que nous menons à Plaine commune en ce moment même. Alors qu’est-ce que c’est que la prolétarisation outre que c’est une perte de savoir de tout le monde aujourd’hui, à commencer par Macron ? C’est un processus de standardisation qui est basé sur toute une économie des normes industrielles dont l’AFNOR, la norme ISO etc. sont des institutions mondiales liées à l’Institution de gestion des brevets qui est à Genève etc. et tout ça c’est un système qui s’est mis en place entre le XIXème et le XXème siècle et qui aujourd’hui régit le devenir de la planète qui, d’une biosphère est devenue une technosphère (je préciserai ce mot-là tout à l’heure) et cette standardisation, elle apparait être fondamentalement destructrice de toute localité càd de toute néguentropie donc productrice d’augmentation de l’entropie càd de ce qu’on appelle aussi l’Anthropocène puisque nous, nous définissons l’Anthropocène comme une augmentation de l’entropie thermodynamique, biologique et informationnelle. Alors, du coup, est-ce que nous rejetons la standardisation ? pas du tout ; nous disons que la standardisation c’est aussi ce qui a produit l’imposition de l’alphabet attique en 403 av. J.-C. par les athéniens et c’est ce qui a permis de créer la Grande Grèce qui a été la base de la diversité noétique colossale qui a engendré Aristote, les stoïciens, toute la philosophie antique après Platon, les néoplatoniciens, la chrétienté, la philosophie des Lumières et aujourd’hui etc. ; donc on n’est pas du tout contre la standardisation ; nous ne disons pas que la cause par exemple de la prolétarisation c’est la standardisation ; nous disons que la cause de la prolétarisation c’est l’incapacité à panser la standardisation, à la panser avec un a ; il faut la panser càd s’en servir thérapeutiquement et cette thérapeia de la standardisation ça s’appelle l’économie politique. Cette question de la standardisation qui, pour le moment, a conduit à la destruction des localités, nous pensons qu’elle devrait conduire à la reconstruction des localités et qu’il est tout à fait possible d’utiliser le BIM, des logiciels, le Big data etc. pour faire exactement le contraire de ce à quoi ils servent aujourd’hui à savoir détruire la localité et aujourd’hui, cette destruction de la localité, ça se fait à travers Amazon ou Google et beaucoup d’autres et pour ça il faut développer le concept d’anti-anthropie. C’est un concept que j’ai construit en dialogue avec Maël Montevil et Guiseppe Longo, eux parlent anti-entropie avec un e et sans h, d’abord dans un livre qui a été écrit par Bally et Longo il y a une dizaine d’années maintenant (2008) et qui a été repris par Maël ici présent toujours avec Longo et qui est une théorie du vivant qui pose que le concept de néguentropie ou d’entropie négative ne suffit pas à décrire ce que c’est que le dynamisme d’un être vivant en tant que, comme le dit Maël, il est un être historique et que cet être historique interprète en permanence son histoire et par des comportements qui ne sont pas forcément l’herméneutique à la façon des Schleiermacher ou des philosophes mais aussi une herméneutique du vivant parce que le vivant est un herméneute aussi d’une certaine manière et ça, ça mériterait d’aller voir Nietzsche un petit peu ; on en reparlera peut-être plus tard. Donc nous pensons qu’il est aujourd’hui indispensable de repenser la mondialité du monde càd faire que la technosphère qu’est devenue la biosphère devienne vivable et productrice du monde càd lutte contre l’immonde en reconstruisant de la localité ouverte et en répondant ainsi à tous les nationalistes qui veulent créer des nations fermées qui sont dans la grande ou l’immense régression et qui sont les symptômes d’une maladie de l’entropie ; et ces symptômes il ne faut pas seulement les rejeter en disant c’est des connards d’extrême-droite, oui, peut-être, mais c’est comme les 90% d’allemands qui ont voté pour Hitler ; dire qu’il y avait 90% de connards en Allemagne, c’est un petit peu court pour explique ce qui se passe en Allemagne en 1933, 1934 plus précisément parce que là je parle du plébiscite comme on dit d’Adolf Hitler ; et ça Marcel Mauss l’avait vu en 1920 ; c’est pour ça qu’on va lire Marcel Mauss, pas seulement pour ça mais aussi et d’abord pour ça.

Je vais essayer de montrer d’abord, moi-même et après on le fera dans la discussion, que pour ça nous avons besoin de construire une économie qui elle-même s’appuie sur ce que j’appelle une néguanthropologie qui elle-même essaye de penser ce que c’est que l’anti-entropie. L’anthropie, je le répète, vous m’avez déjà entendu le dire pour certains d’entre vous, c’est un concept de géographe ; on parle d’anthropisation des paysages par exemple, en Chine il y en a d’incroyables, mais l’anthropisation d’une manière générale, c’est aussi ce qui consiste, par exemple dans les rapports du GIEC à dire que le changement climatique, la toxicité ou encore dans l’appel des 15'000 chercheurs du 13 novembre 2017, toutes les courbes de toxicité, d’explosion démographique ça s’appelle de l’anthropie, ce que le GIEC appelle des « forçages anthropiques », nous pensons qu’il faut développer une anti-anthropie et c’est comme ça qu’il faut répondre aux transhumanistes ; les transhumanistes dit : l’homme est obsolète ; oui oui, c’est Nietzche qui a dit ça le premier mais il n’a pas du tout dit que les robots allaient remplacer l’homme ; il a dit qu’il fallait produire un Ubermensch, une surhumanité ce qui veut dire une époque où l’homme produit un effort surhumain, où l’homme devient surhumain dans son effort ; pour quoi faire ? pour lutter contre l’entropie et j’ai essayé de montrer dans Qu’appelle-t-on panser ? que c’est ça l’enjeu de Ainsi parlait Zarathoustra et Nietzsche a écrit ce livre au moment où il lisait les livres de Thomson, de Clausius et de beaucoup d’autres sur l’entropie et de ce qu’on appelle la mort thermique de l’univers et Nietzsche était hanté par l’entropie et c’est dans ce contexte-là qu’il produit la figure du surhomme qui est en fait pour moi une figure non scientifique, préscientifique, philosophique – un peu comme Bergson a essayé de produire des choses comme ça – avant même que Schrödinger n’ait avancé le concept de néguentropie. En passant, une question : si ce que je viens de dire a un sens, ça veux dire que je suis en train de plaider pour l’apparition de ce que j’avais appelé le Néguanthrope – pas le Cybernanthrope, le Néguanthrope ; le néguanthrope c’est celui qui lutte contre l’anthropie avec un a et un h. Est-ce que le Néguanthrope, que j’essaye d’être, est un misanthrope ? C’est une question intéressante ; je vous invite à lire Molière avec cette question en tête ; et je ferme cette parenthèse.

Ce qui est en question dans la néguanthropie et dans la néguanthropologie, c’est un « art de vivre » au sens de Whitehead, dans La fonction de la raison ; « la fonction de la raison, dit-il, c’est d’inventer un art de vivre » ; comment ça se dit en grec « art de vivre » ? Ça se dit « technê tou biou »« Aucune technique, aucune habileté professionnelle, ne peut s’acquérir sans exercice ; on ne peut non plus apprendre l’art de vivre, la technê tou biou, sans une askêsis, qu’il faut comprendre comme un entrainement de soi ». Page 824 Michel Foucault Philosophie anthologie folio Essais↩︎ page 1256 des Dits et Ecrits de Michel Foucault, texte de 1983 qui s’appelle l’Ecriture de soi, et Foucault, en reprenant des idées de Pierre Hadot d’ailleurs, parle de la « technê tou biou » et il précise « art de vivre ». La technê tou biou, j’en ai parlé un peu en détail dans la deuxième partie de Prendre soin il y a à peu près 12 ans en commentant Michel Foucault ; que dit Michel Foucault de la technê tou biou ? il dit que la technê tou biou c’est ce qui produit en particulier chez Plutarque, ce qu’il appelle une fonction éthopoiétique« Comme élément de l’entraînement de soi, l’écriture a, pour utiliser une expression qu’on retrouve chez Plutarque, une fonction éthopoiétique : elle est un opérateur de la transformation de la vérité en êthos » ou « élaboration des discours reçus et reconnus comme vrais en principes rationnels d’action » Page 825 idbid.↩︎ ; cette expression est intéressante ; on nous rebat les oreilles avec l’éthique, l’éthique des biotechnologies, l’éthique des affaires etc. moins on panse ( = moins on produit des concepts critiques), plus on parle d’éthique, de comités ou de rassemblement citoyens d’éthique ; et pendant ce temps-là, on noie les poissons, les poissons noétiques que nous sommes ; on nous empêche de monter au-dessus de l’eau comme les poissons volants pour respirer un peu de l’air frais (c’est la définition que je donne de la noésis en tant qu’elle est intermittente) ; l’éthopoiétique, c’est de l’anti-entropie au sens où j’en parlais tout à l’heure en me référant aux travaux de Longo et de Montévil, et ce qu’essaye de faire le technicien de soi qu’est le stoïcien pour Foucault, ou pour Pierre Hadot, c’est produire de l’anti-entropie et il le fait évidemment à l’écart de la société mais pas du tout coupé de la société et c’est pour ça que Foucault dit : oui bien sûr c’est une technique de soi et des autres ; càd c’est parce que j’ai une technique de moi-même, de mon soi – comme Marc-Aurèle par exemple qui est un empereur et un philosophe – que je peux gouverner : il faudrait que Macron relise un tout petit peu ces philosophes qu’il affectionne de dire qu’il les a lus y compris Ricoeur qui connaissait tout ça. L’art de vivre, c’est ce qui a été liquidé par la prolétarisation et l’art de vivre ce n’est pas simplement comment on se comporte à la Cour d’Angleterre ; je dirais même que ce n’est pas du tout ça ; ce serait une façon de se comporter à la Cour d’Angleterre qui est une localité ; alors le gens qui veulent imiter la Cour d’Angleterre en dehors de la Cour d’Angleterre ça s’appelle des snobs, des précieuses ridicules, tout ce que vous voudrez ; l’art de vivre à la Cour d’Angleterre c’est l’étiquette mais dans le Berry, ce n’est pas ça l’art de vivre ; c’est autre chose ; ça a un rapport avec les sangliers, les brochets et toutes sortes d’autres choses. L’art de vivre c’est d’une façon générale le savoir, et là je le dis avec Whitehead et Georges Canguilhem dont je soutiens qu’ils disent des choses extrêmement proches même si je ne suis pas sûr que Canguilhem connaissait très bien Whitehead et dont je suis sûr par contre que Whitehead ne connaissait pas Canguilhem puisque Canguilhem n’avait pas encore été publié quand Whitehead écrivait La fonction de la raison (1929). Ce que nous soutenons donc c’est que l’art de vivre a été liquidé par la prolétarisation et l’art de vivre c’est d’abord, quand on est maçon par exemple, c’est l’art de construire des murs, de savoir tailler des pierres, c’est le savoir-faire, quand on est médecin, c’est le savoir médical etc., quand on est géomètre, c’est le savoir concevoir des théorèmes pour fonder, ce qui va rendre possible à partir de là des constructions très importantes, des cathédrales par exemple, parce que sans la géométrie il ne peut pas y avoir tout ça etc. L’art de vivre n’est pas ce qu’il s’agirait de trouver ou de retrouver cela dit, je tiens à le préciser, comme la pierre philosophale ; ça n’est pas la pierre philosophale, l’art de vivre ; il ne s’agit pas de dire : je vais vivre comme Socrate qui a trouvé l’art de vivre, non, d’ailleurs c’est ce que dit Socrate tout à fait à la fin : je n’ai pas trouvé l’art de vivre mais j’ai trouvé l’art de mourir (quand il parle de ces questions-là) càd d’être capable de boire la cigüe dignement et de ne pas se renier. Si je vous parle de ça c’est parce que je pense que l’art de vivre qui est d’abord et avant tout apprendre à vivre là où je suis et en développant une anti-anthropie, ça n’est pas simplement « apprendre à vivre enfin » ; Ici, je vous cite un texte de Jacques Derrida qui est en fait le dernier entretien qu’il a donné à un journaliste du journal Le Monde, Jean Birnbaum et que Birnbaum s’est empressé de faire publier – ça tombait bien ; Derrida étant mort ça permettait de faire un peu de ventes ; le journal a attendu que Derrida soit sur son lit de mort pour lui donner enfin une place ; parce qu’il faut rappeler que pendant 30 ans, Derrida était tricard au journal Le Monde ; il était interdit de parler de Derrida parce qu’il y a avait un mec qui s’appelait Roger-Pol Droit qui avait décidé que Derrida c’était pas intéressant ; c’est extrêmement grave. Mais tout à fait à la fin, on a fait une nécrologie, on savait qu’il allait mourir et on est allé interviewer Derrida et hop, on s’est approprié l’héritage de Derrida comme aujourd’hui, l’Ecole Normale Sup s’approprie Derrida avec tous ceux qui lui ont craché dans la gueule en permanence et qui maintenant se gaussent : l’ENS a produit Derrida ; c’est assez terrifiant. En tout cas Derrida parle de « apprendre à vivre enfin » et je pense que c’est dommage que Foucault et Derrida n’aient pas discuté à la fin de leur vie parce que l’ « apprendre à vivre enfin » dont parle Derrida à la fin de ce livre qui s’appelle comme ça, ce serait « l’apprendre à vivre » ou il s’agirait d’apprendre à vivre en fin càd à trouver l’art de vivre qu’on aurait tous cherché et qu’on aurait pas trouvé, qu’il s’agirait maintenant de trouver ; eh bien moi je pense que la question ce n’est pas d’apprendre à trouver l’art de vivre parce que ça n’existe pas, « l’art de vivre » ; ce qui existe, ce sont des « arts de vivre » qui appartiennent à ce que j’appelle la diversalité et ce que je crois c’est que Derrida parle d’un apprentissage qui serait celui de la sagesse en fait, la Sophia, et de la sagesse devant la mort à laquelle lui-même n’aurait jamais réussi à accéder ; c’est ce qu’il dit, devant la mort (très courageux de sa part de parler comme ça) mais en même temps je pense que ça induit un malentendu, en tout cas ce pourrait être un malentendu dans ce séminaire ; si vous entendez que l’art de vivre dont je vous parle, le savoir-vivre, ce serait ça, eh bien non, c’est pas ça du tout ; je ne suis pas en train de vous dire, comme tous les philosophes l’ont dit, il faut trouver l’art de vivre, la sagesse devant la mort par exemple, ce n’est pas de ça dont je suis en train de parler ; ce dont j’essaie de parler c’est du fait que il y a des conditions d’un apprendre à vivre qui est toujours constitué par sa localité et qui n’est pas universel, qui n’est pas universalisable ; aucune doctrine ne peut vous dire, voilà, j’ai trouvé la solution universelle de comment vivre parce que quand on est eskimo on ne vit pas du out comme quand on est touareg par exemple, et avoir un art de vivre au pôle nord qui serait le même que dans le désert du Sahara ce serait absolument ridicule, c’est une évidence ; eh bien c’est ce que le marché a essayé de nier et c’est pour ça que Deleuze a dit : la réalisation effectivement de l’universel, c’est l’universel du marché càd la destruction de l’universel, la destruction des singularités, la destruction des localités et c’est comme ça que l’on vous dit que le standard de vie pour un Touareg ou pour un suédois va être le même, c’est totalement débile et il faut combattre ça ; c’est pour ça que je dis qu’il faut penser non pas l’universel mais le diversel ; il faut penser la diversalité, non seulement la pluralité ou la multitude mais la diversalité ; càd la penser mais en sorte que cela ne se peut qu’à la condition de la panser avec un a càd la poétiser ; panser avec un a c’est poétiser ; pourquoi ? parce que poétiser ça veut dire « faire » ; pour nous ça veut dire « faire avec la langue » càd faire des poèmes mais ça ne veut pas dire que ça ; ça veut dire éthopoiétiser, l’éthopiésis dont parlait tout à l’heure Michel Foucault citant Plutarque :

Alors ce séminaire, il tente de pa/enser la diversalité ; mais que veut dire alors « poétiser » si j’ai raison de vous dire que du coup pa/enser c’est poétiser ? ça veut dire « faire noétiquement » ; poétiser vient de poiésis, poiein – c’est aussi ce que dit notre ami Gérald Casteras qui a fait la revue Poiein qui est une revue qui s’inspire de l’Ecole d’art de Bourges - pourquoi dire Poiein pour une revue d’arts plastiques et non pas de poésie ? C’est parce que le poiein c’est la plasticité du « faire », plasticité de la poésie, mais aussi de la musique – d’ailleurs au départ c’est la même chose, c’est assez récemment que ça s’est séparé - plasticité au sens très large du terme, poétiser ça voudrait dire dans ce cas-là « faire noétiquement » et noétiser factuellement (en faisant quelque chose : la noèse qui ne fait pas que théoriser mais qui fait quelque chose, qui fabrique, qui réalise, qui exosomatise) et cette façon de faire, poétiquement, noétiquement, anti-entropiquement, ça signifierait, ça ferait signe vers un art de vivre ; tous les bons artistes sont des gens qui incarnent un art de vivre ; Duchamp l’a beaucoup revendiqué ; et pas seulement les artistes, tous les grands scientifiques, tous les personnages qui incarnent une vie noétique, qui « fait » poiétiquement y compris les maçons, les cuistos etc. ce sont des gens qui ont un art de vivre ; c’est depuis leur « art de vive » qu’ils font les choses ; et les parents aussi quand ils d’occupent de leurs enfants, c’est à partir de leur art de vivre qu’ils transmettent quelque chose à leurs enfants ; sinon ils ne transmettent que dalle ! ils se soumettent au lieu de transmettre ; quant aux poètes, Michel Deguy, Charles Baudelaire, Ronsard, ils recueillent l’art de vivre comme poétique ; par exemple, Charles Baudelaire regarde les modes de vivre qui sont ceux de la modernité qui émerge et il les présente comme étant poétiques ; il leur donne une signifiance qui du coup en fait la possibilité d’un art de vivre ; je dirais la même chose de Roland Barthes lorsqu’il étudie la DS 19 dans Mythologies lorsqu’il essaie de montrer qu’il peut y avoir une poiétique dans tout ça, la poétique des années 50 puisque ce livre date des années 50, exactement 1957. Aujourd’hui, la question c’est réinventer les arts de vivre à l’époque où la prolétarisation généralisée les a détruits en totalité y compris dans l’art contemporain ; si j’avais le temps, j’aurais ouvert une discussion avec Annie Lebrun sur ce qu’elle dit de l’art contemporain ; je partage beaucoup de choses qu’elle dit et en même temps je pense qu’il y a des choses qu’elle ne dit pas bien ; comme par exemple, elle dit que c’est à cause de la déconstruction que tout ça est comme ça ; pas du tout ; on voit qu’elle ne l’a jamais lue la déconstruction ; on en reparlera peut-être.

Cet art de vivre donc qui a disparu avec tous les savoirs, parce que l’art de vivre est constitué des savoirs y compris savoir boire le thé, le préparer, fumer un cigare, tout ce que vous voulez, c’est ce qui a été détruit par la globalisation comme im-mondialisation ; la globalisation, c’est l’im-mondialisation au sens où c’est la destruction du faire-monde de la poétique, de la poésie du monde ; un monde c’est de la poésie ; si, par exemple, vous allez dans la vallée du Dadès dans le sud du Maroc, à la limite du Sahara, vous êtes fascinés par une poésie incroyable, des habitants qui sont fantastiques ; aujourd’hui, vous ne pouvez plus y aller parce qu’il y a AQMI et que vous pouvez vous faire kidnapper et flinguer, c’est vraiment dangereux ; et c’est bien dommage car c’est un des rares endroits où il y a encore un monde ; il y en a encore d’autres mais il y en a de moins en moins ; en tout cas il y a une im-mondialisation càd une destruction de ces localités pour revenir à l’essentiel, et c’est ce dont il s’agit de renverser quai-causalement, non pas dialectiquement mais avec le concept de quasi-cause de Gilles Deleuze , de renverser l’état de fait, pour en devenir les thérapeutes – c’est ce que disait Frédéric Nietzsche sur le nihilisme ; il disait : le nihilisme passif va engendrer l’immonde, il appelle ça le « désert » (pas le désert des Sahraouis mais le désert de la cacaniehttp://www.nouvelle-europe.eu/la-cacanie-le-laboratoire-du-crepuscule-europeen↩︎ par exemple qu’un nietzschéen va décrire et qui s’appelle Robert Musil). Il ne s’agira pas de jeter tout ça, dira-t-il, mais d’en devenir les thérapeutes pour en produire la surhumanité, l’effort surhumain à partir duquel cette im-mondialité pourra devenir un nouveau monde, le monde de l’Uebermensch. Ce n’est qu’à la condition d’étudier cela au plus près càd de la manière la plus exigeante qui soit, sans la moindre concession, à la limite de l’impansable (il y a de l’impansable : par exemple, quand on est mort, ça n’est pas pansable ; on peut panser le deuil des survivants mais on ne peut pas panser la mort du mort ; le mort est mort et il ne reviendra jamais ; donc il y a de l’impansable et il faut soigner l’impansable aussi ; Il y a des maladies incurables ; des gens dont sait qu’ils ont un cancer et qui sont condamnés etc. ; pendant ce temps-là, il faut prendre soin d’eux ; c’est pas pour éviter leur mort ; c’est pour que leur vie soit digne d’être vécue jusqu’à la mort ; ça c’est soigner à la limite de l’impansable. Ce n’est que comme ça qu’il est possible par exemple d’approcher ce fait historique contemporain de toute première grandeur qu’on appelle « les gilets jaunes » ; les gilets jaunes expriment une colère, par exemple celle d’un retraité qui dit : je suis fragile, je suis à retraite mais je suis déterminé ; il s’adresse aux CRS ; ou, comme cet autre gilet jaune : je suis citoyen en colère et non pas un automobiliste en colère ; si je vous dis ça c’est parce que moi, pendant un certain temps, j’ai considéré que les gilets jaunes, c’était des automobilistes en colère càd des « trumpistes », des « tea-partistes » comme on les appelait ; et puis non, c’est pas seulement ça ; il y a avait une partie de vérité comme toujours quand on dit des choses comme ça c’est qu’il y a une partie de vérité bien entendu mais c’était une vérité réductrice ; et évidemment, les gilets jaunes, c’est très dangereux et ambigu parce que sur le site Egalité & Réconciliation d’Alain Soral, le gilet jaune c’est Dieudonné et donc c’est noyauté et dominé par l’extrême droite en terme d’organisation puisque la seule organisation politique vraiment active dans cette affaire, c’est l’extrême droite ; Mélenchon essaye d’être là mais il n’y est pas du tout, il est totalement discrédité; par contre, il y a des gens là-dedans qui sont vraiment d’extrême droite, qui sont organisés et qui sont très dangereux ; donc c’est évidemment normal de dire : ce mouvement est extrêmement dangereux ; il est peut-être très dangereux, il faut donc le soigner ; il faut en prendre soin.

Si je dis ça c’est parce que le projet de Genève 2020 de répondre à la localité, c’est de répondre à Salvini qui ferme les frontières de l’Italie en proposant une critique de la modernité - et je dis bien de la modernité, je ne dis pas simplement du capitalisme, je dis la modernité depuis Descartes, de ce qu’on appelle la philosophie moderne en tant qu’elle a évacué la localité de ses objets, et ça a commencé avec Newton ; c’est Descartes qui rend la chose possible mais c’est Newton qui véritablement le théorise physiquement ; et là je le dis pour rappeler que l’année dernière, et l’année d’avant surtout, j’avais parlé de cosmologie, de microcosmologie et de macrocosmologie pour rappeler que à partir de Galilée, de Descartes, de Newton, on évacue le local, les topoï comme disait Aristote, mais on dit : la physique ce n’est plus une cosmologie, c’est une astrophysique. Je soutiens - nous soutenons, je peux le dire avec Maël, tu me diras si tu es d’accord – qu’on ne peut pas éliminer les topoï ; en tout cas, si on a bien lu Vernadsky, c’est une localité totalement singulière, la biosphère, irréductible à l’astrophysique, et c’est pas seulement la biologie en plus, c’est une géophysique, une biochimie dont Vernadsky est un des fondateurs et tant qu’on aura pas pensé ça et qu’on aura pas inscrit ça dans l’économie, Salvini canalisera les gilets jaunes ; parce que c’est ce qui se passe en Italie ; j’ai passé beaucoup de temps en Italie au mois de septembre et j’ai vu des amis communistes italiens qui voteront pour Salvini aux prochaines élections : c’est le seul qui ne se fout pas de notre gueule, disent-ils ; je ne suis pas du tout d’accord avec ce qu’ils disent, je suis archi-contre même mais en même temps il faut écouter ce que cela veut dire : ça veut dire qu’ils considèrent que la dite gauche s’est moquée d’eux et moi, je soutiens qu’elle ne s’est moquée d’eux parce qu’elle n’est pas allée au-delà de Marx ; quand je dis au-delà de Marx, ça ne veut pas dire oublier Marx, effacer Marx, ça veut introduire ce que Marx n’a pas accepté de penser à savoir l’entropie puisque ça a été rejeté par Marx et par Engels au moment même où Nietzsche l’intégrait mais là aussi de manière négative et en essayant de produire une réponse, Zarathoustra, à travers, je dirais, une néguentropie fantasmatique (c’est l’objet de Qu’appelle-t-on panser).

Qu’est-ce que la mondialisation ? ce n’est pas la globalisation ; donc on n’est pas pour la démondialisation; surtout pas ; elle est faite la démondialisation ; il s’agit de re-mondialiser càd de faire monde ; faire-monde, c’est la diversification ; la diversification du faire-monde chez les âmes noétiques que nous sommes, elle s’opère, non pas à travers l’exorganogenèse des organes endosomatiques tels que Darwin en a rendu pensable la diversification – c’est la théorie de l’évolution de Darwin, qui a évolué évidemment, qui n’est plus tout à fait darwinienne aujourd’hui mais qui se revendique toujours du darwinisme et qui pose que la vie c’est essentiellement un phénomène de diversification (c’est quand même un vrai problème si on dit ça de se dire qu’aujourd’hui on réduit la diversité biologique de manière drastique ; en quoi la biologie est-elle encore une science si elle n’est pas capable de répondre à ça ? pour moi, je le dirais franchement, déclarent biologistes ne sont pas des biologistes ; ce sont des gens qui utilisent la biologie au service de la destruction du vivant comme il y a des mathématiciens qui utilisent les algorithmes au service de la destruction de la noodiversité ; ce ne sont pas des mathématiciens, ce sont des manipulateurs des mathématiques à travers les algorithmes ; ce n’est pas du tout la même chose, et je ne dis pas ça contre les algorithmes, je ne suis pas contre la standardisation et les algorithmes ce sont des standards nécessaires, des standards mathématiques).

La diversification du faire-monde noétique se produit non pas endosomatiquement comme le décrit Darwin mais exosomatiquement et elle produit non pas une biodiversité mais une noodiversité. Qu’est-ce que c’est que cette noodiversité ? C’est la noodiversité des mondes ; qu’est-ce que c’est qu’un monde ? C’est le monde d’Arthur Rimbaud, le monde de Molière, le monde d’Augustin, mon fils, qui a sa petite chambre à lui, le « monde » qu’on appelle la France qui est UN monde, enfin qui était un monde, est-ce que c’est encore un monde …. Pour moi ce n’est pas évident etc. Et tout ça produit ce que j’appelle la poésie de la vie noétique, qui n’est pas que la vie des poètes, c’est la vie qui vaut la peine d’être vécue ; tant que vous ne percevez pas le caractère poétique de votre existence, ça ne vaut pas la peine d’être vécu or ça peut être par exemple la manière dont vous appréciez votre café le matin, c’est pas du tout des grands machins, ça ne vous conduit pas directement à l’Académie française ; c’est simplement un petit art de vivre, savoir ce qui vaut et ce qui ne vaut pas et c’est une forme d’existence qui toujours vous donne accès à des consistances qui n’existent pas et là, je reviens à Whitehead, 2ème citation ; que dit-il ?

Cette conclusion [concernant l’art de vivre] revient à poser la thèse que la raison est un facteur de l’expérience qui dirige et critique l’impulsion vers la réalisation d’une fin conçue dans l’imagination mais qui n’existe pas en fait

je me permets de vous dire que c’est ce que j’avais écrit dans Mécréance et discrédit en 2003 – je ne connaissais pas Whitehead à l’époque ; c’est bien mieux formulé par Whitehead – et c’est ce que j’appelle les consistances ; les consistance ça n’existe pas mais ça consiste et c’est l’enjeu de ce que Deleuze appelle le plan de consistances ; c’est issu de ce que j’appelle une di-versalité primordiale ; c’est ce qui « versifie » ; cette di-versalité est une di-versification qui est toujours une versification ; qu’est-ce que ça veut dire ? est-ce que ça veut dire qu’elle « verse » ou quelle versifie ? les deux mon général ! versifier c’est toujours verser ; c’est ce que dit ce poème de Mallarmé Renouveau dans les deux dernières strophes :

Puis je tombe énervé de parfums d’arbres, las,

Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,

Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

J’attends, en m’abîmant que mon ennui s’élève…

Comme vous le savez peut-être, Mallarmé était un grand mélancolique ; il poétisait pour lutter contre sa mélancolie qui le reprenait en permanence ; il versait ; verser, ça veut dire tomber au départ ; il tombait ; vers quoi ? vers sa tombe, l’entropie ; et il luttait contre son sentiment entropique en produisant non pas simplement de la néguentropie - ça c’est la langue ; c’était son métier de professeur d’anglais – nous, nous le connaissons comme poète mais lui il se connaissait comme prof d’anglais condamné à enseigner et à écrire des mots en anglais ; il a écrit un petit texte sur les mots anglais qui vaut son pesant d’or d’ailleurs et le mardi soir il se permettait d’être un poète, rue de Rome à côté de la gare St-Lazare; il faisait ça pour ne pas verser, pour ne pas totalement tomber ; il versifiait ; et qu’est-ce que c’était que cette versification ? c’était une di-versification ; il inventait la diversification de la poésie moderne, du symbolique, devenue mallarméenne etc. Et donc il produisait un nouvel art de vivre ; non seulement un art de vivre, mais des nouveaux arts de vivre. La question qui se pose à nous aujourd’hui c’est de produire de nouveaux arts de vivre et non pas un nouvel art de vivre parce que l’art de vivre est toujours local et ça c’est ce que l’Occident n’a pas réussi à penser et c’est à partir de ça qu’il faut pe/anser les problèmes que pose Viveiros de Castro ; quand je dis qu’il faut les panser je veux dire qu’il faut soigner Viveiros de Castro ; ce dernier est beaucoup trop Lévi-straussien pour moi.

Les façons de versifier et de diversifier sont toujours des façons de tomber càd d’enterrer ses morts, de mourir, mais aussi de ressusciter, de se remettre d’un deuil, de faire en sorte que la mort d’un proche devienne un enseignement, ou que la mort de soi-même qui était ce qui frappait Mallarmé très souvent, presque tous les soirs et que son ennui, après avoir touché le plancher, remonte – c’est ce que j’appelle les intermittences noétiques. Ces questions-là sont des questions de micro et de macrocosmologie ; le microcosme est articulé avec le macrocosme et il y a toujours des changements d’échelle, des oscillations et c’est comme ça, entre microcosme et le macrocosme, que se constituent les arts de vivre, les modèles néguanthropiques avec un a et un h et les anti-anthropie que le chamane par exemple produit, que Mallarmé produit comme anti-anthropie en poésie. Ce sont donc des questions d’économie générale d’échelle entre des arts de vivre qu’il s’agirait de réinventer aujourd’hui qui soutiendraient une nouvelle économie générale au sens de Georges Bataille, mais pas seulement, et à l’échelle de la biosphère telle qu’elle est devenue une technosphère càd dans ce contexte-là (càd le système satellitaire avec multiples connexions entre satellites et au sol). Si on ne pense pas ces questions – parce que c’est très bien de parler de armé – si on ne tient pas compte de ces questions-là, alors on se fout du monde ; on patrimonialise, on muséifie une poésie dont on va se gargariser pour éviter de discuter avec les gilets jaunes, pour éviter de ce que c’est que le sens de la technologie du GPS, de l’impact sur la biosphère devenant une technosphère etc. on ne fait plus rien que protéger son petit jardin en se mettant à l’abri dans ce que j’appelle une réserve d’indiens – il y en a plein des réserves d’indiens à Paris, même la maison Suger peut être une réserve d’indiens. IL s’agit de transformer la technosphère et de l’organiser en internation telle que « l’internation, c’est le contraire du nationalisme qui isole la nation » ; ça c’est fondamental évidemment ; je vous dis ça parce que parfois j’ai mis mal à l’aise quelques amis à moi, notamment italiens, quand je parlais de tout ça au moment où Salvini prenait le pouvoir en Italie, j’ai pu en embarrasser quelques-uns ; comme me l’a dit un jour Paolo, c’est des spaghettis à la sauce tomate que tu veux nous vendre là càd l’Italie de Salvini ; eh oui, c’est dangereux ce discours mais il ne faut pas oublier ce que dit Marcel Mauss ici ; c’est le contraire du nationalisme, l’internation ; mais c’est ce qui par ailleurs ne nie pas la nation càd la localité ; et ça, essayer de concrétiser ça comme un projet politique pour la biosphère, càd pour le XXIème siècle, parce que le XXIème siècle c’est : ou la biosphère surmontera le XXIème siècle ou elle disparaîtra (c’est une hypothèse qui est devenue scientifiquement vraisemblable) ; c’est l’un ou l’autre, une alternative ; le XXIème siècle, c’est le siècle où la biosphère peut disparaître après qu’elle soit apparue il y a 4 milliards d’années quand même parce que la biosphère ça a commencé avec les protistes, les premières bactéries etc. ; ça veut dire qu’il faut organiser la technosphère – des satellites, des relais, des data centers, des smartphones, des objets qui sont produits par ce qu’on appelle l’ubiquitous computinghttps://fr.wikipedia.org/wiki/Informatique_ubiquitaire↩︎ y compris des parpaings qui sont pucés avec des RFID qui rendent possible l’exploitation maximale du Building Information Modelling, c’est tout ça qu’il s’agit de penser poétiquement en vue de produire le néguanthropocène. Pourquoi est-ce que c’est comme ça ? parce qu’il faut prendre soin de la localité ; tout art de vivre est local et savoir de la localité et savoir prendre soin de la localité dans et comme la diversalité, voilé ce que je soutiens. Comprenez-moi bien ; cette localité n’est pas forcément territorialisée ; voilà une grande question, très compliquée ; par exemple, il y a une localité du judaïsme qui n’est pas territorialisée et la territorialisation du judaïsme, c’est une régression du judaïsme ; c’est ce que disent les grands penseurs juifs comme Franz Rosenzweig et beaucoup d’autres qui disent non, il ne faut pas suivre les sionistes, ils vont détruire le judaïsme ; ça c’est fondamental ; il y a donc des communautés diasporiques qui ne sont pas territorialisées et ce sont des localités mais ce sont des localités qui se produisent en réseau ; la diaspora du judaïsme, comme d’ailleurs toutes les diasporas, sont des réseaux ; c’est d’ailleurs pour ça que ça produit des réactions de rejet des territoriaux qui voient ces réseaux comme des mafias parce que pour eux les réseaux c’est toujours les mafias ; ils ne se rendent pas compte que eux-mêmes sont des réseaux (je dis mafias, ou autres, en tout cas des éléments perturbateurs, des parasites) et là-dessus le fascisme, le nazisme surtout, va exploiter ça à fond.

Prendre soin de la diversalité (cf. supra) veut donc dire qu’il faut penser le diversel ; ça ne veut pas dire qu’il faut mettre l’universel à la poubelle ; je suis un universaliste pas du tout contre l’universel mais je pense que l’universel n’est consistant, au sens où je parlais tout à l’heure de consistances, que s’il est en faveur du diversel ; et ça, ça suppose de penser l’anti-anthropie ; c’est ça pour moi la question de l’anti-anthropie avec un a et un h ; il faut pour cela partir de Whitehead et de ses partitions entre vivre, bien vivre et vivre mieux puisque c’est comme ça que Whitehead introduit l’art de vivre ; il dit : l’art de vivre c’est non seulement ce qui vit, c’est non seulement ce qui vit bien mais c’est ce qui vit mieux ; alors que veut dire « mieux » ? demain matin on sera sur un territoire en Seine St-Denis qui a été créé par un artiste, qui est devenu maintenant un artiste du culinaire, qui s’appelle Olivier Darnéhttps://magazine.laruchequiditoui.fr/olivier-darne-artgriculteur-en-terres-sensibles/↩︎ et qui porte un projet qui s’appelle « Mieux » ; on verra demain si – c’est dans le cadre de Plaine commune – ça pourrait être intégré dans ce que dit Whitehead. Pas sûr qu’il connaisse Whitehead mais je suis sûr qu’il est capable de nous suivre un peu là-dessus.

Que veut dire « mieux » ? vous savez que « mieux » qui est un adverbe c’est l’origine d’un mouvement qu’on appelle le méliorisme càd la culture du meilleur ; que veut dire « meilleur » ? ça veut dire par exemple produire les meilleurs càd sélectionner (l’aristocratie est une forme de méliorisme) ; est-ce que ça veut dire qu’il faut revenir à l’aristocratie ? oui, j’ai dit ça ; j’ai dit qu’il fallait un otium du peuple pour une aristocratie où tout le monde serait devenu aristocrate ; que l’avenir de la démocratie c’est l’aristocratie ; démocratie c’est le passage pour entrer dans l’aristocratie où tout le monde devient meilleur ; c’est ça l’aristocratie, en principe, le gouvernement des meilleurs par les meilleurs ; Je suis pour ça, moi, et c’est pas du tout antinomique avec la démocratie ; c’est une démocratie achevée, accomplie, réalisée. Ce méliorisme, là où il s’agirait de cultiver ce que dit Whitehead càd « vivre mieux », ce serait un méliorisme qui s’émanciperait du marketing, du modèle consumériste, du capitalisme de l’entropie, ce dans quoi nous sommes maintenant englués de manière catastrophique et qui entrerait dans une économie de la néguanthropie et de l’anti-anthropie, nous y travaillons très concrètement sur Plaine commune, et pour dépasser ce qu’on appelle le « progressisme » – je me suis défini moi-même pendant très longtemps, jusqu’à d’ailleurs quelques années, comme un progressiste ; j’ai été élevé dans cette culture du progressisme, pas par mes parents qui eux étaient des gaullistes, mais par mes camarades du parti et avant eux par mes camarades trotskistes ; nous étions des progressistes ; nous étions pour que tout le monde devienne meilleur ; sauf que c’est devenu la culture du progrès et que le progrès c’est totalement déconsidéré parce que le progrès, ça a été l’augmentations de l’entropie, ça a été tout ce que décrit le GIEC et ça a été une catastrophe - donc c’est pas un progressisme qu’il faut cultiver, c’est une néguanthropologie qui pose qu’il faut tout repenser ; qu’est-ce que l’homme ? pourquoi la question de l’homme n’est pas la question en fait ? la question c’est la noèse, ce n’est pas l’homme ; moi je dis que nous sommes des chimpanzés noétiques ; je m’en fous pas mal d’être un homme ; nous sommes des bipèdes comme les chimpanzés, qui ne sont pas vraiment des bipèdes mais qui sont proches de le devenir, et ce qui nous caractérise c’est que nous savons nous servir non seulement d’un revolver (un chimpanzé peut apprendre à tirer au revolver mais il faut lui apprendre la loi - digression - 1 :05 - sur Clint Eastwoodhttps://www.dailymotion.com/video/x72162l↩︎).

Il ne s’agit pas simplement ici dans cette question que je pose de la noodiversité de penser le au sens de Heidegger, le da du Dasein, il ne s’agit pas simplement de penser le lieu au sens de Heidegger, Ort, il ne s’agit de penser simplement l’éclaircie au sens de Heidegger, Lichtung, il ne s’agit pas de penser le là comme Sorge au sens de Sein und Zeit dans la conception heideggérienne, il s’agit de le penser à partir de Schrödinger et avant lui Bergson et Freud et eux Nietzsche et c’est ce que Heidegger à échoué à faire ; c’est ce que j’ai essayé de montrer dans Qu’appelle-t-on panser en commentant un livre de Heidegger qui s’appelle Qu’appelle-t-on penser sauf que Qu’appelle-t-on panser à ma façon c’est avec un a tandis que chez Heidegger Was heisst denken ?. Denken c’est « penser » en français. Et je pense que Heidegger n’a pas pu penser et avec un e et avec un a la néguanthropie ; il l’a rejetée ; il a choisi de commenter Heisenberg et non pas Schrödinger qui était d’ailleurs autrichien tandis que Heisenberg était allemand et collaborateur du régime hitlérien. Schrödinger, et avant lui Bergson, Freud et Nietzsche, anticipe la néguanthropie et ce que nous essayons de penser comme anti-anthropie.

Alors, l’an passé, le séminaire qui avait démarré ici l’année dernière, avait pour titre Penser la post-vérité dans la post-démocratie et se tenait pour la première fois alors dans le Collège mondial de la fondation Maison des sciences de l’homme ; c’est là où nous sommes ; nous sommes accueillis par le Collège mondial - en fait je n’avais pas totalement respecté le projet, j’avais un petit peu parlé de la post-vérité, très peu de la post-démocratie, j’ai beaucoup plus parlé de la post-vérité dans Qu’appelle-t-on panser ; en général ces séminaires servent pour moi de starter pour écrire des livres et donc c’est dans les livres que je termine les séminaires ; et la post-démocratie j’en ai pas beaucoup parlé dans le séminaire et j’en ai pas beaucoup parlé dans le livre mais j’en parlerai dans un prochain livre qui est le tome II – pourquoi j’y insiste ? c’est parce que j’avais été invité et l’on m’avait dit : le mondial (de Collège mondial) n’est peut-être pas ce que vous croyez ; ce n’est pas le global, tel que Saskia Sassen en parlait l’année dernière ici. Alors, ce séminaire de l’année dernière s’inscrivait dans le sillage d’un séminaire qui avait démarré en 2015 à l’IRI où il était question d’étudier Georgescu-Rögen, l’économiste , au départ mathématicien, qui avait travaillé avec Schumpeter et qui avait mis en évidence l’intérêt et l’importance d’étudier Alfred Lotka en économie càd d’introduire le concept d’exosomatisation et c’est grâce à ça, en ayant travaillé sur deux textes de Georgescu-Rögen que j’ai examiné ce concept d’exosomatisation mais ce n’est que l’année d’après que j’ai travaillé sur Lotka lui-même parce qu’au départ je n’avais pas trouvé la trace des textes de Lotka où il est question d’exosomatisation. Dans le séminaire de 2015, j’avais commencé à introduire la question des métabolismes économique et technologique qui viennent remplacer – ce n’est pas ma thèse, c’est la thèse de Georgescu-Rögen - les métabolismes biologiqueshttps://www.youtube.com/watch?v=iX1Hz-bZo1Q Les Ateliers de la prospective : l’effondrement, de quoi parle-t-on ?↩︎. Georgescu-Rögen dit, en fait il reprend ce que dit Lotka, les organes vivants des animaux, des plantes sont en fait régulés métaboliquement par la biologie mais les organes exosomatiques ne sont pas régulés par la biologie ; ce qui les régule, dit-il, c’est l’économie. Aujourd’hui je mets un petit bémol ; je pense oui c’est l’économie mais ce n’est pas seulement l’économie c’est le droit, j’y reviendrai plus tard mais je précise tout de suite de quoi je vais parler, du droit. Nous sommes en train de discuter en ce moment avec Alain Supiot sur cette question du droit ; Alain Supiot est l’un des rares juristes à vraiment avoir pris la question de la technique au sérieux ; Homo juridicus, c’est un texte qui a tout un chapitre consacré au système juridique et au système technique ; c’est le seul juriste que je connaisse qui ait vraiment posé cette question-là ; ça ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de juristes qui travaillent sur la technique, il y en a beaucoup même, mais à mon avis ils n’y travaillent pas comme Supiot ; lui, y travaille très précisément.

Ensuite, en 2016, on a démarré à la Maison des sciences de l’homme de Paris Nord càd à Plaine commune un séminaire de préparation du colloque sur le transhumanisme et puis, au printemps 2017 toujours à la MSH de Paris Nord j’ai commencé à interpréter Lotka lui-même ; j’avais été précédé là-dedans par David Bates dans Les Entretiens du nouveau monde industriel sur le transhumanisme où David Bates avait sorti toutes les archives qu’il pouvait trouver sur Lotka, avait travaillé là-dessus et fait une conférence que je vous recommande d’écouter, elle est en vidéo ; elle est extrêmement brillante et passionnante. A partir de ces questions-là à la MSH donc au printemps 2017, il y a deux ans, j’avais introduit les notions d’entropie relative et d’anti-entropie relative càd de localités telles qu’elles se déclinent non pas comme les niches biologiques au sens où y travaille par exemple Gérald Moore mais des microcosmes qui s’inscrivent dans des macrocosmes eux-mêmes inscrits dans un cosmos qui constituent une double dimension, irréductiblement double, qui fait corps par exemple avec la duplicité du signifiant chez Ferdinand de Saussure par exemple entre diachronique et synchronique ; chez Saussure, si vous voulez étudier un phénomène de langage, vous ne pouvez jamais neutraliser la double dimension du langage, synchronique et diachronique ; je sais que Maël s’intéresse beaucoup à cette notion de diachronie et ça fonctionne aussi dans le modèle biologique sur lequel il travaille et dans le modèle néguanthropologique que j’essaye de produire à partir de son travail sur la biologie ; j’avais essayé de montrer en fait que c’est une question que l’on trouve déjà dans La République de Platon ; je crois que c’est le premier livre dans lequel Platon est en train de poser la question de la république où il dit : on va travailler à deux plans, l’Etat - enfin ça c’est pas l’Etat, c’est une traduction nulle, c’est la polis, la politeia plus exactement - la Cité d’une part, le citoyen d’autre part ; et ces deux plans sont irréductibles, dit Socrate tel que Platon le fait parler ; ces deux plans sont ce qu’il appelle le microcosme et le macrocosme ; et il ajoute qu’il y a une ressemblance très grande entre le niveau macrocosmique et le niveau microcosmique ; si on étudie la justice, dit-il, puisque c’est la question de La République : comment faire une cité juste, un macrocosme juste ? eh bien, si on veut penser la justice du macrocosme, il faut penser la justice du microcosme càd de l’individu, du citoyen qui est un microcosme par rapport au macrocosme qu’est la Cité, la Cité étant elle-même un microcosme par rapport à la Grand Grèce etc. donc ce sont des emboîtements ; ces structures d’emboîtement, je les représente par des petites spirales dans une grande spirale ; une remarque ici : le macrocosme se constitue, je l’avais souligné l’année dernière, toujours comme synchronisation et réticulation des localités microcosmiques, ça c’est fondamental ; c’est avec Saussure que j’ai essayé de penser la synchronisation et la réticulation de localités microcosmiques c’est ce qui permet de comprendre pourquoi aujourd’hui les technologies de réseaux sont si importantes et comment elles permettent de produire des processus de synchronisation qui reposent sur des technologies de passage à l’échelle à la vitesse de la lumière qui vont court-circuiter tous les niveaux microcosmiques en fait – ou mésocosmiques puisqu’on a introduit aussi en travaillant avec Clément Morla et Olivier Landeau et toute l’équipe qui travaille sur l’économie la question du mésocosme, par exemple la filière industrielle du bâtiment et des travaux publics à Plaine commune, ce n’est pas un microcosme, ce n’est pas un macrocosme, c’est un mésocosme, càd que c’est un groupement d’intérêt d’acteurs, toutes sortes d’acteurs ; l’artisan ouvrier maçon du coin, l’entreprise de BTP et travaux publics Francis Dubrac, Vinci constructions etc. c’est un mésocosme ; toutes ces notions je les avance comme ça pour inviter tous ceux que sa intéresses à aller lire Niklas Luhmann avec les concepts de micro, macro, mésocosmologie, Luhmann étant le concepteur de ce qu’il appelle les systèmes sociaux inspirés eux-mêmes de modèles qui ressemblent un peu à ça (petites spirales dans une grande spirale) qu’il appelle à tort autopoïétiques parce que ces modèles sont hétéropoïétiques.

Si je résume un peut ce qui vient d’être dit et ce qui a commencé en fait il y a trois ans dans ce séminaire de 2015 etc. donc depuis qu’on a commencé à parler de Georgescu-Rögen jusqu’à maintenant, dans ce séminaire, premièrement on va essayer d’examiner, à travers tous ces travaux, les conditions dans lesquels la biosphère au sens de Vernadsky semble se transformer en un exorganisme planétaire du fait que, désormais, autour de la biosphère il y a une enveloppe exosphérique avec des milliers satellites, comme je vous l’ai déjà dit, qui sont entre 400 km et 36'000 km de distance de la croûte terrestre, ce qu’on appelle la biosphère. Comment est-ce qu’on peut transformer cet exorganisme planétaire non pas en un système libertarien qui détruit toute politeia, toute individuation, toute anti-anthropie mais au contraire en une nouvelle logique qui serait celle que, par exemple, on essayerait de promouvoir le 10 janvier 2020 à Genève au siège de l’ONU. Pour faire ça, il faut distinguer, et je rappelle là encore ce qui s’est fait au séminaire de l’année dernière et déjà dans le séminaire de l’année précédente, les exorganismes simples des exorganismes complexes ; les exorganismes simples c’est vous et moi, j’ai une veste, des lunettes, je suis assis à une table, j’utilise un ordinateur, j’ai des organes exosomatiques sans lesquels je ne serais rien, y compris le langage que je produis, le signifiant de Lacan, tout ça c’est exosomatique et ça constitue des exorganismes simples mais ces organismes simples ne peuvent pas vivre indépendamment des exorganismes complexes ; ils doivent vivre dans des tribus ou sur des bateaux avec une hiérarchie etc. ; ce que je veux dire c’est qu’il y a des exorganismes complexes très particuliers , j’en avais un petit peu parlé ; un bateau, qu’est-ce que c’est ? eh bien quand il vogue en dehors des eaux territoriales, il est sous une loi d’exception qui est la loi du capitaine ; il y a une droit de la mer, il y a toutes sortes d’obligations mais le capitaine est comme on dit maître à bord, il l’est toujours et il peut prononcer toutes sortes de choses qui sont inconcevables sur terre ; c’est très important parce que ça vous montre que la loi est toujours locale et elle est conditionnée par des réalités exorganologiques ; si vous n’en tenez pas compte c’est du bidon ; et c’est là que Supiot m’intéresse parce que Supiot essaye d’intégrer ce genre de questions dans le domaine juridique ; donc il n’est plus un juriste qui procède comme Hobbes, Locke, comme tant d’autres dont je vais d’ailleurs parler dans la suite, à savoir dans une espèce d’absolu universel, non, il tient compte des localités exorganologiques :

On avait aussi essayé de parler d’Henri Lefèbvre l’année dernière qui était consacrée à Comment étudier la ville et notamment la conurbation de Plaine commune du point de vue exorganologique en passant par Henri Lefebvre et en le critiquant et par ailleurs nous avons conclu ce séminaire de l’année dernière par Les entretiens du nouveau monde industriel où nous avons mis en place un dispositif d’analyse de ce que nous avons appelé La troisième révolution urbaine et je vous en parle pour une raison très précise : c’est que ce sont été de très bon entretiens ; tous les gens qui y on assisté on dit c’est exceptionnel, il y a eu deux ou trois scories, mais dans l’ensemble c’est excellentissime et je vous recommande d’aller le voir ; par exemple la conférence de Pas-de-Calais Habitat sur l’économie de l’énergie contributive dans l’habitat social, des habitats HLM très pauvres du Pas-de-Calais je peux vous dire que ça vaut le coup d’être vu parce que ça donne à espérer.

Les exorganismes simples s’agrègent en agrégeant leurs organes exosomatiques de toutes sorte s manières ; par exemple un atelier tel qu’au XVIIIème siècle ils apparaissent ; ce ne sont pas des usines à proprement parler ; dans ces ateliers, les ouvriers viennent avec leurs outils ; le patron fournit le cadre général ; par exemple un exorganisme qu’on appelle une ville ; j’ai toujours montré cette ville de Sienne que j’aime beaucoup et que je crois être exemplaire parce qu’elle est toujours très vivante depuis le Moyen-âge ; et puis il y a la transformation urbaine que nous avons appelé dans ces entretiens du mois de décembre dernier la deuxième révolution urbaine celle où la ville devient le lieu où il y a les usines et qui change beaucoup de choses à l’urbanité. On voit apparaître des villes où les usines deviennent non pas forcément centrales – elles sont d’ailleurs plutôt périphériques – mais elles deviennent l’élément fondamental qui fait que l’urbanité va se développer – les villes qui n’ont pas d’usines, qui n’ont pas d’unités de production vont péricliter, vont régresser ; je vous recommande d’aller voir l’exposé d’Olivier Landeau sur ces questions puisque c’est lui qui a ouvert les Entretiens sur ces questions-là et c’est vraiment intéressant ce qu’il a montré, il faudrait s’interroger, je ne vais pas le faire maintenant mais je rappelle les questions des raisons pour lesquelles, pendant très longtemps, c’était autour des églises que se faisaient les villes, ce n’était pas en périphérie, c’était au centre, à la différence des usines, et il faudrait se demander pourquoi les exorganismes supérieurs – parce que j’ai oublié de préciser un point très important : un atelier (cf. supra) est un exorganisme inférieur càd que le patron ne peut pas faire la loi ; ça arrive que des patrons fassent la loi mais ils sont dans l’illégalité ; normalement il doit se soumettre aux lois territoriales ; s’il a une usine à St-Denis par exemple, il doit respecter les lois françaises du travail, il doit respecter la réglementation municipale etc., c’est pas lui qui fait la loi ; donc c’est un organisme complexe mais inférieur ; à la différence du bateau où le capitaine peut faire la loi pendant la traversée, pas le patron d’une entreprise ; ce que veulent les libertariens, c’est éliminer ça et faire que les entreprises deviennent des exorganismes supérieurs; j’y reviendrai tout à l’heure si on a le temps.

Maintenant, il y a les exorganismes supérieurs ; il y en a de plusieurs sortes ; ils sont toujours constitués par une autorité qui à un moment donné est devenue religieuse ; par exemple, au Moyen-âge, la ville de Paris est à peu près sur l’île de la Cité et autour, il y a ce qu’on appelle les faubourgs càd les villages qui entourent Paris, St-Germain, Ménilmontant etc. mais Paris c’est à l’intérieur de l’île, l’ancienne Lutèce ; comment cela se fait-il que ça fonctionne toujours ? les gens continuent à visiter Notre Dame, il y a toujours une autorité de Notre Dame de Paris comme il y a une autorité comme il y a une autorité de la cathédrale de Milan, comme il y a une autorité de pyramides égyptiennes ; on ne va pas visiter les usines Citroën du Quai Javel à Paris, pour une raison toute simple c’est qu’elles ont été rasées ; maintenant il a y un très beau parc , magnifique, mais les usines, on les a rasées ; comment se fait-il qu’on ne rase pas les cathédrales et les lieux de culte ? il faudrait pe/anser ça ; comment se fait-il qu’il y a une supériorité de ces architectures religieuses ? quand je vous dis ça ce n’est pas parce que je voudrais vous ramener dans le Sacré Cœur de Jésus, ce n’est pas mon truc, mais je pense que c’est une question d’ exorganologie absolument fondamentale ; tant qu’on aura pas compris pourquoi ça, ça paraît encore produire de la néguanthropie avec un a et un h et même de l’anti-entropie, pourquoi il y a tant de gens qui disent comme moi « il est sympa le pape » malgré toutes les bêtises qu’il dit parfois, eh bien il y a là quelque chose d’important à pe/anser. C’est la supériorité ; qu’est-ce que la « supériorité » des exorganismes complexes supérieurs ? il faudrait faire une histoire de la supériorité ; si je le dis c’est parce que je pense que cette supériorité est dans l’incalculable ; dans l’architecture sacrée – qui passe aussi par le calcul - il y a quelque chose de l’incalculable ; c’est surhumain, ces cathédrales ; la cathédrale de Paris, un siècle et demi, comment c’est possible que trois ou quatre générations d’ouvriers ont travaillé là-dessus ; tout comme les pyramides, c’est surhumain ; Georges Bataille disait : c’est somptuaire càd ça dépasse tout calcul ; c’est au-delà de toute dépense ; et c’est ça sur quoi nous devons travailler, c’est ça l’anti-anthropie, c’est ça qui fait la qualité de la poésie de Stéphane Mallarmé ; je présente l’église parce que c’est un exorganisme physique, tangible, on les visite ; moi, je visite les églises en Italie comme tous les gens qui vont en Italie ; les italiens visitent les cathédrales romanes ou gothiques françaises etc. et nous faisons ça partout  tant que nous ne serons pas complètement des barbares ce qui est loin d’être garanti.

Poser ces questions-là, c’est travailler sur les conditions de sortie de l’Anthropocène par la reconstruction d’une macroéconomie guidée par la néguanthropie avec un a et un h comme critère définitoire de la valeur ; je ne vais pas développer ce point ; on y travaille beaucoup en ce moment dans le groupe, comme on l’appelle, « économie » qui d’ailleurs va produire un atelier avec deux banques sur ce que c’est que la valeur pour le néguanthropocène ; on va travailler sur les nouvelles normes de comptabilité : qu’est-ce que c’est que comptabiliser économiquement l’activité, le chiffre d’affaires, les bénéfices, les coûts, les externalités etc. du point de vue du néguanthropocène ; et en tant que banques, investisseurs, prêteurs etc. Ça suppose de développer une économie de l’anti-anthropie et c’est pour ça que nous posons qu’il faut reconceptualiser l’anthropologie en totalité avec les juristes – il y a de grands anthropologues en droit, Pierre Legendre par exemple qui est le maître de Supiot qui a beaucoup questionné ces points de vue-là, une anthropologie du droit ; est-ce qu’on ne pourrait pas essayer de relire Legendre du point de vue d’une néguanthropologie du droit, avec Supiot par exemple ; ça c’est un des enjeux du bouleutérion et de ce qu’on essaye de lancer pour Genève ; mais pour faire ça, et ça ne sera pas non plus l’objet de ce séminaire-ci mais je le dis parce qu’on y a déjà un peu travaillé ailleurs et on va continuer d’y travailler dans d’autres contextes, il faudra, et c’est l’un des enjeux du travail qu’on lance dans la perspective de Genève 2020 - il faudra repenser en totalité les concepts de néguentropie, faire une nouvelle critique de la théorie de l’information et essayer de constituer un nouveau champ théorique et formel, donc formaliser parce que théoriser aujourd’hui c’est formaliser et c’est formaliser de manière mathématisable (là aussi Maël travaille sur ce genre de questions, c’est pour ça qu’il fait partie du groupe Plaine commune) ; il faut que nous arrivions à produire de nouveaux formalismes qui soient réappropriables et expérimentables par le monde économique et traduisibles en algorithmes de comptabilité ; extrêmement ambitieux cette démarche mais c’est la seule qui vaille ; et ce n’est que dans ces conditions que ce que Piketty propose a de l’avenir parce que s’il s’agit simplement de dire « on va taxer les riches », ça ne sert à rien ; c’est pour ça que je ne suis pas très emballé par l’ouvrage de Piketty.

J’avais proposé, il a y trois ans ou quatre ans de passer de l’organologie générale, qui était le mot d’ordre de l’IRI depuis longtemps, on avait d’ailleurs lancé ça avec Vincent Puig à l’IRCAM, bien avant l’IRI, à l’exorganologie – ça ne veut pas dire que l’organologie générale disparaît, non, ça continue, c’est une méthode de travail transdisciplinaire en fait qui est à la base d’une démarche qui est la recherche contributive mais il faut dans cette organologie générale développer une exorganologie. Qu’est-ce que l’exorganologie ? très précisément, c’est ce qui étudie les conditions exorganiques de solidarité et de durabilité des exorganismes complexes inférieurs et supérieurs. Comment une entreprise peut durer, comment une institution peut durer, comment la cathédrale de Paris peut durer, avec ou sans le pape, etc. ? à quelles conditions c’est possible ? il faut des solidarités exorganiques et c’est ça que tente de penser Bergson dans ce texte qui s’appelle Les deux sources de la morale et de la religion et que je vous recommande de lire, là où il parle lui, non pas de lois, de morale ou de solidarité (qui est une expression d’Emile Durkheim 20 ans avant ce texte de Bergson) mais d’obligation. Il dit : c’est l’obligation qui permet de penser la morale, la justice, la politesse ; Obligado, comme j’aime toujours bien dire, en portugais « merci », ça veut dire « je suis votre obligé » comme on disait au XVIIIème siècle ; « vous m’avez donné quelque chose, maintenant je dois vous le rendre, je suis votre obligé », c’est l’économie du don aussi ; et cette obligation, qui est un lien, une ligature, Bergson dit ça commence dans les sociétés animales càd qu’il faut aller voir ce qui se passe dans les sociétés animales pour voir comment ça n’est pas la même chose ; une société animale, c’est aussi des liens ; alors ce sont des liens sexuels, ce sont des liens de phéromones dans les fourmilières où il y a des tas de fourmis qui ne sont pas sexuées, vous le savez sans doute, chez les insectes sociaux toute une partie de la population, l’immense majorité de la population n’est pas sexuée, et ça c’est que voudraient les transhumanistes avec nous ; il y aurait les patrons qui feraient des partouzes dans la Silicon Valley et nous, on serait tous là à s’occuper des larves ; ce qui est en jeu dans le transhumanisme, c’est la sexualité, l’avenir de la sexualité, et la désexuation des âmes noétiques ; alors est-ce qu’une âme désexualisée peut être noétique ? je n’en suis pas sûr ; est-ce que par exemple les prêtres sont désexualisés ? pas du tout ; ce ne sont pas des eunuques ; après, ça leur fait faire des bêtises, ça leur attire des ennuis, Barbarin est embarrassé dans tout ça.

Nous sommes confrontés à une société qui est en train de développer, à travers des technologies, une désexualisation généralisée qui est en train de délier les êtres humains du lien du la philia qui est sexualisé chez les humains – c’est ce que Freud nous a appris – fondamentalement sexualisé ; le droit est sexualisé, le surmoi est sexualisé et le surmoi c’est la condition du droit, et si on désexualise les individus, est-ce qu’il y a encore un droit possible ? Toynbee pose ces questions dans ce texte-là, c’est le début de L’aventure humaine ; je vous recommande de lire au moins le début, dans un chapitre qui s’appelle La biosphère ; Toynbee a bien lu Vernadsky, il connaissait Lotka, il connaissait Whitehead et c’est un grand savant anglais que pendant très longtemps j’avais méprisé, comme tous les marxistes, parce qu’il était considéré comme de droite, réactionnaire ; il a été introduit en France par Raymond Aron, il représentait donc la voix du Figaro pour beaucoup de gens comme moi, et puis un jour je l’ai lu par curiosité et je me suis aperçu que c’est absolument formidable et c’est beaucoup plus compliqué que ce que l’on en a dit. En tout cas, si je vous dis ça, c’est parce que je plaide pour une nouvelle généalogie de la morale (c’est le titre d’un chapitre de Qu’appelle-t-on panser je crois) cette nouvelle généalogie de la morale qui s’inscrit dans le sillage de Nietzsche bien sûr, elle intègre Toynbee, Bergson et beaucoup d’autres, et Lotka, et elle pense qu’il faut continuer le programme de Nietzsche mais en allant au-delà de Nietzsche. Pour ça, il faut lire par exemple ce texte de Frank Pasqualehttps://www.cairn.info/revue-projet-2016-2-page-92.htm↩︎ sur le sens que constituent les plateformes comme Amazonhttps://lpeblog.org/2017/12/06/from-territorial-to-functional-sovereignty-the-case-of-amazon/ 01 :36 :40↩︎ http://www.internetactu.net/2018/01/18/de-la-souverainete-fonctionnelle/ (traduction de l’art. ci-dessus)↩︎, Google et Facebook, c’est qu’ils veulent développer une souveraineté fonctionnelle qui n’est plus territoriale mais qui est fonctionnelle càd qui repose sur la cause efficiente. Lisez ce texte parce qu’il est très important et il constitue une analyse des plus pertinentes de ce qui est appelé là le Digital Capitalism mais par ailleurs il développe une idée que ce sont des Black Box, il appelle ça la Black Box society ; il dit qu’on entre dans l’ère des Black Boxes et qu’est-ce que l’ère de la Black Box society ? c’est l’ère de la prolétarisation totale. Quand vous avez des boîtes noires, ça veut dire que vous êtes prolétarisés ; ça veut dire qu’il y a quelque chose qui vous échappe ; un prolétaire c’est quelqu’un qui ne sait plus ce qui le gouverne, il n’a aucune prise dessus parce que son savoir a été encapsulé dans la boîte noire et ça concerne les astrophysiciens du CEA par exemple ; on a un peu travaillé là-dessus avec Vinent dans le cadre du programme « épistémè » avec le CEA en astrophysique, on a fait un colloque sur le sujet avec Vinent Bontemps en astrophysique et moi je considère que cette physique n’est plus une physique scientifique au sens de Einstein ou de Newton parce que Black Box c’est inacceptable en science, il ne doit pas y avoir de Black Boxes ; alors est-ce qu’il faut abandonner la notion même de science ? peut-être, mais en tout cas il faut arrêter de se gargariser en disant : les scientifiques… etc. ; non ; il y a des questions qu’il faut poser, des questions que les scientifiques ne veulent pas poser en général, ils le vivent comme une remise en cause radicale et c’est une remise en cause radicale mais une remise en cause qui est indispensable si on veut pouvoir répondre aux problèmes posés dans le texte de Pasquale.

Si on veut poser ces questions pas simplement du point de vue par exemple de la technologie, qui est son point de vue à lui, ou du point de vue de la science comme je viens de le dire mais du point de vue du droit, alors il faut relire le Léviathan et en particulier la première page et la deuxième page où vous le verrez, c’et extraordinaire ce que dit Hobbes (1588-1679) de l’Etat – c’est lui le premier penseur de l’Etat, penseur théoricien je veux dire, il y en a d’autres, il y a Richelieu (1585-1642), il y a Machiavel (1469-1527) aussi qui, d’une certaine manière anticipent les choses ; qu’est-ce qui est en jeu ici ? c’est l’animal artificiel ; l’art de l’homme, dit Hobbes, c’est de fabriquer un animal artificiel ; qu’est-ce que c’est que cet animal artificiel ? c’est le truc transhumaniste ? C’est le mutant transhumaniste ? c’est l’automate de l’intelligence artificielle ? Non, pas du tout ; c’est la cité, c’est l’Etat : L’Etat est un automate, dit-il, qui est animé par une vie artificielle ; d’abord il demande : qu’est-ce que la vie« … la vie n’est qu’un mouvement des membres. » Page 1 introduction↩︎ ? un cœur c’est une sorte de ressort, un nerf c’est une sorte de courroie, les articulations ce sont des roues etc. Mais il dit, chez l’homme (c’est la page suivante, page 2) la souveraineté, c’est un souverain, c’est l’âme artificielle de l’Etat« La nature, qui est l’art pratiqué par Dieu pour fabriquer le monde et le gouverner est imité par l’art de l’homme qui peut (…) fabriquer un animal artificiel. » ; « C’est l’art, en effet, qui crée ce grand Léviathan appelé République ou Etat (civitas en latin) qui n’est autre chose qu’un homme artificiel (…) » Page 2 ; « (…) la souveraineté est une âme artificielle car elle donne vie et mouvement au corps (de l’Etat) tout entier (…) » Page 2↩︎ ; « Les magistrats et les autres officiers judicaires et d’exécution sont des articulations artificielles , la récompense et le châtiment sont les nerfs, l’opulence et la richesse sont la force etc… » ; c’est fascinant ; c’est une définition exorganologique de l’Etat sauf que ça n’est qu’une métaphore chez Hobbes ; Il essaye de faire penser l’Etat, pour la première fois, et comme une grosse machine ; il parle là de l’État européen mais il pourrait parler aussi de la Chine ; si vous regardez l’Etat chinois, l’Empire chinois, cette description marche très bien.

On avait parlé de ça dans les séminaires précédents, notamment ceux de l’année dernière et j’avais évidemment essayé de poser ces questions en passant par les plateformes de la biosphère devenant la technosphère qui constitue une nouvelle scalabilité mise en œuvre par technologies computationnelles qui détruisent toute différence de plan au sens de Deleuze càd entre les plans de consistance, d’existence – que j’appelle moi-même la subsistance – ou encore entre microsome, macrocosme et mésocosme ou encore de ce que Gilbert Simondon appelle « les points-clés » et c’était ça que j’essayais de poser comme la question d’une micro, macrocosmologie. Maintenant j’ajoute que tout macrocosme – qu’est-ce qui distingue un microcosme d’un macrocosme ? c’est que le macrocosme en général, pas simplement le macrocosme des plateformes actuelles, ce que j’appelle la technosphère, établit une scalabilité qui est fondée sur un pouvoir de synchroniser, toujours, le chamane synchronise, le roi de France synchronise, Amazon synchronise aujourd’hui ; ça passe par des rituels dans les sociétés chamaniques, des offices dans les sociétés monothéistes par exemple, des statistiques dans ce que Michel Foucault décrit comme le biopouvoir mais dans tous les cas, c’est fondé sur des calendarités et des cardinalités ; c’est ce dont j’avais parlé dans la Technique et le temps tome 2 ; cette question est extrêmement importante si vous voulez comprendre ce que c’est que la technosphère, il faut comprendre que ça repose sur le GPS donc une technologie de cardinalité – l’orientation dans l’espace – et sur les technologies de contrôle du temps, les horloges et les battements d’horloges dans les ordinateurs capables de travailler à la vitesse de la lumière et donc de traiter les Big datas à l’échéance de la microseconde, voire de la nanoseconde, puisque, vous le savez peut-être il y a eu un changement dans la ligne en fibre optique ente Paris et New-York pour optimiser la transmission d’informations financières entre Wall Street et Paris, mais surtout Francfort, pour gagner quelques nanosecondes (1 milliardième de seconde) et si vous gagnez quelques milliardièmes de secondes, vous pouvez changer le mode de fonctionnement des bourses mondiales; c’est très important et ça c’est la nouvelle calendarité ; il faut donc, si on veut étudier les exorganismes, toujours regarder quelle en est la cardinalité (les systèmes d’orientation ; les panneaux routiers par exemple, direction Montélimar comme on voit dans les films de Jean-Luc Godard ; ça n’existe plus maintenant, c’est remplacé par le GPS ; les systèmes des indiens pour s’orienter, ce sont des cardinalités aussi ) et des calendarités qui ont une histoire très cohérente ; c’est la base de toute exorganologie.

L’année dernière, j’avais promis que nous ferions un deuxième séminaire – j’avais dit il y a un premier séminaire avant les vacances de Pâques et ensuite un deuxième après les vacances de Pâques ; finalement il n’a jamais eu lieu parce que je n’avais pas fini le premier et ça sera pareil ce coup-ci parce que j’ai fait la moitié seulement de ce que j’avais prévu de faire mais je vous avais promis un séminaire qui s’appelait Exorganologie II La remondialisation ; en fait c’est ce qu’on est en train de faire maintenant ; on le fait cette année et je l’ai un peu rebaptisé , je l’ai appelé Remondialisation et internation pour inscrire la perspective de Genève clairement dans la question.

L’an passé, j’avais posé qu’à travers la remondialisation il s’agirait, dans un tel séminaire, de repenser le monde comme faire-monde ; dans un texte extrêmement fameux de Heidegger qui s’appelle L’origine de l’œuvre d’art dans lequel Heidegger dit : ce qui fait monde c’est l’art ; c’est un texte que j’ai analysé l’année dernière en Chine et on va d’ailleurs continuer à l’analyser avec Yuk Hui au mois de mars prochain ; je ne veux pas vous parler de ça en détail, ce que je voudrais simplement dire c’est que l’art c’est l’anti-anthropie par excellence ; et l’art, tel que nous l’entendons, nous, les occidentaux c’est une chose, tel que l’entendait Van Gogh c’est un peu autre chose d’ailleurs et tel que l’entend le chamane dont je vus ai parlé tout à l’heure, il ne l’entend pas, il s’en fout de l’art mais il est dans l’art ; nous, nous regardons tout ce que fait le chamane d’un point de vue artistique ; tous ces objets usuels par exemple des sociétés Dogon qui sont extraordinaires, nous les regardons comme des objets d’art, les cubistes les ont regardé comme ça ; mais les Dogons ne les voient pas comme ça, ils les voient comme des objets quotidiens habités par la surnature, habités par les esprits, habités par ce que j’appelle un surréalisme cosmologique ; quand je dis surréalisme ici ce n’est pas au sens d’André Breton seulement mais au sens où le réel est toujours surréel, c’est ce que disait Whitehead tout à l’heure ; le réel n’est jamais suffisant donc le physicien vient y ajouter quelque chose qui va permettre ensuite à, je ne sais pas, Peugeot Citroën, les pneus Michelin, d’y ajouter quelque chose, le caoutchouc artificiel qui va faire qu’on va se mettre à rouler sur les autoroutes à 200 km/h ; c’est idiot mais c’est ça notre réalité ; c’est ça le réel, non pas des girafes, mais de ces êtres sexués, noétiques et complexés (ou décomplexés aujourd’hui, c’est un peu ça le problème, la décomplexion) que nous sommes.

Alors je pense que Heidegger n’a pas réussi à penser véritablement le cosmos en tant qu’il constitue la parure qui est, dans la dualité microcosme / macrocosme, mise en scène par exemple par les souliers de Van Gogh (cf. L’origine de l’œuvre d’art) ou par le chamane, qui lui adresse explicitement le rapport entre microcosme et macrocosme ; je le dis parce que j’ai fait un séminaire au Musée ethnographique de St-Pétersbourg consacré aux chamanes sibériens et donc j’ai un peu travaillé cette question pour la télévision russe. Ce que je crois c’est que cet homme-là, un druze, il aussi étonnant pour moi que ces chaussures de Van Gogh ; c’est une œuvre d’art vivante en fait ; c’est extraordinaire de voir un homme comme ça ; il est d’une beauté inouïe mais lui, il ne se voit pas comme une beauté ; il se voit comme un habitant d’un microcosme dans un macrocosme et je pense que le faire-monde passe par ça et qu’est-ce qu’il a ce druze ? il est beau ; quand je dis qu’il est beau je ne parle pas de ses traits, il est beau dans son allure générale ; même s’il n’avait pas un beau visage, il serait beau quand même parce qu’il fait monde ; il ouvre un monde à lui tout seul. Ça c’est ce que nous allons essayer de repenser dans l’immonde ; la globalisation a été une immondialisation ; c’est l’immonde destruction des mondes qui est devenue ignoble et l’ignoble ça veut dire le non-noble (il présente une image de Trump ; et ce n’est pas un personnage de Shakespeare qui n’aurait pas osé penser ça, c’est la réalité, c’est ça le réel d’aujourd’hui, c’est de ce réel-là dont il faut essayer de rendre compte).

Ça a été cette destruction créatrice qui a été conceptualisée par Schumpeter dont l’assistant s’appelait Georgescu-Rögen ; ce n’est pas tenable dans la durée, a dit Georgescu-Rögen, parce que c’est dans la physique de Newton or il faut se mettre dans la physique de Boltzmann càd de l’entropie, c’est ce qui a engendré une accélération après la deuxième guerre mondiale qui a produit l’anthropocène actuelle arrivant à sa limite insoutenable et produisant de l’immonde dans ce sens-là et la destruction des appareils psychiques. Il faut donc prendre soin de l’anthropocène pour y produire un sursaut surhumain pour entrer dans l’ère néguanthropocène.

Ce contexte-là qui est la dénoétisation généralisée je soutiens que c’est ça qui fait souffrir les gilets jaunes et c’est contre ça qu’ils se révoltent ; ils ne le savent pas donc ils s’en prennent éventuellement aux arabes, aux juifs, aux fonctionnaires, à tout ce que vous voulez, à vous et moi, aux bobos, aux parisiens, mais c’est parce qu’ils on besoin d’un bouc émissaire ; chaque fois qu’on souffre d’un truc dont on ne sait pourquoi on en souffre on se trouve un bouc émissaire ; en général c’est sa femme quand on est marié ou ses gosses ou son voisin de bureau etc. ou avec l’automobiliste du coin avec qui on se cogne sur la gueule parce qu’on a été maltraité par le pharmakon, le pharmakon s’appelant la bagnole elle-même d’ailleurs ; c’est ça qu’il va falloir arriver à soigner, c’est ça le nouveau programme politique si l’on veut véritablement dépasser la situation d’enfermement dans laquelle nous sommes.

Un monde, c’est ce qui constitue une matrice de noodiversité ; c’est ça qui définit un monde pour moi, sur la base d’une calendarité, d’une cardinalité, avec des rituels locaux etc. ; la localité ce n’est pas forcément les trois kilomètres carrés de la tribu amazonienne, ce n’est pas forcément les 30 km carrés de Plaine commune, ce n’est pas forcément les 500 000 km carrés de la France, c’est aussi la biosphère en totalité ; c’est une localité la biosphère ; donc elle a besoin d’une calendarité, dune cardinalité biosphérique qui est devenue technosphérique ; donc il ne faut pas rejeter ça ; la question c’est comment ça va empêcher la localité de Plaine commune, la localité dans Plaine commune de telle famille etc., càd la construction et la production de singularités ; que sont ces singularités au sens où les définissait Deleuze ; ce sont des capacités anti-entropiques, ce sont des capacités à produire quasi-causalement des bifurcations ; c’est de ça dont il s’agit et il ne s’agit pas simplement de trépigner en tapant du pied pour dire c’est ça qu’il faut, non, il faut en faire une économie générale et planétaire donc il faut montrer aux grandes entreprises du capitalisme qu’ils peuvent gagner de l’argent avec ça, que ça peut produire de la nouvelle solvabilité ; est-ce que ça veut dire qu’il faut soutenir le capitalisme ad vitam aeternam ? ce n’est pas du tout mon point de vue mais je pense que ça passe par une négociation que j’appelle « le grand compromis » historique avec le capital, entre le capital et le travail, dans les 20 ans qui viennent ; c’est un grand compromis historique au sens où Berlinguer parlait de compromis historique. Alors si je présente ce livre d’Edouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, c’est parce qu’en passant, je dis qu’il faudrait peut-être se demander si par exemple c’est ce dont parle Glissant lorsqu’il parle de la poétique du divers, ce que j’appelle la diversalité, ou encore ce qu’il appelle « la créolisation » ; est-ce que le concept de créolisation d’Edouard Glissant permet de penser tout ça ? Pour pouvoir vous dire tout de suite ce que j’en pense c’est non ; j’ai lu Glissant, je trouve ça extrêmement intéressant ; il parle d’ailleurs souvent de points de vue qui sont très proches de choses qui me passionnent comme le jazz ; il parle de la créolisation de la musique aux Etats-Unis, à Chicago, à New-York etc. par le jazz par un agencement intelligent entre la radio, l’instrument, la partition etc. c’est très intéressant ; mais je pense qu’au fond il a une vision très idéalisée de ce qu’il appelle la diversité, le divers, et je pense qu’il faudra, on en reparlera peut-être dans ce séminaire, faire une critique d’Edouard Glissant, une critique amicale et positive ; il ne s’agit pas de rejeter son travail, c’est un travail très important, mais aujourd’hui, on fait des génuflexions comme on dit devant Glissant, Deleuze, Derrida mais on ne pense pas ; il faut penser à Glissant mais il ne faut pas répéter Glissant, ce n’est pas intéressant du tout ; ou alors, si on le répète, il faut produire une différence comme dit Deleuze. Par contre, si je vous en parle de Glissant, c’est pour une raison précise : un monde, pour moi, c’est avant tout une singularité idiomatique néguanthropique ; je dis cela parce qu’il va falloir repasser par la question de l’idiome, l’idiome étant la question qui obsède Derrida, c’est pour ça que je travaille avec lui aussi; quand Derrida a fait des séminaire sur Paul Celan à l’Ecole des Hautes études sociales dans les années 80 c’est parce que Celan interrogeait l’idiome depuis le français, il était professeur, répétiteur d’allemand, à l’Ecole Normale Supérieure à Paris, il parlait très bien le français, il connaissait le yiddisch également et il parlait aussi l’espagnol, il faisait des poèmes poly-linguistiques avec de l’allemand, du yiddisch, de l’espagnol, du français, toutes sortes de langues en fait, et c’était ce sur quoi travaillait Derrida ; mais pour travailler sur ça il faut d’abord avoir une notion de ce que c’est qu’un idiome, idiome de idios qui veut dire singulier en grec et éventuellement idiot càd singulier au sens de « il n’est pas comme les autres, il est un peu idiot » ; mais les idiots, c’est parfois eux qui produisent le génie, par exemple Dostoïevski, qui est un idiot au sens strict ; il en parle très précisément dans une lettre qui accompagne l’écriture de L’idiot qui est un texte qu’il a écrit en trois semaines, je ne sais pas si vous le savez, et entre deux crises d’épilepsie ; et il dit : c’est dans les crises d’épilepsie que je produis véritablement mes visions littéraires et ça dure une seconde, dit-il – comme Mahomet puisque Mahomet était épileptique, c’est important. Je dis tout cela parce que l’idiotie, ça veut dire beaucoup de choses.

Je voudrais articuler ces questions d’idiomaticité, d’idiologie avec des questions de droit et c’est pour ça qu’on repassera par Supiot et l’inscription territoriale des lois ; Supiot dit : une loi est toujours territoriale, elle est plutôt, je dirais, locale et évidemment ça nous obligera à aller un petit peu regarder du côté de ce que racontent d’autres penseurs ; alors Supiot dans l’inscription territoriale des lois mais aussi en relation avec l’inscription technologique des lois dans Homo juridicus mais aussi ce que dit Carl Schmitt dans Le nomos de la terre qu’il faudrait, je l’avais déjà dit l’an passé, combiner aussi avec La mésologie d’Augustin Berque ; ça ne veut pas dire que je reprends tout ce que dit Augustin Berque forcément, en tout cas je pense qu’il soulève une vraie question puisqu’il dit : aujourd’hui, penser l’ère de l’anthropocène, c’est faire de la mésologie et je pense qu’il a raison et donc ça croise notre mésocosmologie dont je parlais tout à l’heure.

01 :56 :12