Le séminaire Pharmakon en hypertexte : 2018

Séance 2 : Exorganologie de la politeia

Séance 2 : Exorganologie de la politeia

Exorganologie I Panser la post-vérité dans la post-démocratie

Bernard Stiegler

Bernard Stiegler, « Séance 2 : Exorganologie de la politeia », dans Michel Blanchut, Victor Chaix (dir.), Le séminaire Pharmakon en hypertexte : 2018 (édition augmentée), Laboratoire sur les écritures numériques, Montréal, 2025, isbn : , https://pharmakon.epokhe.world/seminaire-hypertexte/2018/seance2.html.
version 0, 20/12/2025
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Comme c’est écrit là-dessus, je vais vous parler de ce que j’ai appelé l'exorganologie de la politeia. Je vous rappelle que ce séminaire s’inscrit dans le cadre d’un travail en cours entre l'IRI Ars Industrialis et Plaine Commune, territoire de Plaine Commune, qui d’ailleurs maintenant devient un travail dans le cadre d’un programme d’investissement d’avenir avec beaucoup d’autres partenaires et qui est dédié en grande partie au thème de ce que nous appelons l’urbanité numérique. Étant donné qu’une doctorante, qui nous a quittés depuis, voulait faire sa thèse sur Le droit à la ville d’Henri Lefebvre, j’avais décidé de travailler sur ce thème dans ce séminaire. Mais ce n’était pas la seule raison. L’autre raison, c’est que précisément, le programme PIA s’appelle Le droit à la ville. Le droit à la ville est un livre bien connu d’Henri Lefebvre, qui, à mon avis, n’est pas le meilleur livre d’Henri Lefebvre, loin de là. Mais c’est un livre important et intéressant. Donc, ce que je suis en train de faire, c’est d’essayer d’approcher ce livre d’Henri Lefebvre, en 2018 maintenant, par rapport à un texte qui a été écrit 51 ans plus tôt, en 1967 et qui ne connaît rien de ce qu’on appelle les smart cities, ni même d’ailleurs les smartphones, ou encore moins le Building Information Management dont je vais vous parler, dont j’ai un tout petit peu parlé déjà l’autre fois. Alors l’autre fois, c’était au mois de décembre, je ne me souviens plus de la date exacte et ce que j’avais essayé de montrer, d’abord, c’était que l’individuation collective, ce que nous appelons après Gilbert Simondon l’individuation collective, est ruinée aujourd’hui, par ce que nous vivons partout dans le monde, absolument partout, mais presque partout dans le monde et ce que nous vivons, c’est sentimentalement, si je puis dire, affectivement, psychiquement, nous ressentons le fait que quand l’individuation collective est ruinée, nous sommes psychiquement ruinés, c’est-à-dire que nous ne pouvons pas nous individuer psychiquement sans participer à des processus d’individuation collective. Et il en résulte, ce que j’ai appelé, dans le livre qui s’appelle Dans la disruption, l’absence d’époque, l’absence d’époque étant plus précisément ce que j’avais décrit dans ce livre comme l’absence de protentions collectives, et plus précisément de ce que j’ai appelé des protentions secondaires collectives, c’est-à-dire des anticipations psychiques partagées par des groupes de gens. Par exemple, eh bien l’anticipation du Messie, ou l’anticipation du Grand Soir, de la Révolution, ou l’anticipation de l'émancipation, le progrès, etc. Tout ça est tombé en ruines, avec des effets évidemment que ces ruines peuvent conduire au déni de la ruine, c’est-à-dire à des surinvestissements de ce genre de protentions collectives qui sont des surinvestissements fantasmatiques, qui peuvent tourner à la pathologie et à la pathologie collective, évidemment. Alors qu’est-ce que c’est que cette ruine ? C’est la ruine de ce qui s’était constitué, là je parle pour l'Occident, vous verrez que petit à petit, je vais essayer de ménager le fait qu’il n 'y a pas que l 'Occident sur Terre, même si tout le monde s’est occidentalisé ce qui veut dire d’ailleurs aussi désoccidentalisé, parce que l’occidentalisation généralisée c’est la désoccidentalisation de l'Occident et donc c’est un processus très complexe. En tout cas cette ruine c’est celle de ce qui c’était constitué en Occident d’abord comme ce qu’on appelle la polis grecque et au sein desquelles s’étaient formées également les notions telles que nous les connaissons de vérité et de démocratie. Et je soutiens que cette ruine de l’individuation collective, qui est aussi une ruine de l’individuation psychique, c’est également la ruine de la vérité et la ruine de la démocratie. Avant de parler de la démocratie, parlons de la politeia. Parce qu’on n’arrête pas de nous casser les oreilles avec la démocratie, la post-démocratie, etc. Mais la vraie question ce n’est pas la démocratie, c’est la politeia dont la démocratie est un cas possible. Époque aristocratique de la politeia, des époques tyranniques même de la politeia, qui reste la politeia. Par exemple, la tyrannie des 30, c’est toujours la politeia. Et puis, il y a des formes non-politéiques, si je puis dire, c’est-à-dire politiques, de ce que finalement Emmanuel Kant appelle dans l’article Qu’est-ce que les Lumières ? ce qu’il appelle la République, qui est la République au sens de politeia dans ce texte de Platon et qu’on traduit là dans cette traduction allemande de La république par der Staat, ce qui est une... traduction complètement anachronique. La politeia n’est pas du tout Staat, n’est pas du tout l'État. Alors il n 'y a pas que les Allemands qui ont traduit politeia par Staat. Ce crétin, par exemple, de Jean Anouilh parle de la raison d'État, de Créon dans Antigone, c’est absolument débile, il n 'y a pas d'Etat en Grèce, donc il ne peut pas y avoir de raison d 'Etat. C’est une catastrophe, Jean Anouilh, parce que tous les jeunes français ont été initiés à la tragédie grecque à travers Jean Anouilh qui n’a absolument jamais compris ce que c’était qu’une tragédie. Donc voilà, je lui dis en passant, je règle des comptes avec mon passé littéraire dans un collège pourri de Sarcelles où on m’a emmerdé avec cette catastrophe littéraire qu’était Jean Anouilh. La politeia, donc, ça n’est pas le Staat. La politeia, c’est ce qui désigne la citoyenneté, tout simplement. À la fois la citoyenneté, les citoyens, la communauté des citoyens et la constitution de la citoyenneté, c’est-à-dire les textes qui fondent, qui constituent la citoyenneté, c’est-à-dire l’individuation collective. Ce dont je vous parle sous le titre d’individuation collective, chez Platon, par exemple, ou chez Aristote, s’appelle la politeia. Et qui définit également ce qu’on appelle un droit de cité. Alors, ce droit de cité et cette politeia sont fondées sur quoi ? Sur la publication et c’est pour ça que les Romains, les Latins traduisent politeia par res publica. C’est la constitution de la sphère publique qui établit la cité comme politeia, comme processus d’individuation collective de la communauté des citoyens. Et ce qui m’importe de souligner ici, c’est que cette individuation collective s'opère à travers des critères, je reparlerai tout à l’heure des questions de critères, qui sont inséparables de l’aléthéia. La politeia grecque, qui advient dans la polis grecque, dans la cité grecque, dans la ville grecque, c’est un processus d’individuation collective fondé sur ce que j’appelle l'épreuve de la vérité. Cette épreuve de la vérité, eh bien, c’est ce qui est en train de s’écrouler en ce moment même quand on parle de post-truth era, qui a commencé en fait il y a très longtemps. Ça, je ne vais pas vous en parler dans le séminaire, mais je suis en train d’écrire un bouquin pour vous montrer que ce processus a commencé il y a très longtemps en réalité, s’annonce depuis très longtemps, mais n’est devenu patent et tangible et évident que depuis Trump, disons. C’est à la suite de l'élection de Donald Trump que le dictionnaire de Oxford a inscrit le mot « post-truth » dans son dictionnaire, donc c’est expliqué très clairement par Oxford. Ils disent que c’est à la fois Trump et le Brexit qui sont le point de bascule qui fait que le mot « post-truth » s’est imposé dans le débat public. Et j’ai appris par ma fille la semaine dernière qu’aujourd’hui l’Académie française a elle-même repris cette expression « post-vérité » dans le vocabulaire officiel de l’Académie française, dans le dictionnaire de l’Académie française. Ce genre de choses-là, pour moi, ce n’est pas du tout des anecdotes institutionnelles. Quand une institution comme une académie inscrit un mot nouveau avec une définition, c’est l’accomplissement et l’aboutissement de ce que j’appelle, en m'appuyant sur des analyses de Gilbert Simondon, un processus de transindividuation. La vérité étant elle-même un processus de transindividuation, plus exactement un critère pour les processus de transindividuation. Alors, revenons en Grèce. Le critère de l’aléthéia, qu’on appelle nous veritas en latin, qui dit, comme l'explique Heidegger, pour des raisons que je ne développerais peut-être pas aujourd’hui ne veut pas dire exactement la même chose que veritas, mais bon, peu importe, on ne va pas en parler aujourd’hui, l’institution qui met en œuvre ce critère en termes d’individuation collective, c’est-à-dire de prise de décision, car s’individuer c’est décider, par exemple, mon shetland rouge ou mon shetland bleu ? vous connaissez cette chanson ? Super chanson, j'écoute les ados depuis quelques années, mon shetland rouge ou mon shetland bleu ? c’est un peu le style France Gall. J'hésite entre mon Shetland rouge et mon Shetland bleu. Ce matin, qu’est-ce que je vais mettre ? En mettant mon Shetland rouge, je m’individue différemment que si j’avais mis mon Shetland bleu, est-ce que je m’individue différemment ou est-ce que je me désindividue différemment ? Ce que je veux dire, c’est que tous les matins, nous prenons des décisions. Par exemple, je vais mettre telle paire de chaussettes ou je vais me changer de culotte. Et tout ça, ce sont des accumulations de petites décisions qui font une journée au cours de laquelle, plus ou moins, je m’individue plus ou moins collectivement. En ce qui concerne ma toilette intime en principe je fais ça tout seul ou avec mon compagnon ou ma compagne et pour un certain nombre de choses par exemple ce séminaire, c’est absolument collectif et en principe totalement transparent. J'y insiste parce qu’on va retrouver cette question de la sphère de l’individuation intime d’une part et d’autre part de la sphère de l’individuation collective, c’est-à-dire publique, entre deux personnages extrêmement importants de la mythologie grecque qui sont Hestia et Hermès. J'y reviendrai tout à l’heure. Je ne sais pas si j’y reviendrai tout à l’heure. Il me semble que je vais y revenir tout à l’heure. Oui, je vais y revenir un peu tout à l'heure. En tout cas, ce processus qui est toujours plus ou moins un processus celé dans l’individuation collective grecque de véridiction, un mot au sens où Foucault l’a utilisé en particulier, il se produit là. Ça, c’est le bouleutérion d’une colonie grecque, c’est un des mieux conservés des monuments grecs. C’est l’institution fondatrice de la politeia. C’est là que se réunissent ceux qui représentent la cité et où ils tranchent un certain nombre d’éléments qui sont des éléments juridiques, enfin pas juridiques au sens, parce qu’il y a des tribunaux par ailleurs avec des juges, mais où ils tranchent en termes de production des lois et d’interprétation, de méta -interprétation des lois. C’est là que se prépare et que se conclut le débat public, c’est-à-dire la publication, puisque ce qui se produit dans cette institution est expliqué très clairement et en détail par Marcel Détienne dans un livre que j’ai plusieurs fois cité dans ce séminaire d’ailleurs qui s’appelle Les savoirs de l’écriture en Grèce ancienne. Quand une décision est prise dans cette institution, il y a un délai très court, 24 heures, je crois, si je me souviens bien, pour que la décision soit gravée dans le marbre aux endroits stratégiques de la cité, les portes, l’agora, etc. C’est un peu plus long qu'Internet ou que le web, mais c’est la même chose. Quand je dis que c’est la même chose, est-ce que c’est la même chose lorsqu’il faut 24 heures pour graver trois lignes ? Vous pouvez les voir, ces lignes-là. Si vous allez visiter Delphes, par exemple, vous allez voir plein d’inscriptions lapidaires de ce type qui sont pas des lois mais qui sont des formules votives adressées à des dieux, etc. Mais c’est le même processus de publication. Est-ce que c’est la même chose lorsqu’on publie quelques phrases en 24 heures et lorsqu’on est capable d’en publier des milliards de phrases à la seconde ? C’est ce qui se produit aujourd’hui. Est-ce qu’on a affaire à la même chose, vraiment ? Et est-ce que, par ailleurs, lorsqu’on grave dans le marbre qui n’est pas exactement du silicium, mais une forme très particulière de calcaire fossilisé, si je me souviens bien, et un peu cristallisé. C’est intéressant. Il faut aller voir ce que c’est que le calcaire, le marbre. Le calcaire, par exemple, c’est animal, l’origine du calcaire. Très, très important, parce qu’on dit toujours, le calcaire, c’est minéral. Oui, c’est minéral, mais sans la vie, il n 'y a pas de calcaire. Je vous dis ça parce qu’on travaille aujourd’hui avec des catégories complètement figées, la physique, il y a quelqu’un qui est bien plus calé que moi pour parler de ça et que tu me corrigeras, je parle de Maël qui est ici présent, je le citerai tout à l’heure d’ailleurs, je te le dis pour que tu ne rougisses pas trop, la physique d’un côté, la biologie, les mathématiques, on ne peut pas séparer les choses comme ça. Quand on étudie, par exemple, le bassin parisien avec sa cuvette de calcaire, c’est un processus d’accumulation animale, en fait. Ce sont des dépôts, ce sont des dépôts de coquillages, en particulier, qui constituent ce calcaire. Je dis ça parce que ces questions de matériologie fondamentale sont extrêmement importantes. Quand on grave dans le marbre avec un burin, c’est pas du tout la même chose que quand on grave dans le silicium avec des techniques microélectronique, c’est-à-dire au millionième de mètre. Et c’est encore tout à fait différent quand on grave, quand on nanostructure au milliardième de mètre et à des échelles qui sont aussi des milliardièmes de secondes, etc. Et ça, c’est complètement négligé. C’est pour ça qu’il faut se méfier énormément des généralisations hâtives. Il faut toujours décrire la matériologie des choses. Il y a une matériologie de la politeia grecque qui est le marbre, pas seulement le marbre bien entendu, mais en particulier le marbre, c’est aussi le papyrus, le calame, c’est-à-dire le roseau qui permet de prendre de l’encre, c’est-à-dire une production animale là aussi, du poulpe, etc. Et ça crée des circuits de transindividuation qui fonctionnent à 24 heures. Voilà, 24 heures en gros pour accomplir un circuit dans la transindividuation collective. Et à l’échelle d’une cité qui fait à peu près 350 000 habitants et à peu près 40 000 citoyens, si je me souviens bien des chiffres de Vidal-Naquet. Alors que nous aujourd’hui, nous vivons à une échelle dont vous verrez tout à l'heure qu’elle est non seulement exosomatique mais exosphérique et qui fait que Trump peut nous inonder de ses merdes en permanence et à la vitesse de la lumière ou presque, ce qui évidemment n’est pas sans effet sur la Chine, la Corée du Nord et nos pauvres psychismes complètement délabrés.

Alors, le bouleutérion, c’est la condition primordiale du milieu urbain politique c’est-à-dire grec, qui est le début de notre procédé d’individuation fondé sur une certaine définition de l’aléthéia, c’est-à-dire ce que nous appelons la vérité, mais ça commence bien avant les Grecs, l’urbanité. Bien avant la cité grecque, il y a d’autres formes urbaines, par exemple celle-ci, qui sont des formes urbaines, ça c’est en Anatolie, c’est-à-dire que ce n’est pas très loin de la Grèce. Ce sont des fouilles qui ont été menées d’ailleurs par un ami qui s’appelle Jean-Paul Demoule, grand connaisseur de ces espaces-là. Mais avant tout cela, il y a aussi ce que Karl Wittfogel appelait les grands empires orientaux, dans Le despotisme oriental, et auxquels il faudrait consacrer du temps, je n’ai pas le temps de le faire, mais pour travailler sérieusement sur le projet d’urbanité numérique, de Plaine Commune, avec le PIA, c’est-à-dire avec Vinci, la Société Générale, EDF, etc., etc., eh bien il faut revenir sur l'histoire de l’urbanisation, sinon on se fout du monde. L 'histoire de l’urbanisation, voilà, par exemple, Fittvogel en est un des interprètes, d’ailleurs controversé, moi je penche plutôt pour lui, mais il y a des gens qui le contestent beaucoup. Plus récemment, je vous recommande par exemple d’aller voir ce texte de Corinne Castel qui est une archéologue qui s’est penchée très récemment sur les villes. Qu’est-ce qu’on appelle les villes du point de vue de l’archéologie aujourd’hui au XXIe siècle ? Si je vous fais ces propositions aujourd’hui, c’est parce que je pense qu’il faut relire ce qu'Henri Lefebvre dit ici dans ce texte. Malheureusement l'écran n’est pas très grand, donc vous avez sûrement un peu de mal à lire. C’est un test qui a été mis en ligne, d’ailleurs, par Giacomo, ici présent, sur un site qui est le site d’annotation contributive. Et donc, moi, je vais travailler sur un support papier et tout ça. Mais là, ce que je vous montre, c’est mes prises de notes partagées avec d’autres chercheurs dans la Recherche contributive pour commenter ce passage du Droit à la ville. Sachant que cette plateforme que je vous présente là, juste en passant, préfigure une plateforme qu’on veut développer en grand, sur Plaine Commune avec Orange, comme étant un nouveau type de web, un web que nous appelons néguanthropique et herméneutique et auquel on peut accéder à travers ce que nous appelons un réseau social délibératif. Ça c’est le projet du PIA aussi, nous disons l’urbanité numérique doit reposer sur une plateforme qui est basée sur un vrai web, parce qu’aujourd’hui le web n’est plus le web, il a été détruit le web et ce vrai web, c’est un web qui cultive la néguanthropie, ce qui était le but de départ de Tim Berners-Lee au CERN, c’était de créer des controverses scientifiques et de les rendre publiques, c’est-à-dire de faire fonctionner la veritas, l’aléthéia scientifique dans les meilleures conditions de publication possibles. Ça c’était le projet au départ des physiciens du CERN. Et puis ça a été totalement dénaturé par la data-économie qui en a fait un système de captation de données qui conduit en fait à la Smart city, qui est en fait Stupid city, bien sûr. C’est une cité qui prive les citoyens de toute intelligence collective, de toute individuation collective, c’est-à-dire de toute capacité à prendre des décisions, à les débattre, à les délibérer, etc. Et donc à rester dans le droit. Ce que je vous dis là, c’est la condition du droit. Ce qu’on appelle le droit, c’est ce qui suppose ces garanties de procédural, de débat, etc. qui aujourd’hui sont absolument désintégrés par la data-économie. Et Trump ne surgit que dans ce contexte-là. Il n’aurait pas pu surgir autrement. Alors, Henri Lefebvre écrit donc que la philosophie, dans ce passage-là que je commente, si vous voulez le voir dans le livre qui s’appelle Le droit à la ville, c’est le début du deuxième chapitre, je crois, il dit que la philosophie est d’abord une philosophie de la ville. Il dit que la philosophie, ça naît en ville, dans la ville grecque, en particulier à Athènes. Alors je dis en particulier à Athènes, mais en même temps c’est quand même très important de noter que la proto -philosophie qu’on appelle les présocratiques ne nait précisément pas à Athènes, mais dans les colonies. Et pourquoi ? Parce que dans les colonies il faut créer des constitutions. Le Bouleutérion que je vous ai montré tout à l'heure d’ailleurs c’est en Ionie, ce n’est pas dans le Péloponnèse. Il faut créer des constitutions et vous avez dans ces colonies de colonisateurs, des personnages extraordinaires comme Thalès, premier géomètre, premier juriste, premier philosophe, disons premier physiologue plus exactement, et poète, car ils sont tous poètes. Et pourquoi sont-ils tous poètes ? Parce que l'écriture vient d’arriver, un petit peu comme le Web n’est arrivé qu’il y a 30 ans. 30 ans ? Non, pas 30 ans. Si, 25 ans. Si, 30 ans, presque 30 ans. 29 ans, 1999. Et le Web, il y a encore plein de gens qui ne l’ont pas intégré du tout. D’ailleurs, il s’est désintégré depuis qu’il est arrivé en plus. Bon. Mais ce que je veux dire par là, c’est qu’au moment où Thalès, dont Nietzsche, d’ailleurs, disait à tort qu’il n’écrivait pas, ce n’est pas vrai, Thalès écrivait, mais Thalès n’a pas laissé d’écrit. Ce n’est pas la même chose. Husserl a montré pourquoi Thalès écrivait. Sans pratique de l’écriture, il n 'y a pas de géométrie possible. En tout cas, d’après Husserl. Thalès, c’est un géomètre, comme tout le monde le sait. A l'époque de Thalès, 7e siècle, l'écriture vient d’arriver. L 'écriture accessible à tous vient d’arriver. Et d’ailleurs, si vous lisez Hésiode, Les travaux et les jours, vous verrez que ce n’est pas de la tarte. Hésiode est une victime de l’avènement de l’écriture. C’est ce qu’il dit. Il dit, je suis lésé par mon frère Persès, qui m'a volé mon lopin de terre. Je suis allé voir Dikè, la déesse, mais le juge qui pratique la justice profane de la politeia, c’est-à-dire du droit écrit, la loi écrite dont parle aussi Antigone, a donné raison à Persès. Donc voilà, Hésiode, qui est un grand poète, qui écrit d’ailleurs, mais qui vient de la tradition qu’on appelle orale, parce qu’elle est encore toute présente, exprime sa souffrance de l’écriture, de l’écriture alphabétique. Si je dis cela, c’est parce que la raison pour laquelle il peut y avoir des constitutions qui vont s’écrire à Milène, à Éphèse, etc., avec ces personnages qui sont juristes, législateurs plus exactement, géomètres et physiologues et aussi poètes, c’est parce qu’à cette époque-là, la poésie c’est une mnémotechnique. On pratique la poésie pour mémoriser. Et la poésie c’est une forme d’hypomnèse, c’est ce que dit Platon. C’est ce dont il accusait les poètes, d’ailleurs, de pratiquer une technique hypomnésique. Et c’est à ce titre-là, notamment, pas seulement, mais un des motifs pour lesquels il dit au chapitre 3 de La République, comme vous savez, « les poètes dehors ». Dehors, ça veut dire ils n’ont pas voix au chapitre. Ce n’est pas eux qui doivent parler pour la cité. C’est dans un contexte de crise, entre ces traditions orales, traditions écrites et sophistiques, qui surgit de la tradition écrite tout en pratiquant la tradition orale, c’est-à-dire la rhétorique, enfin une certaine tradition orale, rhétorique, qu’émerge de la philosophie dans la ville, dont Lefebvre nous dit donc qu’elle est toujours une philosophie de la ville. C’est-à-dire, qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce qu’il veut dire en disant une philosophie de la ville ? Je ne sais pas si lui-même s’en rend compte mais en tout cas moi je soutiens que ce qu’il veut dire, peut-être sans bien le comprendre, c’est que c’est une philosophie d’un nouveau régime d’individuation politique. On ne s’individue pas dans une ville de 300 000 habitants, comme Athènes, comme on s’individue dans un village tribal. Par exemple, la forme d 'organisation tribale du Mali, par exemple. Je parle du Mali, bien entendu, d’avant la colonisation et même d’avant la colonisation islamique, puisque la première colonisation du Mali, c’est par l’islam. Et si j'insiste sur ce point, ce point, c’est pour dire quoi ? C’est pour dire, ce que je vais essayer de développer plus en profondeur avec Jean-Pierre Vernant, puisque je vais maintenant commencer à essayer de lire Lefebvre avec Vernant et en reprochant à Lefebvre de ne pas avoir lu Vernant. Ce qui est dommageable, parce qu’il a publié son livre deux ans après le livre Mythe et pensée chez les Grecs, donc il connaissait en plus très bien Vernant, personnellement. Il ne le cite pas, je trouve ça bizarre et difficilement acceptable. Mais en tout cas, ce que va nous montrer Vernant, c’est que l’individuation collective est toujours conditionnée par un processus de spatialisation, d’un espace de vie commun qui peut être villageois, urbain, conurbain, métropolitain, au sens d’une métropolisation qui va changer de sens d’ailleurs à travers le temps, industrielle, religieuse. Toute une partie de l’urbanisation en Occident, en Italie en particulier, est religieuse, etc.

Je voudrais introduire une remarque ici et donc Jean-Pierre Vernant en disant que, et là vous verrez que j'enchaîne sur le séminaire de l’an passé, en tout cas pour ceux qui avaient suivi ce séminaire. Ceux qui n’ont pas suivi et qui voudraient le suivre, il est en ligne, donc ce n’est pas très compliqué, même s’il n’y a pas les images dessus. Les images n’ont pas été montées malheureusement. Ici donc, et je l’ai dit pour enchaîner sur l’an passé, il faut bien avoir en vue que la question de la politeia comme régime d’individuation collective dans la polis doit être pensée par les philosophes, et avant eux par les présocratiques qu’on appelle les physiologues ou les nomothètes dans le cosmos c’est-à-dire qu’en aucun cas un philosophe type Platon par exemple, Aristote ou un présocratique par exemple Anaximandre, ne peut penser la cité indépendamment du cosmos et du cosmos à travers ses couches, la couche sublunaire donc qui est la couche du monde corruptible pour Aristote et puis la couche au-delà de la lune qui est la couche qu’il appelle la sphère des fixes et qui est la sphère des dieux. Chez les philosophes, ce n’est peut-être pas si simple que ça de dire que c’est la sphère des dieux, mais chez les grecs pieux, qui ne pratiquent pas la philosophie, c’est absolument évident. Comme chez les Egyptiens, comme chez les Chinois, comme dans toutes les sociétés à cette époque-là, les étoiles sont des dieux, sont des manifestations sensibles bien que suprasensibles. Qu’est-ce que ça veut dire, sensibles bien que suprasensibles ? Ça, c’est la spectralité dont Derrida a parlé à propos de Hamlet. C’est-à-dire que c’est sensible puisque vous le voyez, donc c’est avec l'œil que vous êtes affecté, donc c’est bien sensible, mais vous ne pouvez pas le toucher, donc ce n’est pas vraiment sensible, c’est suprasensible. C’est à la fois sensible parce que perceptible, intuitive, « intuitable » et en même temps pas vraiment sensible parce que vous ne pouvez rien y faire. Aristote dit c’est impassible, vous ne pouvez rien lui faire. Aristote dit c’est Dieu. Ce à quoi vous êtes sensible, c’est-à-dire qu’il vous met en mouvement, ça c’est dans le Traité de l'âme, mais qu’en même temps vous ne pouvez pas toucher, qui est insensible à tout ce que vous pouvez faire, c’est ce qu’il appelle le premier moteur immobile. C’est-à-dire Dieu. Et ça se manifeste d’abord dans toutes ces cultures de cette époque. À la même époque, en Chine, c’est l’époque de Confucius. Et il y a beaucoup de choses très, très proches en Chine de ce qui se passe en Grèce. C’est très, très impressionnant. Les convergences synchroniques sont étranges, quand même. Tout ça, donc, c’est l’environnement cosmique, au sein duquel il est possible de penser le nomos. Puisque, qu’est-ce que c’est que le cosmos ? C’est ce qui constitue la physis et le nomos. Et comme j’avais essayé de le dire l’an passé, le cosmos est toujours déjà divisé en trois couches, trois échelles. Le cosmos en totalité. Cosmos, ça veut dire totalité. Ça veut dire, en fait, arrangement. Ça veut dire parure aussi, comme dit Jean Beaufret. C’est-à-dire apparition et beauté de l’apparition, mais ça veut dire aussi macrocosme et microcosme. Par exemple, le sublunaire est le macrocosme de la cité, et la cité est le macrocosme du foyer, etc. C’est-à-dire que c’est toujours des enchâssements de niveaux à trois niveaux, cosmos, macrocosmos, microcosmos. Ça, c’est ce que décrit Vernant dans ce texte-là. Je ne vais pas vous le commenter maintenant, je ne suis pas sûr que vous arriviez bien à lire, mais je vous recommande de le lire si vous ne l’avez jamais lu. C’est indispensable de lire ce texte-là. C’est donc Mythe et pensée chez les Grecs. Et c’est là que Vernant va nous donner à penser ce qu’est le processus d’individuation collective de la politeia, il n’emploie pas le mot « individuation collective » bien entendu, il ne connaissait pas Simondon et donc c’est moi qui projette cela. Mais il nous montre dans ce texte-là et pas mal d’autres pages, j’en présenterai d’autres tout à l’heure, que ce processus d’individuation collective, c’est aussi ce qui produit une distinction entre le cosmos et le nomos, qui dans les sociétés magiques, par exemple, n’est pas du tout aussi simple que ça. Les sociétés magiques où la nature est une surnature, il n 'y a pas une coupure comme ça nette entre la nature et la surnature. En revanche, si vous allez au Japon, par exemple, c’est tout à fait différent, si vous allez à Kyoto ou partout au Japon d’ailleurs, vous avez la forêt où il ne faut pas aller, où il y a les esprits et tout ça, vous avez la cité et puis vous avez le reste du cosmos. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes organisations. Mais en même temps, on trouve des récurrences formelles, morphogénétiques, toujours très frappantes. Des indiens Nambikwara jusqu’au Japon ultramoderne ou archimoderne en passant par les favelas de Rio, tout ce qu’on veut, il y a des choses qui se maintiennent et c’est toujours assez stupéfiant et presque rassurant quand même. Quoi qu’il en soit, la différenciation entre cosmos et nomos, nous dit Vernant, s’accomplit avec l’individuation psychosociale de la politeia et à travers les présocratiques, on n’est pas encore chez les philosophes là, comme une cosmologie sans Dieu. C’est-à-dire que subitement, ce qui va d’ailleurs provoquer un certain nombre de procès, et même de condamnations à mort, dont celle de Socrate, parce que la condamnation de Socrate s’inscrit dans une longue histoire, qui a été assez bien racontée par Eric Robertson Dodds que je cite très souvent dans le livre qui s’appelle Les Grecs et l’irrationnel, il y a une très grosse crise morale, sociale, religieuse, de piété dans la cité grecque qui engendre des guerres civiles, des procès, des assassinats en grand nombre dont on ne parle d’ailleurs presque jamais alors que c’est incompréhensible ce qui se passe dans la philosophie grecque s’il n 'y a pas, si on n’a pas en tête ces conflits sociaux extrêmement violents qui sont aussi des conflits économiques d’ailleurs, des crises économiques, il y a aussi une crise monétaire par exemple, dont Vidal-Naquet a parlé. Tout ça est lié aussi au fait qu’il y a un changement paradigmatique dans les représentations collectives, dans ce que Ignace Meyerson appelle la psychologie sociale des grecs, qui est que la cosmologie commence à se présenter comme une cosmologie sans dieux. Et comme vous le savez bien, c’est là qu’on cite Xénophane, qui dit, voilà, si les bœufs avaient des dieux, leurs dieux ressembleraient à des bœufs Fragments DK, B 16 et 15, 18, 35 et 34↩︎. Et qui commence à mettre en doute, disons, la mythologie, quoi. Pour le dire un peu sommairement, parce que c’est peut-être un peu plus compliqué que ça, mais bon. Dans ce processus de... ce que Vernant décrit comme un devenir profane de la cité. Qu’est-ce que ça veut dire profane ? Ça veut dire public. Profane, ça veut dire hors du temple, c’est-à-dire accessible à tous, non secret. Dans ce devenir public, c’est-à-dire non secret, de la cosmologie, une cosmologie sans Dieu, advient la géométrie, le commerce, la monnaie, la transformation des tribus en dèmes, etc. Donc un énorme processus de transformation. Et qu’il faut, pour le comprendre, pour essayer de le reconstituer, qu’il faut analyser en mobilisant toutes sortes de ressources. Jean-Pierre Vernant, à mon avis, en premier, Vidal-Naquet en deuxième mais d’innombrables autres contributeurs, comme par exemple Walter Otto et tant d’autres, et Heidegger d’ailleurs, et Nietzsche bien sûr. Cette transformation dont je vous parle là, c’est ce qui est décrit ici, dans cette autre, c’est page 116, autre extrait de Mythe et pensée chez les Grecs, descriptions par Vernant qui montrent aussi que c’est sur ces bases qu’apparaissent la calendarité, la nouvelle calendarité des Grecs, où il y a un calendrier civique qui est mis en place et qui s’autonomise par rapport à la calendarité de la piété. Mais aussi, j’ai déjà parlé de la monnaie et du commerce, la calendarité est nécessaire aussi à la stabilisation de la monnaie et du commerce, le commerce au sens très large d’ailleurs, pas simplement les échanges entre commerçants, mais les échanges entre cités qui ne sont pas simplement des échanges commerciaux au sens habituel du terme, mais par exemple, les échanges qui se font à travers Gorgias qui arrive à Athènes, qui vient de je ne sais pas où, etc. C’est-à-dire les contaminations et l’élargissement du processus de transindividuation qui va faire qu’à un moment donné les Athéniens vont vouloir faire une grande Grèce, vont rentrer en guerre avec Sparte, etc. Tout ça engendre aussi une nouvelle cardinalité, c’est-à-dire une nouvelle capacité d 'orientation qui passe évidemment par des cartes et toutes sortes de choses dont j’aurais bien aimé vous parler en profondeur. J’avais pas mal travaillé là-dessus il y a quelques années avec Christian Jacob, il y a même 30 ans. Je ne vais pas le faire. Mais par contre, ce que je voudrais souligner juste là maintenant, c’est deux choses. Ceci suppose la géométrie. C’est ce que dit Vernant ici. Il dit que c’est parce que Anaximandre, par exemple, est cosmologue et géomètre qu’il peut penser la cité comme il la pense. Et comment est-ce qu’il la pense ? Et bien un peu comme les mecs qui ont créé Manhattan au XIXe siècle, dans l’estuaire de l’Hudson. New-York autrement dit. Tous les gens qui sont allés à Manhattan sont frappés par la géométrisation de l’espaces absolument incroyable, comparé à Paris ou encore plus à Rome, c’est totalement... Eh bien, en fait, ça commence avec Anaximandre. Et c’est une certaine manière de casser des logiques spatiales, des logiques temporelles, de la même manière que selon Clisthène casse les tribus en imposant les dèmes, y compris par des mesures spatiales, d’ailleurs, Anaximandre constitue une espèce d’urbanité géométrique dont parle Vernant ici. Ça c’est le premier point que je voulais souligner. Et le deuxième point c’est que ceci n’est possible que dans la mesure où, comme c’est dit ici, il y a la constitution, c’est tout à fait à la fin de la page ici, de l’écriture. Sans l’écriture, d’une certaine manière ici, Vernant dit un petit peu ce que dit Husserl, mais pour des raisons très différentes de Husserl, il ne peut pas y avoir cette géométrie, il ne peut pas y avoir cette politeia, il ne peut pas y avoir la publication du droit, etc. Et ce n’est pas n'importe quelle forme d’écriture, c’est l’écriture alphabétique, c’est-à-dire lisible par tous les citoyens. Donc on peut apprendre en 10 ans, et il faut 10 ans pour produire un esprit lettré, quand je dis un esprit lettré, ça ne veut pas dire quelqu’un qui a une culture lettrée, mais ça veut dire quelqu’un qui pense en lettres et dont tous les processus mentaux sont inscrits dans la littération. Ce n’est pas le cas des chinois encore aujourd’hui. Les chinois, ils ne pensent pas d’abord en lettres. Ils pensent d’abord en idéogramme et ce n’est pas le même type de fonctionnement mental. Et je le redis, je l’ai déjà dit 50 000 fois, mais il faut le dire à chaque fois. Ce n’est pas la question du tout de savoir si le chinois est supérieur à l’occidental ou l’inverse. Ça ne se pose pas du tout dans ces termes-là. Ce sont des diversités micro- et macro-cosmiques. En aucun cas, par exemple, les Nambikwara sont inférieurs ou supérieurs aux esquimaux, qui seraient inférieurs ou supérieurs aux indiens d’Alaska, qui seraient inférieurs ou supérieurs aux colons européens qui sont arrivés à en Amérique du Nord. Ce sont des modes de vie qui changent. J’appelle ça de la noodiversité. C’est aussi ridicule de dire qu’un Nambikwara est supérieur ou inférieur à je ne sais pas quoi que de dire que l’escargot est supérieur à la limace. Complètement idiot. Ce sont des processus de diversification et qui relèvent de ce que j’appelle la néguanthropie avec un a et un h. Et ce que nous regardons là dans les processus d’urbanisation relève aussi ce genre de questions. Sachant que là, ce que j’essaie de vous rendre sensible, c’est que ces processus-là sont surdéterminés par ce que j’ai décrit l’année dernière et dans les séminaires précédents comme étant un processus de grammatisation. La grammatisation littérale, c’est-à-dire la discrétisation progressive de tous les énoncés verbaux en 26 signes, dans la Grèce ancienne, je ne sais plus combien de signes dans l’hébreu, enfin c’est dans l’écriture des hébreux, mais c’est à peu près sensiblement la même chose, l’écriture de l’arabe également, c’est le fait que, au processus de constitution d’un exorganisme complexe parce que, vous vous souvenez, c’est ce que j’avais dit dans la première séance, que ce que je suis en train de décrire là, via l’individuation collective, c’est en fait la production de ce que j’ai appelé l’année dernière un exorganisme complexe. Et ce que j’essaye de faire ici, c’est de l’exorganologie, c’est-à-dire comprendre comment les exorganismes complexes peuvent se maintenir et non pas se désintégrer, ce qu’ils ont tendance à faire en ce moment. Donc il y a une crise des exorganismes complexes en ce moment, à mon avis. J 'essaie de vous montrer là que les exorganismes complexes qui apparaissent en tout cas après la néolithisation, après le néolithique, donc les ruines que je vous montrais tout à l’heure, les grands empires de Wittfogel etc. sont surdéterminés par des processus de grammatisation. Qu’est-ce que c’est que ces processus de grammatisation ? Ce sont des processus d’archivation. Ce sur quoi d’ailleurs va insister Henri Lefebvre. Il va dire qu’une ville c’est avant tout une centralisation d’archives. Et l’archive, comme vous le savez évidemment, ça vient d’archè, ça renvoie à l’ancien, etc. Et ça désigne aussi le principe. Donc l’accumulation archivistique qui se produit en ville et qui se produit en ville sur les murs même de la ville, puisque les archives d’Athènes par exemple, de l’Athènes ancienne, sont gravées dans le marbre sur les murs de la ville. C’est la ville qui est elle-même un support d’archivation. Ça, c’est le développement de ce que j’appelle un système mnémotechnique qui accompagne le processus d’exosomatisation et de constitution des exorganismes complexes. Et au stade de la cité grecque dont nous parlons là, ce processus de grammatisation, c’est celui de ce que j’ai appelé la rétention tertiaire et hypomnésique littérale, qui désigne ce que Derrida appelait autrefois l’écriture au sens courant. Et on avait une discussion hier avec Mauricio Ferraris, ici présent, dans le cadre de son séminaire sur Derrida. Un des points que je trouve dommageable chez Derrida, c’est de... parce qu’il a, à juste titre, dit qu’il faut penser l’écriture avec un autre concept que le concept d’écriture au sens courant, ce qu’il a appelé l’archi-écriture, l’archi-trace, etc. Du coup, il ne s’est pas intéressé à l’écriture sous ses formes courantes. Et ça, c’est très, très dommage. Ça, c’est ce qu’on appelle la rétention tertiaire. On ne peut pas se désintéresser de l’écriture au sens courant, qui évolue. Et les évolutions, elles produisent des choses pas courantes du tout, qui ne sont pas transcendantales mais qui sont ce que Derrida appelait « métempiriques ». Et donc, il y a une grande faille dans la tradition derridienne qu’il faut essayer de combler et personnellement, j’essaye de le faire, justement, depuis pas mal d’années.

Alors, la grammatisation littérale, avec ses effets, que j’essaye de décrire là sommairement, eh bien c’est ce qui enchaîne sur la communauté des poètes et des devins. Et ça c’est ce que décrit Vernant dans les chapitres 1 et 2 de Mythe et pensée chez les Grecs. Pourquoi ? Parce qu’avant l’apparition de l’écriture, les gens qui détiennent la mémoire, et évidemment Vernant dit c’est pareil par exemple... dans la société turque ancienne, c’est pareil chez les bardes celtiques, c’est pareil chez les griots africains, etc. Ce sont des griots, par exemple, en Afrique, des aèdes, on les appelle comme ça en Grèce ancienne, Homère, par exemple, et ce sont ceux qui transmettent la mémoire, qui ne se grave pas encore à cette époque-là. Elle peut se sculpter dans des œuvres monumentales, Elle peut se peindre, mais elle ne se graffe pas encore sous une forme verbale, translittérée, à travers l’écriture alphabétique. Donc, ce sont des individus vivants qui sont formés dans des écoles d’ailleurs, qui ont été décrites par pas mal de monde. C’est là qu’ils parlent, là. C’est page 178, qui sont les transmetteurs de quelque chose qui reste de l’ordre fondamentalement du mystère et du secret. C’est pour ça que ce sont des devins, très souvent. Tandis qu’à partir du moment où la Res publica, la politeia va se développer à travers la publication à la lettre, c’est ça la Res publica, c’est la publication à la lettre, eh bien toute cette dimension divinatoire et mystagogique de la mémoire collective va devenir profane. Et non seulement cela, mais elle va devenir objet de transmission, d’enseignement, non plus d’initiation seulement, mais d’enseignement, y compris de la géométrie, des sciences, Et ça m 'a donné le scholeion, l'école de formation des devins, ce n’était absolument pas accessible à tout le monde. C'était des gens d’exception qui étaient dans ces communautés. Je vous recommande de regarder un film bien connu que vous avez peut-être vu qui s’appelle Yol. C’est un film qui a été fait en prison d’ailleurs par un détenu politique dans les années 70 en Turquie, victime de la dictature des généraux turcs. Il a fait ce film par correspondance avec l’aide de son frère ou je ne sais plus qui. C’est Güney qu’il s’appelle, l’auteur qui a eu d’ailleurs le prix du festival de Cannes. Et qu’est-ce qu’il montre dans ce film ? Des devins d’Anatolie, des poètes qui sont aveugles. C’est-à-dire qu’en Turquie moderne, encore dans l’année 70, vous pouviez trouver des gens qui étaient encore des figures homériques. Ce qui était absolument extraordinaire. Je signale que l’Anatolie, c’est Troie. C’est en Anatolie que se trouve Troie et que se déroule la guerre de Troie. Et c’est absolument stupéfiant de voir comment, au XXe siècle, on a des gens qui sont encore, qui correspondent à ce que décrivent Vernant et Vendries surtout, parce que c’était Vendries qui était le grand spécialiste de cette question, à savoir la transmission de la mémoire par les aveugles. Parce qu’en principe, pas toujours, mais en principe, ces grands poètes, aèdes, sont des aveugles. Et c’est parce qu’ils ne voient pas qu’ils ont accès à une autre vue, ils voient l’invisible, comme dit Vernant. Et à travers, évidemment, une mise en état second par la possession que provoque la récitation du catalogue, avec d’ailleurs des mouvements, etc. Un petit peu comme on le voit aussi dans la pratique juive de l’interprétation de la Bible, etc. Et ça, c’est très précisément décrit par Vendries. Et c’est aussi le sujet du dialogue Ion où, vous savez qu’à un moment donné, Socrate parle avec Ion de l’état d’enthousiasme du poète, du rhapsode. Le rhapsode ne peut pas donner accès au texte qu’il transmet s’il ne rentre pas dans un état second. Et cet état second, dit Socrate, est magnétique, c’est-à-dire qu’il magnétise le public, il est contagieux, il met le public, son auditoire, dans un état second lui-même, etc. Tout ça, ce sont des questions qui renvoient à des histoires, des questions d’anthropologie qu’il faudrait discuter. Il y a 12 ou 13 ans ici, Abbas Kiarostami a organisé au Centre Pompidou, j’en étais le partenaire à cette époque-là, ce qu’on appelle un ta’ziyeh, c’est un rituel iranien qui ressemble à des choses comme ça et où on vous fait pleurer collectivement. Moi j’ai pleuré pendant deux heures sur la scène de la grande salle du Centre Pompidou et ça fait un bien du tonnerre. C’est une pratique qui participe de la possession dont je viens de vous parler. Dans toutes les civilisations il y a ce genre de choses. Alors ça c’est ce qui va être progressivement, je ne vais pas dire abandonné ou oublié, mais qui va muter fondamentalement entre le 7e et le 6e siècle avant Jésus -Christ, y compris d’ailleurs avec la transformation du rituel dionysiaque en théâtre, par exemple, et qui va faire que le théâtre va être la deuxième grande institution politique. A côté du Bouleutérion, il y a le théâtre. Et le théâtre, ce n’est pas l’espace du ministère de la Culture, de Malraux ou de je ne sais qui, non, c’est le soin thérapeutique de la politeia, comme c’est très bien dit d’ailleurs par Aristote. Ce qui domine ces institutions et ces pratiques d’individuation collective, à partir de là, c’est l’expression de l’aléthéia qui s’entend un peu différemment de ce que, par exemple, Ion, le poète ou le rhapsode entendait par aléthéia. Cette grande transformation du sens du mot aléthéia parce que aléthéia et léthé, ça date d’Homère, donc le léthé, Homère en parle, donc ça date bien avant ce dont je vous parle, c’est le IXe siècle avant Jésus-Christ, si on peut se mettre d’accord sur une datation d’Homère, parce qu’il n 'y a pas d’accord aujourd’hui sur cette datation. Mais en gros, c’est de toute façon entre le Xe et le VIIIe siècle avant Jésus-Christ, je pense que personne ne le contestera, Le rapport à léthé, c’est-à-dire à l’oubli et donc à la vérité, aléthéia, ce processus-là va muter parce que les processus de mnémotechnique vont muter. Et donc la mnémotechnique ne va plus être le processus de la possession par la répétition du catalogue, etc., d’un poète ou d’un devin qui va entrer en trance, en fait comme dans la plupart des sociétés avant l’Occident, d’ailleurs. Non, ça va devenir un exercice d’administration de la preuve. Par quoi ? Par les preuves apodictiques, c’est-à-dire non contradictoires, donnant accès à ce que Descartes appellera l’évidence, et Heidegger insistera sur le fait que dans l’évidence, il y a videre, c’est-à-dire une expérience du voir. C’est une double vue, mais ce n’est plus la double vue des devins, c’est la double vue des mathématiciens qui voient l’invisible. Pourquoi est-ce que c’est l’invisible ? Parce que ça ne se touche pas. Le point géométrique, vous ne le rattraperez jamais. Il n’existe pas, en fait. Et c’est ce que Platon va appeler une idéalité. Alors, c’est dans ce contexte-là que la géométrie vient au cœur de la politeia, donc de l’urbanisme, au sens occidental du mot, et c’est ce dont il nous faut prendre la mesure et c’est très difficile d’en prendre la mesure, à vrai dire. Commençons ici par essayer de prendre la mesure et aussi la démesure, car dans une mesure il y a toujours une démesure, c’est la limite de la mesure, y compris au sens où Brillouin a parlé de la mesure et de ses limites. Essayons de prendre la mesure et la démesure de ce que dit Jean-Pierre Vernant, qui est ici plus que jamais l’héritier de Ignace Meyerson, qui était son maître, Ignace Meyerson, qui était d’ailleurs le neveu d'Émile Meyerson, célèbre épistémologue. Et Ignace Meyerson était lui-même psychologue, mais un psychologue très particulier, qui avait développé une psychologie sociale, qui est en fait totalement la méthode de travail de Vernant, dans ce texte-là Les fonctions psychologiques et les œuvres Ignace Meyerson Albin Michel↩︎, que je vous recommande de lire, qui est très intéressant. Si vous voulez vous pencher un peu sur Ignace Meyerson, ce livre se lit assez rapidement. Il peut avoir l’air pas très... assez aisé à lire, etc. Il faut se méfier parce que je pense qu’en fait, il s’exprime dans un langage fort simple, mais à mon avis, il mérite pas mal de méditation. Si vous avez envie d'y entrer rapidement, d’en avoir une espèce de survol, eh bien, allez voir cet article-là, par exemple, de Fruteau de Laclos https://shs.cairn.info/revue-histoire-des-sciences-humaines-2007-2-page-119?lang=fr↩︎, qui, voilà, fait une espèce de « review » comme on dit, de la publication de Meyerson. Elle est parue il n'y a pas très longtemps. C’est une réédition en 2010, je crois. Qu’est-ce qui m’intéresse là-dedans ? Premièrement que Meyerson est le maître de Vernant et que c’est sur Vernant que je m'appuie ici pour lire et critiquer Lefebvre en fait et donc réfléchir à ce que c’est que l’urbanisation ou l’inurbanisation numérique ou l’inurbanité numérique que par exemple engendre les smart cities ou que pourraient engendrer les smart cities. Je vais très vite là, on y reviendra évidemment plus tard. Donc Meyerson m’intéresse parce qu’il fournit à Jean-Pierre Vernant ses principes d’analyse, mais il m’intéresse aussi par lui-même parce qu’il met la notion de fonction, comme c’est souligné ici d’ailleurs, œuvre, fonction et société dans « psychologie historique » d’Ignace Meyerson par Fruteau de Laclos, il met le concept de fonction au cœur de ses analyses. Et Meyerson regarde ce qu’il appelle la psychologie sociale, c’est-à-dire une psychologie qui n’est pas détachable sur l’espace collectif, autrement dit une psychologie comme individuation psychique qui est inséparable d’une individuation collective et donc il est très proche de Simondon ici. Il ne le connaît pas puisqu’à l’époque où il donne ses leçons, Simondon est encore en culottes courtes. Donc, c’est une espèce d’anticipation. Enfin, pas tout à fait en culottes courtes, mais presque. Il doit être 30 ou 40 ans plus vieux que Simondon. Et donc, qu’est-ce qu’il dit Meyerson ? Il dit qu’il y a des fonctions dans les procédés d’individuation. Évidemment, moi, ça m’intéresse énormément parce que ce que j’appelle l’exorganologie, c’est l’étude des fonctions des exorganismes complexes. Pour moi, un exorganisme complexe, c’est un système C’est un système dynamique et dans tout système dynamique il y a ce qu’on appelle des fonctions. Et comme dans un organisme par exemple, un organisme est défini par des fonctions. Et je pense qu’il faut avoir aujourd’hui une approche que j’appelle néo-fonctionnaliste, libérée du fonctionnalisme, je veux dire, pour aller très vite, américain, disons, behavioriste, cognitiviste, etc. qui pour moi est un très mauvais fonctionnalisme. Mais par contre, il faut revendiquer le fonctionnalisme, bien sûr. Parce qu’une cité grecque, ça fonctionne, par exemple. Et puis ça dysfonctionne, et à un moment donné, ça disparaît. Donc si ça ne fonctionne plus, ça disparaît, et donc si le problème des cités grecques, ou autres, des cités en général, et des collectifs de vie en général, c’est qu’ils disparaissent, ce qu’on peut appeler la décadence, l’effondrement au sens de Gerald Diamond et tout ça, eh bien, il faut comprendre, pour comprendre comment ils peuvent dysfonctionner, il faut comprendre quelles en sont les fonctions. C’est parce qu’il y a des contradictions fonctionnelles que les systèmes peuvent se mettre à dysfonctionner. Chez Meyerson, le point de départ extrêmement important pour moi, c’est que la fonction de base, eh bien, c’est ce qu’il appelle la fonction d 'objectivation. Ça, c’est toujours l’analyse plutôt de Laclos, que j’ai utilisée là parce que ça me permet de gagner du temps, ne pas réinterpréter moi-même tout le travail de Meyerson. La fonction d'objectivation, c’est ce que j’appelle la rétention tertiaire et l’exosomatisation. Qu’est-ce que dit Meyerson fondamentalement ? On ne peut penser la psychologie individuelle et collective qu’à travers ce qu’il appelle les œuvres. Qu’est-ce que c’est que les œuvres ? Pas forcément les œuvres complètes de Platon ou les œuvres de, je ne sais pas, de Vincent Van Gogh. C’est tout ce qu’on produit en fait. C’est pour ça d’ailleurs que les bols des Dogons, vous les trouvez au musée du Quai Branly comme des œuvres. Mais ce ne sont pas des œuvres, ce ne sont pas des œuvres au sens moderne du terme, ce sont des productions exosomatiques. Et ce que dit Meyerson, c’est que ce n’est qu’à travers leur production exosomatique que l’on peut comprendre le fonctionnement de ce que j’appelle moi les âmes noétiques et que lui appelle les sociétés humaines. Alors, dans la production exosomatique, il faut distinguer les rétentions tertiaires en général, par exemple les bols, les poteries, disons, de la société Dogon, dont je viens de parler, et les rétentions tertiaires hypomnésiques, qui peuvent être, par exemple, des inscriptions sur ces poteries Dogon, des inscriptions symboliques, des éléments qu’on décrit parfois comme des éléments de décoration, ou ce qu’on appelle chez les archéologues, on appelle ça des motifs, et qui sont en fait toujours des supports hypomnésiques par exemple de ce que Leroi-Gourhan appelait des mythogrammes et qui chez les...mythogrammes par exemple comme les churinga en Australie, le sorcier ou le chaman australien ne prononce jamais les mythes indépendamment d’une interprétation des churinga et ils m’intéressent énormément ces huringa parce que ce sont des spirales donc je pense que les australiens ont un rapport très particulier aux spirales et moi-même j’ai un rapport très particulier aux spirales donc je pense que nous avons des choses à apprendre des Australiens. En tout cas, dans toutes les sociétés depuis le Paléolithique supérieur, il y a des rétentions tertiaires. Et sur ces rétentions tertiaires, il y a des motifs, des inscriptions, des écritures, tout ce que vous voulez, hypomnésiques, c’est-à-dire qui donnent accès à des contenus mentaux, que dans le cas du chaman, il faut savoir les lire. Vous n'interprétez pas un mythogramme comme ça. D’ailleurs, personne d’autre que le chaman ne peut les interpréter. Mais dans le cas des grottes de Lascaux et de Chauvet dont j’ai déjà parlé, ça vous saute aux yeux. C’est un bison, c’est une vache. Tiens, c’est un homme, mais il est représenté comme ça. Il n’est pas du tout représenté comme un bison ou comme une vache. Il est représenté comme une espèce de rien du tout en fait. Ce qui fait rêver bataille. L'homme de cette époque-là s’intéresse beaucoup plus aux animaux qu’à lui-même. Il ne dit pas ça bataille, c’est beaucoup plus subtil, mais vous voyez ce que je veux dire. Je dois vous dire que la première fois que j’ai parlé d’Ignace Meyerson avec quelqu’un, parce que j’avais lu les références que faisait Vernant à Meyerson dans des notes de bas de page de ses propres travaux, mais la première fois que j’en ai parlé, c’était avec quelqu’un qui est psychologue lui -même, psychologue cognitiviste. Il s’appelle Christian Brassac et qui dirigeait une revue dont je crois qu’elle s’appelait Revue d’anthropologie des connaissances, un truc comme ça, dans laquelle d’ailleurs j’ai un peu écrit à son invitation. Et lui travaillait sur Meyerson et ces questions-là. C'était il y a déjà 30 ans à l’université de Compiègne. Alors, où est-ce que je veux en venir ? D’après ce qui est écrit sur mon truc là, attention, tertiaire et paume musique, littéral, produit par ordinateur, Je veux en venir à vous dire que l’individuation psychique et collective est impensable et impansable au sens avec un e, mais là c’est avec un a, il faut panser l’individuation psychique avec un a, c’est-à-dire qu’il faut la soigner. C’est ça que font les présocratiques, les philosophes, c’est ce que font aussi les chamanes, en fait c’est ce que font toutes ces instances interprétatives qui interprètent ce qui dépasse tout calcul, y compris le point géométrique qui dépasse tout calcul. Ce n’est pas une réalité calculable, le point géométrique. Et c’est une condition d’une certaine calculabilité, d’ailleurs. L’accès au point géométrique, c’est aussi l’accès à une certaine arithmétique à partir de la géométrie. Mais lui-même, il n’est pas calculable. Il y a de l’impensable. En tout cas, ces processus sont impensables si on ne pense pas l’individuation psychique et l’individuation collective avec l’individuation technique. Si on ne parvient pas à penser l’individuation psychique du citoyen, par exemple d’Antigone, la citoyenne Antigone, l’individuation collective que Créon prétend incarner. Et je représente, non pas l'État comme dit ce crétin de Anouilh, mais la politeia, c’est-à-dire le droit écrit, dit-il. Antigone lui répondant, oui, le droit écrit, bien sûr, mais sans le droit divin, ton droit écrit ne pèsera rien. Et c’est une question pour nous, hein, pas du tout un truc qui est derrière nous, ce sujet-là. Devant nous. C’est la mystagogie de la politeia. Si nous voulons essayer donc de panser ces questions avec un a, et aujourd’hui on en a bien besoin parce que ça va vraiment très mal, c’est ça qu’on appelle la post-vérité, la post-démocratie, eh bien nous devons panser aussi l’individuation technique. Pourquoi ? Parce que l’individuation technique, c’est ce qui rend possible, par exemple, les rétentions tertiaires hypomnésiques littérales, qui elles-mêmes sont liées à la monnaie, à la cardinalité, à la calendarité, lesquelles sont liées à des activités économiques que décrivent donc Vernant, Vidal-Naquet, etc. Et tout ça relevant de ce que j’appelle un système technique, ça c’est moi qui prends le mot système technique, ça n’est pas du tout Vernant ni Heidegger que je cite maintenant ici, enfin disons auquel je me réfère ici, paragraphe 17 d’Être et Temps, le renvoi et le signe où Heidegger dit : tous les signes et tous les artefacts, en fait, constituent un système de renvoi qui constitue lui-même ce qu’il appelle un espace de significativité, de Bedeutung. Ça, c’est très, très étonnant. Ceux qui ont un tout petit peu lu Du mode d’existence des objets techniques autour de la page 260, à la fin, Simondon dit, le transindividuel, c’est la signification et la signification ne peut s’élaborer et circuler entre les individus psychiques que supportés par les objets techniques. Mais est-ce qu’en fait il n’est pas allé pomper ça dans Être et temps ? Je me le demande. Parce que Heidegger ne dit pas ça comme ça, bien entendu. Mais il parle de ça dans Être et temps, c’est évident. Sur un registre qui est d’ailleurs problématique et que je ne reprends pas à mon compte tel quel. Bon. En tout cas, je vous en parle parce que si on dit qu’il faut soigner la cité, c’est le rôle du citoyen en général. Un citoyen, c’est celui qui est en charge avec tous les autres citoyens de prendre soin collectivement de la cité. Mais en se référant, par exemple, à des géomètres, à des philosophes, à des juristes, etc., qui eux -mêmes vont fournir des critères pour que la communauté, la citoyenneté puisse prendre soin de la cité. Ce soin étant une Sorge, ce qu’on appelle dans cette traduction le souci de l'être-là. Mais souci, c’est une manière de traduire Sorge, ça se discute. Ça veut dire le soin aussi, la Sorge. Enfin, c’est compliqué. Traduire, c’est toujours totalement ingrat et traduire Heidegger en particulier. En tout cas, ce que je veux souligner, c’est qu’ici Heidegger parle d’une thérapeutique. Et que cette thérapeutique, Sorge, c’est la thérapeutique. En grec, c’est thérapeia. Et cette thérapeutique, Eh bien, elle est toujours, voilà ce que je... Ceux qui luttent contre la possibilité de devenir immonde du monde, que la cité s’écroule dans un massacre généralisé, ce qui est quand même arrivé plusieurs fois à Athènes. Pas un massacre généralisé, puisqu’ils n’ont pas renversé Parthénon et tout ça, mais il y a quand même eu des milliers, des dizaines de milliers de morts dans ces massacres. On n’en parle quasiment jamais, mais c’était une constante en fait dans ces périodes-là, avec des moments fastes, Périclès, et tout ça, et puis des moments terribles, par exemple, la mort de Périclès, etc. Donc il faut prendre soin de ce qui menace en permanence l’individuation collective de devenir une désindividuation collective, c’est-à-dire un massacre permanentement, le crime, l’hubris. Et pour en prendre soin, ce que je soutiens, c’est qu’il faut, si on veut le faire, nous, aujourd’hui, à l’époque des smart cities, il faut articuler étroitement l’évolution de l’individuation psychique et de l’individuation collective à l’évolution de l’individuation technique, c’est-à-dire au système de renvoi dont parlait Heidegger dans le paragraphe 17. Et qu’est-ce que c’est qui se produit entre, par exemple, l’évolution technique et la Sorge ou le soin qu’on va prendre de cette évolution technique, eh bien c’est ce que j’appelle les deux temps du double redoublement épokhal. Par exemple, l’écriture alphabétique et littérale apparaît à la fin du huitième... pendant le huitième siècle en Grèce ancienne, disons. Elle provoque une crise, c’est un choc technologique, c’est une disruption. Elle disrupte la tradition des devins, de la mythologie homérique, etc. Et ça provoque une crise terrible avec des tas de morts et... Évidemment, ça ne concerne que quelques centaines de milliers de personnes, ça ne concerne pas 9 milliards d’individus, on n’est pas encore à 9 milliards, on est à 8 milliards. Et nous, nous pensons que cette crise, elle pourrait affecter les 8 milliards de la biosphère, d’habitants de la biosphère. Mais en tout cas, ce premier temps disruptif provoque toujours, ça c’est la thèse que j 'évoque depuis longtemps, un deuxième temps, que j’appelle le processus de transindividuation c’est-à-dire le processus véritatif, qui va donner la vérité, c’est-à-dire la nécessité de ce choc, et qui va faire que ce choc, qui d’abord se présente comme toxique, destructif, détruisant absolument tout, etc., etc., va finalement engendrer dans un deuxième temps une nouvelle thérapeia, un nouvel art de vivre, une nouvelle civilisation. Et ça se produit à travers la grammatisation.

Alors, si je vous parle de toutes ces choses, c’est parce que maintenant je vais vous parler de ça, le Building Information Management dont j’ai parlé tout à l’heure, qu’on appelle aussi Building Information Modeling. Et à quoi conduit le Building Information Modeling que vous trouvez donc sur cette page Wikipédia, une notice qui est très bien faite, comme très souvent sur Wikipédia, à ce qu’on appelle le béton interactif. Le béton interactif, qu’est-ce que c’est ? par exemple, c’est la production de parpaings ou d’éléments très préfabriqués en béton dans lequel il y a ce que vous voyez là, des puces RFID. Qu’est-ce que c’est qu’une puce RFID ? C’est un système qui est capable d’émettre, quand il reçoit un certain nombre d 'ondes, par exemple un lecteur, comme vous les voyez dans les caisses de supermarché, à la FNAC aussi, vous essayez de piquer un bouquin et ça se met à sonner, paf, vous êtes pris par la police, Vous allez au poste parce que le RFID vous a donné à la police. C’est un indicateur. C’est un indicateur, c’est-à-dire que c’est un élément d’archivation, d’enregistrement, dirait Maurizio Ferraris et qui est est inscrit dans le béton lui -même. Que faut-il penser et que faut-il penser du béton interactif ? Si je vous pose cette question, c’est parce que nous sommes en train de travailler en ce moment avec un consortium d’une trentaine d’industriels, qui, à Plaine Commune, développe un programme qui s’appelle « Rêve de scènes urbaines » et qui a pour but ce programme de créer ce qu’on appelle un « démonstrateur industriel de la ville durable » qui rassemble donc des constructeurs, des urbanistes, des architectes, des aménageurs en tous genres, des télécommunicants, des opérateurs de transport comme les RATP, des banques, des cabinets de conseil, des spécialistes en énergie, le CEA, etc. Beaucoup, beaucoup de monde. 30 fondateurs de cette opération,40 sociétés, PME, cabinets de conseil qui se sont engagés depuis, donc ça fait 70 entreprises économiques, capitalistes, qui travaillent à essayer de développer une nouvelle conception de la ville durable sur le territoire de Saint-Denis et de Plaine-Commune, c’est-à-dire entre Stein et Saint-Denis, du nord au sud, et entre Aubervilliers et Saint-Ouen, de l’est à l’ouest, et que nous, maintenant, avons décidé de travailler. Nous, voilà, nous avons décidé. On nous a demandé, nous nous sommes très contents de le faire, de travailler avec eux, pour essayer d’inventer une nouvelle urbanité à l’époque du béton interactif. Et donc, à l’époque du BIM, parce que le béton interactif, ça n’est possible que parce qu’il existe maintenant des normes. Ce n’est pas MPEG, mais ça ressemble à MPEG. Ça, Enrico, parce qu’on parlait d'MPEG hier. D’ailleurs, j’ai trouvé un texte que je voudrais vous donner, parce que vous avez écrit sur MPEG 21 ou MPEG 7. On parlait hier soir avec Enrico, ici présent de la grammatisation de l’audiovisuel et de Leonardo Chariglione, qui n’est pas l’inventeur du BIM, mais une espèce de BIM des images animées sonores, qu’on appelle MPEG, que vous connaissez tous, parce que sans MPEG, vous ne pourriez pas, aujourd’hui, regarder la télévision, ni consulter vos smartphones. En tout cas, pour ce qui concerne les images et les sons. Donc, que faut-il penser et que faut-il penser du béton interactif, lorsqu’on travaille avec Vinci et tout ce conglomérat de 70 entreprises sur Plaine Commune, eh bien, ma réponse, c’est de dire... Ce n’est pas une réponse, c’est une proposition, de méthode : c’est de dire, créons des ateliers de building information modeling avec les habitants de la Courneuve, des environs du village olympique où doit être construit tout un nouveau quartier lié aux Jeux olympiques avec 7 milliards d’investissements, c’est important quand même, et constituant une nouvelle urbanité, c’est-à-dire une nouvelle individuation collective, par une intelligence de l’individuation technique, de l’individuation collective et d’individuation psychique, telle qu’elle devienne possible et impossible dans ce contexte-là. Si on avait le temps, nous nous attarderions sur cette étude, par exemple, qui a été publiée par, je ne me souviens plus par qui, qui s’appelle Béton Interactif Capteurs et Puces RFID https://www.cerib.com/rapport/341-e-beton-interactif-capteurs-puces/↩︎. Et je me suis un petit peu baladé dedans, et c’est assez intéressant. Pourquoi ? Parce qu’ils analysent l’impact de ces technologies de rétention tertiaires hypomnésique urbaine, c’est plus de la rétention tertiaire hypomnésique littérale, analogique ou numérique, c’est urbain, c’est-à-dire que ça repose sur les matériaux de construction de la ville, à l’époque, évidemment, des smart cities. Donc, évidemment, le building information management et le béton interactif sont les matériaux de base pour ce qu’on appelle maintenant les smart cities. Mais qu’est-ce qu’ils disent à propos de ça ? C’est que ce sont des processus qui font apparaître de nouvelles fonctionnalités dans l’espace bâti. Donc, les bâtiments ont de nouvelles fonctions. D’abord, ils communiquent entre eux, etc. Ils communiquent avec ce qu’on appelle les objets communicants, avec Internet of Things, etc. Par exemple, un réparateur d’ascenseur va venir avec un truc de capteur et tout ça, comme les mecs qui réparent aujourd’hui les Citroën très électronisés. Et ce truc va faire un diagnostic qui va être liée non seulement à l’ascenseur mais au bâtiment parce que le bâtiment, il va être bourré de puces RFID c’est-à-dire de supports hypomnésiques. Et ces nouvelles fonctionnalités, donc, eh bien, elles font que le bâti devient une structure de mémorisation. Les produits, je cite, les produits en béton évoluent du statut passif au statut d'objet doté de propriétés communicantes. C’est évidemment très, très, très effrayant quand on articule ça avec les objets communicants qu'Amazon et Apple mettent partout et qui vous écoutent et qui vous parlent, etc. et que tout ça s’intègre à la NSA, à tout ce que nous savons maintenant depuis Snowden, au parti communiste chinois qui développent Internet +, avec des fonctions de surveillance et même de délation, etc. Ça fait très peur. Et bien n’ayez pas peur. Ce que disait Jean-Paul II avant de mourir. J’aime bien citer les papes, moi. Ça fait toujours marrer les Italiens en particulier, parce qu’ils ont un rapport au pape tout à fait différent de nous. Mais moi j’aime bien provoquer un peu les Italiens avec le pape. Et puis j’aime bien François. Et je pense qu’il faut le protéger de la mafia religieuse, la mafia napolitano-religieuse, le clergé italien autrement dit, qui se sent menacé d'être dépossédé de ses privilèges par ce courageux jésuite qui a vécu en Amérique latine, qui a défendu les guérilleros, etc., tout en passant des compromis avec ces crapules, etc., et donc on le lui a reproché. Moi, j’aime bien les types comme ça. Pour revenir à notre béton interactif, quels en sont les enjeux ? Eh bien, ils sont exposés ici, les enjeux. Si vous n’avez jamais lu ce bouquin Cybernétique et société Norbert Wiener Points Gallimard↩︎, je vous recommande vraiment de le lire. Et puis si vous l’avez déjà lu, je vous recommande de le relire. Parce qu’il pose des tas de problèmes. Il y a pas mal de points dans lesquels je suis assez fondamentalement en désaccord avec Wiener, en particulier les passages sur le langage. Et c’est ce qui fait que là, je partage un peu les préventions de Heidegger contre Wiener et la cybernétique. Et en revanche, je pense que Wiener est extra -lucide quant aux smart cities, par exemple, ou aux réseaux sociaux, ou aux projets de l’internet plus chinois, lorsqu’il dit « Nous pourrions, avec la cybernétique, faire que l’humanité se transforme en quelque chose comme ça, c’est-à-dire que les villes deviennent des termitières ». J’avais déjà beaucoup parlé des termites, il y a une quinzaine d’années, dans De la misère symbolique. Je citais en particulier une phrase de Freud qui disait « L 'homme ne veut pas devenir un termite ». Pourquoi est-ce que Freud dit ça ? C’est dans Malaise dans la culture si je me souviens bien. Pourquoi est-ce que Freud dit l’homme ne veut pas devenir un termite ? C’est bien parce que l’homme PEUT devenir in termite. Et j’avais essayé de le montrer dans un chapitre de De la misère symbolique qui a pour titre « Allégorie de la fourmilière numérique ». Je suis fier de le dire et de répéter que c’était en 2004 que j’ai publié ça, que Facebook n’existait pas, mais par contre je le disais, il va apparaître à un moment donné des trucs qu’on va appeler des réseaux sociaux et qui vont tous nous connecter les uns avec les autres et qui vont nous faire fonctionner comme des fourmis. Je sais que le fonctionnement d’une fourmi, c’est... Une fourmi, c’est quand ça agit, ça produit des phéromones qui disent « je fais ça ». Pour le reste de la fourmilière, les termites, c’est pareil. Eh bien, Trump fait et il dit « je fais ça », je dis ça au président chinois. Mais tous les gens qui sont sur Twitter font ça. Les tweets de 144 caractères, 288 maintenant, voilà, c’est ce qui permet aux gens de dire je fais ci, je fais ça, etc. Et ça crée une communauté qui est une fourmilière. Peut-être pas seulement une fourmilière, mais massivement une fourmilière. Pourquoi ? Parce que Twitter, à travers ça... Mais Facebook c’est la même chose. Je dis Twitter parce que c’est très caractéristique Twitter, puisque... Twitter, c’est d’abord je fais ci, je fais ça, j’informe mes followers, comme on dit, de ce que je fais. C’est ce que fait la fourmi. Mais Facebook, c’est pareil, parce que sur Facebook, je prends des photos, je poste des machins, etc. Ça revient exactement au même. Qu’est-ce que c’est qui est le même ? C’est le fait qu’à la place du génome du termite ou de la fourmi, il y a le business model de Facebook ou de Twitter, et qui exploite à travers les big data toutes les traces générées par la captation Twitter Pourquoi faire ? Eh bien pour réagir beaucoup plus vite que les individus psychiques et les individuations collectives, pour les court-circuiter et les télécommander. Et c’est ce qui se produit effectivement. Je vous en parle parce que d’ici à la fin de ce séminaire, si Dieu le veut, je vous parlerai de ce livre, cet autre livre d’Henri Lefebvre qui est à mon avis un peu calamiteux. Vous aurez du mal à le trouver, parce que ce n’est pas réédité. Il était publié, je crois, à peu près au même moment que Le droit à la ville. Et il se trouve que Henri Lefebvre, dans ce livre, dialogue de manière occulte avec Norbert Wiener. Si vous avez lu Wiener, vous reconnaissez immédiatement qu’il parle de Wiener, mais il ne le cite jamais. Il pose en principe qu’il ne mérite même pas d'être cité. C’est l’ennemi, c’est l’ennemi qui est en train de produire le cybernanthrope, à travers la cybernétique. Qu’est-ce que dit Lefebvre ? Eh bien, nous devons nous opposer au cybernanthrope, l’anthrope, l’apostrophe, a -n -t -h, etc. Et moi-même, j’essaie de vous montrer que d’abord, Lefebvre n’a absolument rien compris à Wiener, pour une partie comme Heidegger d’ailleurs, pour une partie parce que Heidegger a beaucoup plus compris de Wiener que Lefebvre, Lefebvre c’est un marxiste, et c’est un marxiste français des années 60. Il n'y a pas plus nul à cette époque-là pour essayer de comprendre ce que c’est que les enjeux des théories de l’information. Je ne sais pas si vous le savez, mais en 1967, par exemple, on dit, le Parti communiste français par exemple, j’en fais partie, pas en 67, je suis encore un gauchiste en 67. Mais à partir de 1969 -70, je deviens un militant et en plus même aussi un secrétaire de cellule, donc je transmets la bonne parole de la section qui la reçoit de la fédération, qui la reçoit du comité central, Place du colonel Fabien, qui d’ailleurs à l’époque n’est pas place du colonel Fabien, mais je ne sais plus où, dans un coin pas loin d’ici d’ailleurs, un endroit où il faut aller faire des gardes de temps en temps. Tu as peut-être fait ça aussi. On garde le comité central contre les fascistes. Et on est vachement fiers d'être des combattants. Les fascistes de l 'OAS à l’époque. Il se trouve que l'OAS a attaqué le comité central, effectivement. C’est pour ça que je le disais. Mais bon. Alors... qu’est-ce que je veux vous dire en vous disant ça ? Eh bien, je vous dis qu’au sein du Parti communiste, on dit à cette époque-là, ces crétins d’américains, ils s’imaginent qu’ils vont gagner la lutte idéologique avec leur théorie de l’information, c’est de la merde. Nous, nous sommes des matérialistes. Ce qui compte, ce n’est pas l’information, c’est la transformation de l’énergie physique, c’est la puissance nucléaire, c’est la conquête de l’espace, etc. Je vous dis ça parce que si vous relisez d’une part donc le texte de Wiener, Cybernétique et société et si d’autre part vous lisez la dialectique de la nature d'Engels, vous apercevrez que premièrement Wiener dès la première page parle des problèmes d’entropie et de néguentropie et il dit le problème qui se pose à l’humanité c’est l’entropie et la néguentropie. Et puis vous verrez dans La dialectique de la nature, l’introduction à La dialectique de la nature d'Engels qu’il dit l’entropie ça n’existe pas parce que ce n’est pas dialectisable. Tout est dialectique, la matière c’est le matérialisme dialectique en fait qui permet de la penser, c’est une dynamique dialectique, donc l’entropie ça n’existe pas. Et ça c’est extrêmement grave. L'effondrement idéologique de tout le continent des marxiens, qui n’étaient pas simplement des marxistes ou des communistes, hein, Jaurès était un marxien, la plupart des grands socialistes étaient des marxiens, c’est-à-dire que c’était des gens qui posaient que les analyses du capitalisme et de la société industrielle par Marx étaient absolument incontournables et irréversibles et bien à partir du moment où ils sont sur ce malentendu avec la cybernétique et cette mésinterprétation totale de la guerre froide, parce qu’en fait la guerre froide c’est effectivement la mobilisation par les Etats-Unis d’une technologie de l’information et de la communication qui va foutre en l’air totalement le bloc de l'Est. Il n’y a pas que ça, bien entendu, il y a bien d’autres raisons, mais c’est une raison quand même fondamentale. Si vous ne comprenez pas ça, vous ne comprenez absolument pas pourquoi la gauche est totalement effondrée et pourquoi aujourd’hui la France est dirigée par Emmanuel Macron et les Etats-Unis par Trump. Ce n’est pas les mêmes choses. Macron est plus intéressant. Et vous ne comprendrez pas non plus pourquoi Henri Lefebvre ne comprend rien à ce qu’il appelle le cybernanthrope. Pourquoi du coup il en appelle à l’anthrope alors que moi je dis qu’il faut en appeler au néguanthrope parce que l’anthrope c’est ce qui produit l’anthropocène. Et le néguanthrope c’est ce qui lutte contre l’anthropocène et je soutiens que pour lutter contre l’anthropocène il faut passer par la cybernétique, par une nouvelle cybernétique. Une critique de la cybernétique capable de produire une nouvelle cybernétique, la cybernétique de la ville, de l’urbanité numérique de demain, habitable, désirable, constituant un nouveau processus d’individuation collective. Alors bon, là, il faudrait continuer à lire ce que dit Lefebvre sur ces questions, notamment là où il lie évidemment, l’histoire de la philosophie, l’histoire des villes, la division du travail, etc. Enfin bref, tout ce qu’il mobilise de son corpus matérialiste, qui est très intéressant. Je ne vais pas le faire parce qu’on n’en a pas vraiment le temps. Ce que je voudrais juste dire, c’est que dans ce qu’il écrit là « Pour la méditation philosophique visant une totalité par la systématisation spéculative, c’est-à-dire pour la philosophie classique de Platon à Hegel, la ville fut beaucoup plus qu’un thème secondaire, un objet parmi d’autres. Les liens entre la pensée philosophique et la vie urbaine apparaissent clairement à la réflexion, encore qu’il y a lieu de les expliciter. La cité et la ville ne furent pas pour les philosophes et pour la philosophie une simple condition objective, un contexte sociologique une donnée extérieure, les philosophes ont pensé la ville, ils ont porté au langage et au concept la vie urbaine ». Et il ajoute un peu plus bas, « cette cité résulte généralement d’un synœcisme, réunion de plusieurs villages ou tribus établis sur un territoire, cette unité permet le développement de la division du travail et de la propriété mobilière, (là on voit qu’il y a des trucs qui... Il renvoie à des choses que Marx avait dites), sans toutefois détruire la propriété collective, ou plutôt communautaire, du sol. Ainsi se constitue une communauté au sein de laquelle une minorité de libres citoyens détient la puissance sur les autres membres de la cité, femmes, enfants, esclaves, étrangers ». Donc il décrit la mise en place de ce qui va devenir la société athénienne. Pas seulement athénienne, mais principalement la société athénienne. Ces analyses de Lefebvre sont intéressantes, mais si vous les comparez, je vous recommande vraiment de les lire, ça se lit très vite, il est très court ce chapitre et lisez très vite ensuite l’autre chapitre que je cite de Jean-Pierre Vernant et comparez les deux. C’est incomparable. La puissance de pensée de Vernant est incommensurable à ce que dit Lefebvre ici, qui est intéressant, mais à mon avis, finalement, assez pauvre. Et ce que je crois, c’est que si on veut comprendre ce que dit Vernant et amorcer cette critique de Lefebvre, il faut revenir vers les analyses de la constitution de la publicité. J 'emploie le mot publicité au sens où, en Allemagne, au XVIIIe siècle, et avec Habermas encore, on parle de Öffentlichkeit, la constitution de la chose publique en tant qu’elle est publiée et qui constitue la République, c’est-à-dire le nomos en tant qu’il constitue lui-même un processus d’individuation psychique, collective et technique spécifique. Donc regardez ça, c’est page 177, je vous recommande d’aller voir ça et de le comparer avec ce que dit avec ce que dit Lefebvre, et je pense qu’à partir de ces deux documents plus, la lecture du cybernanthrope et cybernétiques et société de Wiener, là on commence à pouvoir articuler des énoncés, des axiomes intéressants, pour essayer de penser le développement sur le territoire de Plaine Commune, dans les dix ans qui viennent, d’une urbanité numérique et qui ne serait donc pas une inurbanité. Le débat public que décrit Vernant ici, dans cette page, est un nouveau régime d’individuation psychique, dans une individuation collective qui est soumise aux critères de sélection des énoncés, et des procédures de transindividuation en fonction de la vérité, aléthéia. Autrement dit, la vérité, dans cette affaire, c’est une fonction. Et c’est comme fonction qu’il faut la traiter. Je le dis, puisque nous sommes à l’époque qu’on appelle post-véridique, qu’il y a une défonctionnalisation de la vérité. C’est pour ça qu’on peut parler de post-vérité. Mais pour pouvoir faire une analyse de la situation de défonctionnalisation de la vérité, il faut d’abord comprendre en quoi la vérité est une fonction. Donc on va essayer de faire ça dans les prochaines séances de ce séminaire. Et cette fonction de la vérité, dans l’individuation collective grecque, elle suppose la formation d’une assemblée délibérative, elle-même constituée d’autres assemblées qui la constituent et qui transforment les catégories mentales à partir de catégories sociales. C’est pourquoi je citais Meyerson. Si vous comparez, par exemple, Dodds, je ne me souviens jamais de son prénom, peu importe, Dodds, l’historien anglais spécialiste, je ne sais pas dire pas si il est historien, il est helléniste, spécialiste donc de la Grèce ancienne. Si vous comparez Dodds avec Meyerson, si vous lisez les deux ensembles, vous apercevez qu’ils décrivent la même chose. Mais Meyerson le décrit à l’échelle de l’ensemble de l’histoire de l’humanité, Il parle des Vedas, par exemple, en Inde, il parle de pratiques culturelles en Afrique, dans les sociétés antiques. Enfin bref, il parle avec une extrêmement grande généralité, tandis que Dodds, lui, ne parle que de ce qu’il appelle l’Aufklärung grecque c’est-à-dire la période de crise dont je parlais tout à l’heure. Mais dans les deux cas, ce qu’il s’agit de décrire, c’est comment des catégories mentales sont élaborées et transformées par des catégories sociales. C’est-à-dire par exemple, quand je transforme l’espace physique de la cité en relation avec la destruction des tribus remplacées par les dèmes, donc ça c’est entre Anaximandre, Solon et Clisthène, je modifie en fait les modes de pensée, transforme les catégories mentales et donc l’appareil psychique, je vais très loin en disant ça, moi je soutiens que l’appareil psychique, c’est une réalité historique, il n 'y a pas des fonctions psychiques basiques qui ne bougent jamais. C’est mon sujet de conflit avec Pierre-Henri Castel. Tout ça, ça a un rapport, en Grèce ancienne, avec la production des catégories privées et publiques. Le privé, c’est ce qui est incarné par le foyer, la déesse du foyer, qui s’appelle Hestia. Ce sont les affaires privées et domestiques de l’individuation psychique qui s'opèrent dans le foyer. Le public, c’est ce qui est incarné par Hermès, qui est toujours au-delà de l’espace local que délimite le foyer d'Hestia et qui fait communiquer entre elles des localités, les foyers qui constituent Athènes, Athènes avec Sparte, etc., etc. Athènes-Sparte avec les Égyptiens, les Perses, et Hermès, il communique avec tout parce qu’il est un dieu. Il communique d’abord avec Zeus. Et ça, c’est incompréhensible si on n 'inscrit pas dans une cosmologie qui elle-même est divisée en trois niveaux, le microcosme, le macrocosme et le cosmos. J’avais beaucoup développé l’année dernière la thèse selon laquelle aujourd’hui, la cosmologie se représente à nous dans des conditions tout à fait nouvelles, à travers la question de la néguentropie. J’avais souligné que les microcosmes sont en fait des cellules néguentropiques qui produisent ce que Maël, je ne t'ai pas cité finalement parce que je n’ai pas fini de lire, je ne vais pas arriver au bout, je suis trop lent, ce que Maël appelle de l’anti-entropie. Et ce que nous soutenons, ça c’est le programme de Plaine Commune aussi, c’est-à-dire que l’économie de demain doit ménager des localités néguentropiques mais pas pour les séparer. Nous ne disons pas comme le Front National ou Donald Trump qu’il faut mettre des frontières et séparer les gens. Non, pas du tout. Ce que nous disons, c’est qu’il faut reconstituer des noyaux de localité, des foyers d’Hestia, des capacités de singularisation, puisque c’est ça que ce foyer constitue. C’est ce qui héberge ce que j’avais appelé il y a deux ans l’inframince de l’inconscient psychique. Et il faut que ça puisse circuler avec une nouvelle réticulation herméneutique, avec Hermès qui est le dieu des réseaux, du transport, du commerce, etc., de la traduction, de l’écriture, mais à une époque qui est l’époque de ce que j’avais appelé l’an passé les technologies de scalabilité. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’aujourd’hui, la nouvelle cosmologie, elle s 'opère à travers des satellites artificiels, et non plus des satellites naturels. Et ces satellites artificiels, eh bien, ils constituent des infrastructures exosphériques, contrôlées par des grandes entreprises comme Amazon, Google, et quelques autres, quelques grandes puissances militaires, la Russie, la Chine, l’Amérique, qui se partagent, ce sont eux qui se partagent le ciel, aujourd’hui, et c’est là que se joue absolument tout le processus d’individuation planétaire. Donc, ce que j’essaye de faire là, aujourd’hui, en relisant Henri Lefebvre, c’est d’articuler, avec ce que j’avais dit l’an passé, à propos de ces immenses transformations générées par les changements d’échelle provoqués par les réseaux, qui fonctionnent à la vitesse de la lumière et à l’échelle de la biosphère, en termes de nouvelles fonctionnalités qui, pour le moment, produisent surtout de la désindividuation. C’est le premier moment du choc technologique et que nous, nous devons essayer de panser avec un a une économie du deuxième moment, c’est-à-dire d’un nouveau processus véritatif qui serait inscrit dans l’économie elle-même, c’est-à-dire dans les modes de production de l’économie, dans les modes de calcul de la valeur en économie, etc. Mais ça, je ne vais pas vous en parler maintenant, parce qu’il faut que je m'arrête si on veut prendre le temps de discuter.

01 : 37 :45

Discussion

Merci pour votre attention. Regarde, à quelle heure est le train ? 7h. Presque trois quarts d’heure. À gare du nord. Non, ça va. Il faut arriver 20 minutes à l’avance à cause du contrôle. Est-ce que quelqu’un… Sur le réseau, il y a quelqu’un qui veut poser des questions ou pas ? Oui. C’est Colette Tronc. Oui, bonjour. Bonjour, Colette. J ’entends très très bien. Tu entends mal ? Je ne sais pas si vous m ’entendez. Je n’entends pas très bien. Oui, oui, on entend très… Mais vous n’avez pas bien entendu, là ? Comment ? Bon, OK. Mais est-ce que tu as entendu le séminaire ? Parce que si tu n’as pas entendu, ça va être problématique de poser une question. Est-ce que quelqu’un d’autre doit intervenir ? Ah, bonjour. Pardon ?

- Oui. sur le système des objets. Et en fait, dans ce livre, il explique que la publicité, c’est notre thème. Et la société s ’organise autour de cet hôtel. Est-ce que nos sociétés actuelles continuent à s ’organiser autour de lieux spirituels ?

Alors il y a deux questions pour moi dans la vôtre. Il y en a une qui concerne Jean Baudrillard et son travail. les tests qu’il développe dans le système des objets, et d’autre part la question des fonctions spirituelles, dans l’urbanité notamment, celle des grands ensembles, dont je vais parler plus tard en fait. Donc peut-être que je ne vous répondrai pas sur ce deuxième point aujourd’hui, enfin je vais peut-être le faire, mais il se trouve que dans la suite je devais intervenir, mais je ne l’ai pas fait, enfin je vais aller sur ce registre, mais je ne l’ai pas fait parce que je suis trop lent, et puis il faut passer par Hestia pour répondre à ça justement à mon avis. En tout cas pour… Juste pour vous dire, les grands ensembles, je vais en parler. Vous voyez celui-là. Je suis né là, moi. Enfin, je ne suis pas né là, j’ai grandi là. C’est Sarcelles. Donc je connais un peu les grands ensembles, dont parle d’ailleurs Henri Lefebvre, il se fait photographier à Sarcelles, quand il publie le droit à la ville. Donc il parle bien des grands ensembles, mais il parle aussi du rapport entre les grands ensembles et les zones pavillonnaires qui sont autour. Et ça, ces zones pavillonnaires, d’ailleurs, c’est ce qu’on appelle des castors. C’est-à-dire, ce sont des gens qui construisaient leur maison eux-mêmes. Ça, c’est ce qu’on appelle le coin des castors. Bref. Je parle aussi de la spiritualité. Là, par exemple, je présente une fonction qui n’est pas une belle, mais qui est un exorganisme médiéval. C’est tout près d’une maison que pas mal de monde connaît ici, à côté d ’Épineuil-le-Fleuriel. Très, très joli château et une très, très jolie chapelle, église. C’est une église, c’est pas seulement une chapelle. C’est tout près, c’est à 6 kilomètres à voile d’oiseau d’Épineuil. Et ça, c’est une double fonctionnalité. Voilà le seigneur, le curé, etc. Bon, j’en reparlerai un petit peu. Et en effet, c’est très frappant de, oui, de voir que, où est le spirituel ? On en reparlera la prochaine fois, parce que je préfère avoir, pour vous répondre sur ce sujet, avoir développé un petit peu ces questions. De toute façon, oui, non, je n’ai rien écrit, je ne vois rien en tout cas. En tout cas, sur la première question, il voudrait, j’avais parlé d’ailleurs de ce bouquin, le système des objets, ici, à Léry, il y a une dizaine d’années, peut-être un peu moins, parce qu’avec Vincent Puig ici présent, nous avions organisé un des premiers colloques sur les réseaux sociaux, très très tôt, tout à fait au début des réseaux sociaux. Ah non, ce n’était pas dans ce colloque-là, c’était dans un autre colloque, c’était dans un colloque sur les objets communs. Et j’avais parlé de Baudrillard, parce que Baudrillard a eu des intuitions tout à fait stupéfiantes. Mais en même temps, ce qui est ennuyant avec Baudrillard, c’est qu’il a des intuitions stupéfiantes, mais il a tendance à fonctionner un peu comme Leibniz selon Kant, c’est-à-dire, d’un seul coup, il s’en va comme ça et il délire. Par exemple, ce rapport au totem, pour moi, c’est un peu de la facilité, ça. C’est le Baudrillard qui ne me plaît pas trop. Parce qu’il est très cultivé pour des gars, il a une grande culture philosophique, il a une grande culture anthropologique, il a une pratique de sociologue, donc c’est quelqu’un de très, très respectable et très important. Mais en même temps, il se laisse aller, par moments, à la spéculation, je dirais, un peu médiatique. Et je pense que quand il parle de la publicité et du Totem, il fait un court-circuit, il fait un raccourci. D’abord, est-ce que le Totem ouvrait une publicité ? Je parle du Totem au sens strict, c’est-à-dire au sens où… Durkheim va commencer à parler du Totem au sens où vous avez un magnifique musée à Vancouver du totémisme indien et si on regarde ce que c’est que le totémisme des indiens à Vancouver, des australiens chez Durkheim, ça n’a aucun rapport avec ce dont parle Baudrillard. Et ça n’a aucun rapport avec la publicité. C’est pas un espace public qu’ouvre le Totem. C’est un espace mystagogique. C’est tout la même chose. C’est un clan totémique. C’est une filiation et c’est un rapport entre, non pas la nature et la culture, parce que chez les Indiens, il n ’y a pas la nature d’un côté et la culture de l’autre. Il y a la surnature. Et il y a le fait que, comme vous le savez sans doute, par exemple, qui nous chassent dans la rue. loutre, ou un phoque, ou un cerf, ou n ’importe quoi, vous devez lui demander son accord avant de le tuer. Et donc, c’est votre ami, vous êtes là pour eux. Voilà, il prend soin de vous, vous prenez soin de lui, etc. C’est tout ce que, par exemple, cette femme dont on parle souvent, Elinor Ostrom, a décrit dans la philosophie des communs. comme étant, voilà, un soin, une économie du soin spontané. Par exemple, sur les ressources aliotiques de saumon, dont elle parle, chez les indiens, etc., etc. Mais c’est pas vrai que des saumons, c’est vrai d’absolument tout, du maïs, de… Donc je pense que Baudrillard, c’est très intéressant. À mon avis, c’est toujours très, très fécond, mais en même temps, toujours un peu dangereux. Enfin, pas toujours, mais souvent un peu dangereux. Mais je sais que vous vouliez ajouter quelque chose. Et en fait, sur la question ensuite du street art, après Baudrillard, on a vu les critiques etc. parce qu’en fait, il disait qu’il n ’y a aucun symbole dans la vie, seulement la publicité qui est dirigée. Et en fait, la place du street art, par exemple, d ’Egypte, pour la révolution etc. c’est très important. Et pourquoi ? Et bien la question de qui communique aux citoyens. La vie communique. Alors, je vous ai peut-être répondu à côté tout à l’heure parce que vous employez un mot qui vaut mieux le dire en anglais, advertising. Il faut faire très attention parce que publicité, ça veut dire beaucoup de choses différentes. Ça veut dire d’abord espace public. Évidemment, l’advertising, on appelle la publicité, en français autrefois on appelait ça la réclame. Dans la France du début du XXe siècle, du XIXe siècle, a envahi l’espace public et en fait a privatisé l’espace public, puisque les marques privatisent l’espace public, détruisent l’espace public, c’est plus justement l’espace public. Et donc c’est pour ça qu’il faut faire attention au mot publicité. Maintenant, je crois que j’ai mieux compris ce que vous dites, c’est-à-dire que le Totem, par exemple, a une capacité de captation, comme l’objet traditionnel, comme le fétiche, etc. Et donc là, ce qu’on appelle la publicité, l’advertising, va effectivement tenter d’exploiter des fonctions toténiques ou des fonctions transitionnelles, au sens de Donald Winnicott, des fonctions de féticisation. Pourquoi ? Eh bien pour capter, canaliser la libido du consommateur et pour la transformer en valeur d’échange, c’est-à-dire en business. Ça oui, bien entendu. Alors c’est tout à fait vrai que là-dessus, Baudrillard a a vu les choses avant beaucoup de monde. Mais en même temps, premièrement, je ne suis pas sûr qu’il ait bien vu ce que c’est que l’objet traditionnel, par exemple. Le totem et l’objet traditionnel, ce n’est pas la même chose. Mais en revanche, on peut difficilement penser l’objet traditionnel si on ne pense pas aussi le totem. Et réciproquement. Ce n’est pas la même chose, mais on ne peut pas les séparer. Tout comme le fétiche, qui est encore autre chose. Et qui sont ce que Husserl appelle des objets investis d’esprit. C’est-à-dire que ce sont des objets qui ont une dimension irréductible à leur objectivité. Marx aurait appelé des rapports sociaux, d’ailleurs. Bon, le fétichisme de la marchandise est pas un cadre, bon. Oui, alors, là, Baudrillard a compris des choses, c’est certain, avant bien des gens. D’ailleurs, c’est pour ça qu’il a beaucoup utilisé Baudrillard. marketing. Moi, à une époque, je cherchais du boulot. En 1983, on m ’a proposé de bosser dans une agence de publicité parce que j’avais écrit sur la sémiotique, etc. On m ’a proposé de bosser pour des boîtes de marketing. Et pour quoi faire ? Pour vendre des yaourts. Moi, j’ai refusé. Et puis parce qu’on m ’a proposé un autre boulot plus intéressant. Mais après, je ne me souviens plus si c’est dans le système des objets. Je crois que c’est plutôt dans l’économie politique du signe. mais aussi sur la société de consommation. Mais le désir, c’est pas l’impulsion. Le désir, c’est la refonctionnalisation de l’impulsion dans un processus de socialisation et d’investissement. Et ça, je pense que Baudrillard ne le voit pas bien clairement. Et pourquoi est-ce que c’est ennuyeux ? Parce qu’après tout, on pourrait dire, c’est comme ça, c’est pas forcément très grave. C’est parce que ça lui permet pas, du coup, de critiquer ce qu’il appelle l’économie politique du signe correctement. Et en effet, c’est un élève de le faire. C’est-à-dire, c’est un situationniste. Parce qu’en fait, les deux figures qui inspirent beaucoup à cette époque, c’est Henri Lefebvre et Guy Debord. Ce sont les situations. Et Baudrillard est prof à Nanterre. C’est à Nanterre qu’il va démarrer 68. En réalité, c’est à Strasbourg, mais à Strasbourg, c’est un petit peu différent, par incitation d’un rôle, d’un rôle vallégaire, d’ailleurs. On va développer ce point -là. En tout cas, les situationnistes jouent un rôle absolument fondamental dans les déclenchements de 68. Et Baudrillard fait partie de ça. Mais là, je pense qu’il y a des trucs qui tournent par l’eau. Chez Ycontri, chez Debord, et surtout, on va le voir chez Lefebvre. Parce que ce que dit Lefebvre, on va voir ça, je ne sais plus si c’est dans le cybernanthrope ou dans la religion, je crois que c’est dans le cybernanthrope. Il dit des choses absolument stupides, ridicules. Ce que je vous disais, les marxistes des années 60, ils disaient la cybernétique, la théorie de la révolution, c’est du bidon, c’est de l’idéologie américaine. Mais ils ajoutaient, et Freud, c’est de la théorie de la bourgeoisie, de la pathologie des bourgeois. Nous les prolos, on n’a pas de problème, on ne sait pas ce que c’est que ces conneries d’inconscients et tout ça. Mais il dit ça en effet, c’est aussi nul que ça. C’est la combinaison entre ces deux carences, de ne pas comprendre l’importance de la psychanalyse, de Freud, d’une part, et de l’autre part, des enjeux de la cybernétique qui vont faire l’effondrement. Baudrillard, alors c’est pas sur la cybernétique, mais sur… parce que sur la cybernétique, en plus, lui, il a vu Simon Dango aussi. Il a vu beaucoup de gens avant tout le monde. La première fois que j’ai entendu parler de Simondon, c’est dans Baudrillard. Mais en même temps, il a des grandes fragilités parfois. Par exemple, il est moins vulgaire que Henri Lefebvre sur le désir. Je pense qu’il prend beaucoup plus au sérieux Freud, par exemple. En plus, il n’est pas communiste au départ. Il est marxiste, mais il n’est pas communiste. Parce que Lefebvre était communiste au départ. Après, il a quitté le communisme. Mais il a quand même, à mon avis, une notion du désir qui est un peu légère. Oui, vas-y. Alors, c’est Colette qui nous entend maintenant ? Oui, vous m’entendez aussi ? Oui, vas -y.

- Alors, d’abord une question et ensuite une proposition. Dans les perspectives de la question des fonctions, est-ce que tout le monde va réagir ? Comment tu vas réintroduire la question de la fonction symbolique ? Est-ce que tu vas la réintroduire ? Maintenant que c’est un pendant de la misère symbolique. Et d’autre part, ma proposition, c’est que j’aimerais bien participer à ce projet sur l’organité numérique. D’une part, dans la suite de ce que j’avais fait cet été sur pensée inhabitable, pensée avec un A évidemment, et repenser qu’est-ce que c’est que l’habiter. D’autre part parce que je travaille beaucoup sur la question de la publication. Et d’autre part aussi parce qu’à Marseille, avec Cédric, Mathieu et Paul -Antonaris, on a essayé de proposer une mise à un débat par rapport à une proposition qui va se concrétiser sur la ville de Marseille qui pense que est une smart city en proposant des systèmes de surveillance et en gros d’hyper contrôle. Donc on est en train de travailler sur un texte qui a été publié dans Le Monde et on va l’envoyer dès qu’on aura quelque chose d’argumenté à proposer, peut-être pour une mise en discussion de cette proposition qui est une privilégiation de l’habitat.

Ok, merci. Alors sur la première question, bien sûr que la fonction symbolique, plus que importante dans mon dispositif, elle est totalement centrale, mais en même temps, je dirais qu’il n ’y a pas la fonction symbolique, il y a des fonctions. Je pense qu’il m ’ennuie toujours dans ce qu’on appelle la fonction symbolique, eh bien c’est que souvent elle repose, c’est un petit peu ce que critique, mais sur un régime bien différent. André Leroy Grand sur l’idée qu’il y a la parole d’un côté, c’est-à-dire le symbolique, et puis le geste de l’autre, c’est-à-dire l’économie, la technique, etc. Et ça, je pense que c’est typiquement ce qu’on appelle la métaphysique. Très, très souvent, pas toujours, mais très souvent, ceux qui parlent de la fonction symbolique sont sur ce registre en fait. Il y a quelque chose qui serait en plus de la matière, en plus des échanges commerciaux, en plus de cela, qui serait sur une autre sphère. Alors, ça se défend d’ailleurs, que ce soit qu’on pense comme ça, parce que la fonction symbolique renvoie toujours à une autre sphère, justement. Le macrocosme par rapport au microcosme, le cosmos par rapport au macrocosme, etc. Mais ça ne suffit pas. Je pense que ça ne suffit pas du tout. Et en fait, je pense qu’il faut analyser les fonctions symboliques. Et les fonctions symboliques, en fait, elles sont à peu près encapsulées dans toutes les fonctions. Pas simplement les fonctions symboliques que je cite. Donc, toutes les fonctions ne fonctionnent dans l’urbanité que si elles sont symboliques, que si elles symbolisent, que si elles partagent à une économie politique du signe, ce qu’on reprend justement au Baudrillard, et qui était en fait une économie libidinale. Et une économie, je dirais, lacanienne aussi, mais au-delà de Lacan. Parce que Lacan, il reste, voilà, dans un privilège du langage, que je comprends, que j’adhère d’une certaine manière d’ailleurs, mais en même temps, à mon avis, qui n’est pas du tout suisse. Et donc, je crois qu’il faut dépasser Quand je dis dépasser, moi dépasser ça ne veut pas dire effacer, ça veut dire reprendre, mais autrement. Pas oublier du tout, au contraire, il faut anamnésiquement revisiter ces concepts par exemple de fonction symbolique. Après, bon, alors la fonction symbolique… Oui, vas -y.

- Je pense que ça fait partie de repenser ce que ça veut dire qualité.

Bien sûr, évidemment. Mais tout ça moi ça m ’amène, j’en parle beaucoup en ce moment d’ailleurs, enfin j’en parle pas mais j ’écris beaucoup en ce moment là-dessus, à requalifier les concepts de performativité, de fabularité, et toutes ces choses -là, et en fait, là, avec Gilles Deleuze, c’est-à-dire avec la réinterprétation des Stoïciens par Deleuze, avec le concept de quasi -causalité. Mais bon, si tu veux, pour moi, la fonction symbolique, ce qu’on appelle la fonction symbolique, c’est une fonction de bifurcation négantropique, avec un A et un H. Et elle n’est pas du tout limitée à la sphère de ce qu’on appelle d’habitude le symbolique. C’est ça que je veux dire. Par exemple, les parpaings pucés, aujourd’hui, vont entrer dans la fonction symbolique. Et je pense qu’en fait, ils vont y entrer parce qu’ils y ont toujours déjà été. Et voilà. Et ça, c’est ce que, d’ailleurs, c’est avec Simondon qu’il faisait penser ça, que d’ailleurs Baudrillard citait et pensait, lisait à cause de ça. Parce que l’opposition entre le symbolique et je ne sais pas quoi d’ailleurs, passe très souvent par l’opposition entre la matière et la forme, c’est-à-dire par des catégories métaphysiques extraordinairement profondément inscrites dans la philosophie occidentale, qui sont à mon avis aujourd’hui absolument, totalement insuffisantes pour penser la réalité contemporaine. Alors après sur l’autre question, sur l’urbanité numérique, oui bien sûr. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en ce moment, nous menons un projet très complexe avec des partenaires très forts et très nombreux et dans un échéancier extrêmement serré. Et là, nous allons dérouler une méthode de travail comme les architectes en charrette. C’est-à-dire que… Et donc, on va travailler sur un registre d’extrême efficacité. et dans un contexte qui va être complexe parce que ça va être un contexte de négociations des opérateurs, de la construction de la ville, des aménageurs, etc. Dans ce contexte-là, on va élaborer ce qu’on a commencé déjà à élaborer, ce qu’on appelle les ateliers contributifs. Et dans ces ateliers contributifs, il y en a un qui sera dédié à l’urbanité numérique. Mais je pense qu’il deviendra vraiment accessible dans un an. Parce que d’ici un an, nous allons travailler énormément à monter un projet d’investissement de 100 millions d’euros sur les 10 ans qui viennent, sur le territoire de pleine commune, dans cette optique de l’urbanité mirique. Et ça, c’est un travail très, très, très austère, dur, et où là, on va travailler, je dirais, en méthode projet charrette. Voilà. de cabinet de conseil, de cabinet d’architecte, etc., etc. Ça ne veut pas dire qu’on n’organisera pas des discussions, des débats. Au contraire, on en parlait hier avec Anne-Claude Vary. Donc dans ce contexte-là, peut-être qu’on pourra faire une discussion sur… projet à Marseille et tout ça. Mais je dirais que l’engagement dans un vrai travail, dans les ateliers, etc., à mon avis, ce sera plutôt dans un an, pour des raisons qui sont très faciles à comprendre, c’est qu’on porte un projet énorme avec des ressources qui sont absolument ridicules. Et donc, on a absolument pas une minute à perdre pour essayer de… Parce que, bon, l’objectif de cette année, c’est de passer… On a été présélectionnés. avec 19 autres territoires, pour un programme qui, si tout va bien, nous amènera à être sélectionnés avec 9 autres territoires, mais il va y avoir un territoire sur deux qui va être éliminé, donc nous sommes en concurrence et nous devons remettre un dossier qui doit être complètement bordé, à tout point de vue d’ailleurs, technique, administratif, financier, etc., et c’est très très compliqué. Mauritio.

- Tu as évoqué ce passage où du moment où on semble faire écho à Heidegger quand il dit que le signifié ne peut circuler que par l’intermédiaire de l’enseignement technique. Tu pourrais même dire d’autre chose, c’est-à-dire que le signifié ne peut se produire que par l’intermédiaire d’enseignement technique. Ça découle, je dirais, tout à fait évidemment du fait qu’il n ’y a pas un signifié précédent, un signifié transcendant qui s’extériorise. C’est ce qui explique d’un côté le fait que les usages des instruments techniques sont souvent surprenants pour ceux qui ont fait des instruments techniques, c’est-à-dire c’est plutôt d’un instrument, et en plus il y a même des choses qui n’ont aucun usage et qui reçoivent une signification. Qu’elle soit le rapport d’une pierre noire à la Mecque avec la théologie islamique, c’est un long parcours. En tout cas, ça dérive de la pierre plutôt que d ’être représenté par la pierre.

Tout à fait. Oui, oui, je suis évidemment tout à fait d’accord et ce que tu dis invite à mon avis à ce que je disais tout à l’heure sur relier à Derrida un peu autrement que Derrida lui -même. Ce que tu es en train de dire là, ça a pour conséquence qu’il faut prendre très systématiquement compte des caractéristiques matériales des objets techniques et des dispositifs de signification. Justement, sur son projet, je ne voudrais pas faire de la grammatologie comme une science positive. Pourquoi pas, justement ? J’arrêtais pas de lui dire, mais vous n’avez jamais fait cette histoire du sujet. Et vous n’avez jamais vraiment sérieusement envisagé une grammatologie comme science positive. Et à chaque fois, il répondait qu’il se méfiait des tendances ethnocentriques, logocentriques, etc., qui allaient revenir avec une grammatologie, voilà, inévitablement. Et moi, ce que j’ai répondu maintenant, à l’époque, non, mais aujourd’hui, parce qu’à l’époque, je n’avais pas élaboré ça encore, Je me souviens que je lui avais fait tabac d’un immense volume allemand d’histoire de l’écriture. Il était content mais je crois qu’il ne l’a jamais eu. Voilà, la grande question c’est la transduction. Et je reviens un petit peu sur la question de Colette, d’ailleurs, sur la fonction symbolique. La fonction symbolique suppose une coupure symbolique, un signifiant flottant, enfin tous ces machins que Lévi -Strauss et les structuralistes avaient introduits dans les années 1950. Le signifiant flottant étant très très important puisque chez Lacan c’est complètement structurant de sa pensée du désir, de l’économie du désir, Mais en même temps, ce qui leur manque à tous, à commencer par Lacan, c’est une conception transductive de ces choses -là. Et c’est pour ça que j’essaie d’élaborer, moi, ce que j’appelle la théorie du double redoublement épocale. Parce que le double redoublement épocale, c’est une transduction défasée. Je reprends des mots très précis là de Simonon, défasée. C’est-à-dire que la transduction, à temps donné qu’elle est défasée, d’abord, elle instaure une tension et une polarisation dans cette tension. et elle se déroule dans le temps. Et cette phase peut être très très longue, ça peut durer des décennies. Par exemple, je vous donne un exemple qui est peut-être un petit peu trop simpliste, mais entre ce qui se déclenche avec l ’Église réformée pleine renaissance, et ce qui aboutit au XVIIe siècle, en France par exemple, à ce qui va être le nouvel équilibre entre les catholiques, les protestants, mais aussi en Allemagne, alors en Italie c’est un petit peu différent, bien entendu, mais en Espagne, etc. C’est une longue phase d’engendrement Et c’est une longue phase de réagencement entre ce que j’appelle moi des rétentions tertiaires et des processus, des fonctions symboliques qui va prendre et qui va faire des millions de morts, des dizaines même de millions de morts. Ce n’est pas des centaines de milliers de morts comme dans Athènes, c’est des dizaines de millions de morts. Et donc, c’est pareil, on a totalement sous… Enfin moi je trouve qu’on n’a pas du tout suffisamment mesuré l’impact criminel de ces transformations qui sont colossales. coûtent extrêmement cher ces grandes transformations -là. Donc voilà, je crois que si je parle de transduction défasée, c’est parce que je pense qu’il faut avoir le courage de regarder les processus transductifs défasés en face, et que quand Derrida avait tendance à dire, bon, l’histoire du supplément, d’autres le feront après moi, quoi. Je ne disais pas ça, mais c’était un peu… Il fuyait un petit peu devant une tâche qui est, à mon avis, l’histoire même. Parce que l’histoire, elle est de ce côté -là. Elle n’est pas du côté de la logique du supplément. La logique du supplément, ce n’est pas l ’Histoire, c’est le méta -empirique. Mais l ’Histoire, ce n’est pas méta -empirique, c’est totalement empirique. Et ça fait beaucoup de victimes et de poubellisation de plein de choses. Enrico.

- Oui, merci. Je vous laisse. Ça va plus sur le lien entre votre néo-fonctionnalisme et le fonctionnalisme de l’Histoire. chez Aristote. Il me semble qu’il y a un très fort lien, parce que c’est à Aristote aussi que la fonction s’est liée à l’individuation. Il y a l’ensemble de formes, ce qui fait l’individuation de ce qu’on appelle les substances. Ce sont aussi les organismes, même les organismes complexes. C’est la forme, mais la forme, pour lui, ce n’est pas la forme dans le sens de ce qu’on voit, c’est plutôt un principe d ’organisation, de fonctionnement et d’activité. Enfin, c’est ce qu’il appelle la pose formelle et aussi la pose finale. Donc, il y a un très fort lien entre La forme, l’intégration et la fonction.

C’est une excellente question. Je ne vais pas vraiment avoir le temps de vous répondre parce que je dois partir maintenant normalement. Mais je vais y revenir de toute façon parce que je vais vers la théorie des quatre causes. D’ailleurs, demain, je prends le train maintenant parce que demain matin, je fais une conférence sur la théorie des quatre causes chez Aristote et chez Heidegger. Et justement, pour essayer d’avoir une approche que j’appelle néo -fonctionnelle de la cause finale. pas simplement de la cause matérielle et de la cause formelle, ou de la cause efficiente. Et d’un point de vue que j’appelle nég ’anthropologie, puisque je soutiens que, du point de vue de la nég ’anthropie, de la anti -anthropie ou de la nég ’anthropologie, la finalité non seulement n’est pas éliminable, mais elle est le moteur du processus, et donc on ne peut absolument pas s’en passer. Mais ça ne veut pas dire du tout qu’il faut revenir à Aristote. Ça, on ne peut pas revenir à Aristote. Mais ça veut dire qu’il faut, voilà, c’est ce que j’ai évoqué tout à l’heure, il faut intégrer Aristote, par exemple, au point de vue de la quasi -causalité de Deleuze. Alors, je ne vais pas le développer maintenant, parce que je suis obligé de partir, je suis vraiment désolé, mais je vais y revenir. Merci pour la question, en tout cas. Bon, je vous souhaite une bonne soirée.