Le séminaire Pharmakon en hypertexte : 2017

Séance 6

Séance 6

Questions de micro- et macro-cosmologie

Bernard Stiegler

Bernard Stiegler, « Séance 6 », dans Michel Blanchut, Victor Chaix (dir.), Le séminaire Pharmakon en hypertexte : 2017 (édition augmentée), Laboratoire sur les écritures numériques, Montréal, 2025, isbn : , https://pharmakon.epokhe.world/seminaire-hypertexte/2017/seance6.html.
version 0, 20/12/2025
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Tout notre savoir sera mort dès l’instant où se fermera la porte de l’avenir.

Dante, L’Enfer

Enregistrement du 15 février 2017 sur l’instance Peertube de la MSH Paris-Nord

Crédits : Épokhè et consortium CANEVAS

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Que veut dire l’intériorité ? je suis en train de vous parler de quelque chose que j’appelle, et cela pose problème - cette façon de dire - à beaucoup de gens et à moi aussi, la destruction des savoir-vivre par les modes d’emploi. Ça pose problème parce que le savoir-vivre, ça fait vraiment vieux réac. Cette destruction des règles des savoir-vivre par les modes d’emploi nous ne savons pas y répondre et ça produit des évènements racistes, de révolte qui vont peut-être conduite Marine Le Pen dans quelques mois à la tête de la République française ; ce sont donc des réalités extrêmement importante et par rapport auxquelles le discours (une certaine résignation à le voir disparaître) que l’on trouve est totalement indigent, pas du tout à la hauteur des problèmes qui sont posés ; quels sont ces problèmes ? ce que j’essaye de vous montrer dans ce séminaire c’est que ce sont des problèmes de micro et de macrocosmologie ; il est toujours très difficile de parler du savoir vivre, parce que ça paraît réactionnaire – on se l’attribue à soi et on le dénie aux autres c’est-à-dire que le savoir-vivre c’est le savoir-vivre des français, et pas de n’importe quels français, des petits blancs français - et qu’à chaque fois que l’on parle du savoir vivre on peut dénier le savoir vivre à l’autre – ce qui n’est pas tout à fait faux – le problème c’est qu’on ne voit pas que nous non plus nous ne savons plus vivre, pas plus que lui – l’autre que nous pointons du doigt – nous essayons d’improviser mais nous sommes largués. C’est un problème qui concerne fondamentalement la disruption. A Plaine Commune, nous voulons répondre à ce genre des questions par la macroéconomie ; nous considérons que prendre ces questions en charge c’est commencer à la traiter au niveau de l’économie parce que la cause de ces problèmes c’est l’économie ; c’est une économie qui détruit les savoir-vivre, qui détruit les modes de vie, qui prolétarise les gens et par ailleurs, nous pensons qu’il faut, pour pouvoir répondre à ces questions par la macroéconomie, il faut partir de la microéconomie c’est-à-dire qu’il fait partir d’un territoire qui est le territoire de Plaine Commune ; nous voulons articuler la microéconomie de Plaine Commune avec une vision macroéconomique que nous voudrions partage avec d’autres à partir de cette expérience ; nous avons donc un problème de passage à l’échelle et ce que je vous propose dans ce séminaire c’est de réfléchir au rapport micro – macro sachant que, outre qu’il y a des problèmes de microphysique et de macrophysique – mais là il faudrait ajouter la nanophysique, et ce matin je disais que nous sommes une nano-équipe ici, car nous ne sommes pas encore une micro-équipe – il faudrait parler de nanocosmologie, de microcosmologie, macrocosmologie et cosmologie tout court (la mécanique quantique c’est de la nanocosmologie). Nous nous intéressons à des questions de microéconomie et de macroéconomie, également de micropolitique et de macropolitique, et également bien entendu de cosmologie. Ceci devrait nous conduire si nous en avions le temps à la question de l’héritage de Deleuze et de Guattari ; j’en ai d’ailleurs déjà parlé dans ce séminaire dans une année précédente, j’avais attiré l’attention sur un passage de Capitalisme et schizophrénie dans lequel Deleuze et Guattari disaient : nous prônons la micropolitique mais ça ne veut pas dire qu’il faut abandonner les questions de macropolitique ; cela nous ramènera peut-être à des questions de rapport entre schizoanalyse et psychanalyse.

Il se trouve qu’hier nous avons eu un autre séminaire, le séminaire de la chaire de recherche contributive dans lequel nous avons lu des passages de Le moi et le ça de Sigmund Freud et dans lequel nous avons discuté des raisons pour lesquelles il fallait lire ce texte, à savoir que nous sommes dans un capitalisme pulsionnelhttps://www.cbsnews.com/news/phones-tablets-and-their-impact-on-kids-brains-60-minutes/↩︎ ; c’est un capitalisme qui détruit les limites sachant que ce qui permet de transformer la pulsion en libido c’est sa limitation, ce que Freud appelle aussi « le détournement de son but » ; ce qui fait qu’une pulsion peut se transformer en investissement, ce qui est une question d’économie, c’est qu’elle peut détourner son but et que ce détournement c’est ce qui consiste à différer la satisfaction de la pulsion et que Derrida appelle une différance avec un a ; ce diffèrement qui produit une différence spatiale, d’ailleurs exosomatique aussi, c’est la question qui nous intéresse ici. Pour que de tels processus de différentiation, de diffèrement, de différance avec un a puissent se produire, des limites doivent être partagées – qui constituent ce que j’appelle maintenant une micro et une macrocosmologie – et qui constituent aussi des liens parce que les limites permettent de lier les pulsions (c’est l’expression précisément de Freud) mais ce sont aussi les liens qui nous lient les uns aux autres – je suis lié à vous parce que je suis engagé avec vous dans la chaire de recherche contributive de Plaine Commune ; nous avons un contrat avec l’Etablissement public territorial de Plaine Commune et nous nous respectons par des obligations de toutes sortes, économiques, financières, juridiques, de politesse, ce que j’appelais tout à l’heure du savoir-vivre etc. et tout ça, ces ob-ligations, elles sont des liens, elles créent des liaisons en créant des limites ; c’est ce qui se dit en portugais obligado[ qui veut dire « je suis votre obligé » (on disait cela au XVIIIème siècle); ]{.texte idsp=“ qui veut dire « je suis votre obligé » (on disait cela au XVIIIème siècle);”}obligado se traduit par « merci » en français ; et merci ça vient du latin merces qui est aussi le radical de commerce. Tout cela m’amènera à vous dire bientôt pourquoi il faut penser toute économie comme une économie du don au sens de Marcel Mauss non pas au sens où la Revue du Mauss, Alain Caillé en l’occurrence, dit qu’il faut revenir à une économie du don d’une manière qui appartient à ce qu’ils appellent le convivialisme, même si c’est intéressant, mais je trouve que la manière dont les convivialistes articulent ces questions avec l’économie est très insuffisante. Je veux dire que Marcel Mauss pose que toute économie repose sur un circuit d’échange qui revient à son destinataire et que cette circulation-là, c’est toujours une forme d’économie du don, même si à un moment donné je paie, c’est-à-dire une forme de l’ob-ligation ; Je suis votre obligé, c’est quelque chose sans lequel il ne peut pas y avoir de commerce ; c’est pour ça d’ailleurs qu’un chercheur de l’Ecole des mines avait organisé au Château de Cerisy-la-Salle, il y a une dizaine d’années, une décade qui s’appelait, en gros, « le marché ou le commerce » dans lequel il disait qu’aujourd’hui le marché a détruit le commerce, que le commerce n’est absolument pas réductible au marché ; je suis absolument d’accord avec lui sur ce point-là. S’il faut revenir à une économie du don c’est pour revenir à une économie du commerce et d’un commerce au sens d’une revue magnifique qui s’appelait autrefois Le nouveau commerce.

Ayant dit cela, je voudrais revenir à un sujet dont on va bientôt parler avec Harry Halpin qui est le sujet de la transparence et qui est le sujet de Nextleap ; quel est le rapport ? quand je vous parle de microcosmologie et d’ob-ligation (et quand je cite la dame qui me dit dans le métro qu’il ne faut rien dire sinon on va nous dire qu’on est racistes), derrière tout cela, il y a « chez moi, c’est pas chez lui », il n’est pas chez lui et il ne sait pas respecter chez moi ; il y a une question du « chez soi » ; c’est une très grand question parce que quand, par exemple, on développe une idéologie de la transparence, on pose qu’il n’y a plus de chez soi ; pour ce qui me concerne j’essaye de réinventer de nouvelles règles de l’hospitalité et je pense que l’hospitalité, qui était un grand sujet de Jacques Derrida – tout le travail à la fin est consacré à l’hospitalité – il ne suffit pas d’en parler, il faut la réinventer, il faut réinventer des règles de l’hospitalité et cette question est inséparable de la question d’un « chez soi ». Que veut dire chez soi ? Ce que je veux dire, et là j’enchaîne toujours sur Le Moi et le ça – qui parle du Moi – il n’y a de moi que parce qu’il y a un chez moi ; les gens qui dorment dans la rue n’ont pas de chez eux, ils n’ont plus de moi ; ils sont privés de ce qu’on appelle la dignité de pouvoir dire « là c’est chez moi, tu ne rentres pas comme tu veux » mais quand vous dormez dans une station de métro, c’est pas chez vous – cela dit ça peut devenir un lieu où comme chez vous, vous voudriez que ce soit votre territoire et ça peut se terminer très mal. Chez moi, vous ne pouvez pas entrer sans y être invité ; une in-vitation, c’est toujours ce qui organise un passage ; in-viter c’est faire passer quelqu’un du dehors au-dedans, entre deux lieux et par une sorte de porte et qui est parfois ce qu’on appelle une porte étroite, très étroite – c’est le titre d’un ouvrage de Gide et c’est aussi une référence biblique. Il y a une sorte de loi du lieu qui est la loi du chez moi ; pour que je puisse avoir un moi, pour que je ne perde pas mon sentiment d’exister comme dit Donald Winnicott mais comme le disait aussi Richard Durn qui s’est suicidé le 3 mars 2002 en sautant par la fenêtre du Quai des Orfèvres et après avoir massacré 8 personnes et blessés 15 autres personnes au pistolet mitrailleur, c’était un militant écologiste, ancien membre du parti socialiste ; 15 jours avant, il disait j’ai perdu le sentiment d’exister, je ne me sens pas chez moi ; pourquoi est-ce qu’il n’était pas chez lui ? parce que la télévision était entrée chez lui ; c’est lui qui le disait ; il regardait la télévision en permanence ; il avait perdu complètement la notion d’avoir un « chez moi » ; et du coup, il avait perdu le sentiment d’exister. Je pense que les électeurs de Trump ont aussi ce sentiment ; et je pense qu’il en va ainsi parce qu’aujourd’hui il n’y a plus de chez soir ; évidemment je suis conscient du très grand danger de parler comme ça parce que c’est l’argument qui va faire que Marine Le Pen va très vraisemblablement remporter les élections en France. Qu’est-ce qu’elle dit ? nous ne sommes plus chez nous ; malheureusement c’est vrai ; ce n’est pas vrai du tout parce qu’il y a des émigrés, c’est parce que quelque chose a été détruit par une transparence qui élimine la possibilité de soi et donc du sentiment d’exister parce que ce sentiment c’est le sentiment qu’a le Moi d’exister par soi ; d’avoir un Soi et pas simplement un Moi.

Qu’est-ce que la loi du lieu ? c’est ce qui fait non pas que la loi du dehors ne s’appliquerait pas parce que chez vous, vos n’avez par exemple pas le droit de maltraiter vos enfants, votre concubin ou concubine, ou même de faire souffrir un chat etc., c’est interdit par la loi – et la loi s’exerce chez vous comme dehors sauf que chez vous la loi est localisée c’est-à-dire qu’à la différence de tous les autres endroits ailleurs, personne ne peut entrer chez vous si vous ne les laissez pas entrer, y compris la police qui ne peut entrer qu’avec un mandat d’arrêt ou avec un mandat de perquisition ; il y a dans la loi une protection du chez soi qui est évidemment fondamentale parce que c’est une protection du secret ; vous vivez comme vous l’entendez tant que vous n’êtes pas hors la loi, vous vivez comme vous voulez et vous pouvez le cacher à vos voisins ; tout être noétique a besoin de protéger une sphère intime et tellement intime qu’elle est inaccessible à elle-même puisqu’elle est celée dans l’inconscient. Aujourd’hui, c’est cette sphère qui est radicalement menacée ; et c’est ce qui fait que les gens disent absolument n’importe quoi, ne sont plus conscients de ce qui est juste autour d’eux. Pour que quelqu’un rentre chez moi, il faut que je l’y autorise ; quelle est cette autorité ? c’est celle du Soi qui est constituée par un « chez soi » qui est établi par des limites ; ce sont les limites de la microcosmologie à mon échelle ; chez moi, c’est mon microcosme qui appartient à un autre microcosme qui est par exemple mon village, mon quartier, mon immeuble etc. ; et à chaque fois il y a des différences qui s’opèrent, des différences entre un intérieur et un extérieur.

Il se trouve que depuis les années 60, Jacques Derrida, reprenant une expression de Heidegger, a entamé ce qu’il a appelé la déconstruction de la métaphysique ; celle-ci s’est avant tout opérée sur la base d’une contestation de l’opposition entre ce qui est intérieur et ce qui est extérieur ; Derrida, en particulier dans De la grammatologie, a montré pourquoi chaque fois que je cherche à fonder le raisonnement philosophique sur une intériorité qui serait protégée de l’extérieur, l’intériorité de l’ego par exemple, je produis en fait une opposition factice qui ne tient pas la route ; il a montré ça sur toutes sortes de registres, je ne vais pas m’y appesantir ; on pourrait souligner en passant que l’interprétation de Wittgenstein par Jacques Bouveresse par exemple dans son livre Le mythe de l’intériorité consiste à poser que selon Wittgenstein il n’y a pas d’intériorité ; je prétends que c’est faux ; Wittgenstein ne dit pas qu’il n’y a pas d’intériorité premièrement, il dit qu’il n’y a pas de langage privé, ce qui n’est pas la même chose et deuxièmement, je dis que Derrida ne dit pas qu’il ne faut pas faire de différence entre l’intérieur et l’extérieur ; il dit qu’il ne faut pas les opposer, ce qui n’est pas du tout la même chose ; la différence de l’intérieur et de l’extérieur, c’est la différance précisément. Si vous êtes d’accord avec moi pour dire que finalement ce que Derrida appelle la différance est un processus, ça ressemble beaucoup avec ce que Simondon appelle l’individuation psychique et collective, l’individuation en général d’ailleurs qui est un processus aussi, alors vous serez d’accord avec moi pour dire que, si on interprète Derrida avec Simondon, il y a une différence entre ce que l’on appelle l’individuation psychique, l’individuation collective et ce que Simondon appelle le préindividuel ; et ces différences-là, qui ne sont pas des oppositions puisque ce sont des dimensions ou des moments d’un processus que Simondon appelle des phases ; on ne peut pas les opposer puisque l’un ne va pas sans les autres ; c’est exactement comme le moi et le ça ; l’un ne va pas sans l’autre et on ne peut même pas les séparer ; mais par contre, il y a un processus de différentiation qui crée une dynamique interne, entre un intérieur et un extérieur, indubitablement ; l’extérieur ne peut pas s’individuer sans l’intérieur, par exemple l’individuation collective ne peut pas se produire sans l’individuation psychique mais l’individuation psychique ce n’est pas l’individuation collective; elle ne se produit que comme individuation collective mais elle ne se réduit pas à l’individuation collective ; réduire l’individuation psychique à l’individuation collective cela s’appelle le totalitarisme ; c’est Zinoviev qui exprime ça en 19 ?? dans les camps du Goulag et c’est aussi ce que produit aujourd’hui le capitalisme total qu’est le capitalisme computationnel ; c’est la même chose et c’est la même transparence et ce que dénonçait Zinoviev, c’était la transparence précisément.

Ce qui est vrai de l’intérieur, que l’on appelle parfois aussi « mon » intérieur – venez dans mon intérieur c’est-à-dire dans mon appartement, c’est intéressant comme expression que mon appartement soit mon intérieur ; j’ai commenté autrefois un livre d’Italo Calvino Si par une nuit d’hiver un voyageur où je montre qu’il décrit un personnage uniquement par l’analyse de ses objets dans la suite un peu de Georges Perec d’ailleurs, ça veut dire que ses objets sont son intérieur y compris l’intérieur de sa psyché qui sont des rétentions et des protentions au sens de Husserl et au sens que j’ai essayé d’ajouter c’est-à-dire des rétentions des protentions tertiaires ; quelles sont-elles ? c’est par exemple la bobine du petit-fils de Freud c’est-à-dire de cet enfant qui fait fort (loin) da (proche) et qui mime le départ de sa mère et qui à partir de ça oriente Freud vers la compulsion de répétition ; et c’est en l’observant d’une part et d’autre part en soignant des soldats de la guerre de 14-18 qu’il a élaboré toute cette théorie. Ce que je suis en train d’essayer de dire c’est que l’intérieur du petit-fils de Freud c’est la bobine au sens où c’est un meuble de son appareil psychique, de sn inconscient, de son ça et c’est ce qui constitue la question de son intériorisation à travers une idéalisation et une identification primaire et secondaire ; c’est ça qui constitue le narcissisme primordial, primaire et secondaire etc. ; c’est cela qu’il faut ajouter à Freud parce que c’est ce qu’il n’a pas été capable de penser ; pour le penser avec Freud, il faut passer par Winnicott mais pas seulement ; il faut aussi passer par les questions de micro et de macrocosmologie : il faut aussi passer par Warburg et par pas mal de monde.

Quelles sont les relations entre l’intérieur et l’extérieur ? et je le dis à l’intérieur de Plaine Commune à l’extérieur de quoi il y a le Grand Paris qui essaye de bouffer Plaine Commune et en dehors du Grand Paris il y a la France et en dehors de tout cela il y a un macrocosme qui s’appelle la biosphère c’est-à-dire l’Anthropocène ; quelles relations y a-t-il entre l’intérieur de Plaine Commune et l’Anthropocène ? je soutiens que pour poser cette question et pour produire dans l’anthropocène un néguanthropocène, parce que c’est ce que nous voulons faire ici, il faut se demander quel est le statut de la bobine chez le petit-fils de Freud parce que la bobine elle sort, il la lance c’est-à-dire que dans une économie contributive, on n’est pas dans une économie autarcique, on n’est pas en train de circuler à l’intérieur de Plaine Commune ; on échange avec le Grand Paris, on échange avec la France, on échange avec l’Europe, on échange avec l’anthropocène, avec Philae sur cette comète qui est si loin, aux limites du système solaire. C’est comme ça qu’il faut poser le problème de l’économie sinon nous ne serions pas dans une économie au sens moderne du terme, nous serions dans une autarcie qui est une forme d’économie, ça existe, on l’appelle parfois le communisme primitif mais c’est pas du tout ce dont nous parlons et c’est absolument pas notre fantasme de revenir vers ce genre de chose ; donc la microcosmologie que j’essaye de faire ici c’est pas une microcosmologie qui nous ramène au chamanisme et aux indiens, même si j’ai la plus grande admiration pour le chamanisme et pour les indiens mais ce n’est pas de ça dont nous parlons ; nous, nous parlons de la manière dont l’intérieur et l’extérieur com-posent transductivement. J’avais développé une théorie de la composition des forces, y compris du capital et du travail, dans Mécréance et discrédit, il y a 15 ans presque, en essayant de montrer qu’il fallait comprendre ces processus, y compris ce que sont capital et travail comme des relations transductives ; il faut aujourd’hui les penser non pas comme une opposition mais comme une composition, c’est-à-dire comme une transduction, et pour lutter contre la dé-composition et la désintégration qui est produite par le capitalisme aujourd’hui tel qu’il est devenu aujourd’hui un capitalisme totalitaire, un capitalisme qui repose sur la décomposition des intérieurs, du chez soi, de l’intimité, de la réflexivité par conséquent, parce que le soi c’est la réflexivité et donc de tout ce qui constitue la possibilité d’une individuation ; c’est le résultat de ce que nous appelons ici la prolétarisation.

Ce rapport transduction - composition a un nom en grec ; quand nous disons que des éléments sont en relation transductive avec Simondon, ou compositives comme j’ai essayé de le dire moi, il relève de ce que les grecs appellent ama ; et pour ceux qui ont un petit peu étudié Platon, Aristote surtout, Heidegger, Derrida, ce mot ama ne vous laissera sûrement pas indifférent, et j’y reviendrai peut-être dans les séances suivantes ; ama veut dire « en même temps » : il y a des choses qui viennent en même temps ; l’intérieur vient en même temps que l’extérieur et réciproquement ; ils sont en relation transductive ; vous ne pouvez pas penser l’intérieur sans penser l’extérieur et réciproquement ; ils ne sont pas opposés, ils sont différenciés et cette différentiation c’est celle d’un processus qui s’appelle la différance avec un a chez Derrida.

Ce dont j’essaye de vous parler dans ce séminaire, c’est de ce qui constitue des structures et des fonctions ; j’essaye d’isoler des fonctions et les structures qui sont toujours distribuées de manière bipolaire entre un niveau microcosmique et macrocosmique, microéconomique – macroéconomique, micropolitique – macropolitique etc. Ces structures et ces fonctions sont fractales parce qu’on les retrouve à toutes les échelles micro et macrocosmiques (grande spirale englobant de multiples petites spirales convergeant vers le point de fuite de la grand spirale); c’est une monadologie qui n’est pas strictement leibnitzienne mais qui a pas mal de choses à voir avec la monadologie de Leibnitz ; cela veut dire que vous avez des éléments fonctionnels, des rapports intérieur – extérieur que vous retrouvez à tous les étages, que vous retrouverez par exemple dans le rapport entre le ça et le moi, entre le moi et le surmoi, entre chez moi et dans la ville, la ville et la région etc. ; ce sont des rapports micro et macrocosmiques qui constituent des relations d’échelle et à l’intérieur desquelles se maintiennent comme dans des fractales des structures que vous retrouvez à tous les étages. On pourrait dire qu’elles sont hologrammatiques ; qu’est-ce qui m’a fait penser à ce terme ? c’est Mélenchon qui apparaît en hologramme le 5 février en meeting à Lyon ; c’est intéressant de regarder comment un type comme ça peut-être a envie de se tourner vers les Accélérationnistes et est en train de s’emparer d’un sujet dont il est question dans le livre L’Invention de Morel un roman d’Adolfo Bioy Casares publié en 1940 absolument fantastique qui se passe sur une île, c’est-à-dire un microcosme, envahie de leurres, d’hologrammes en particulier, qui sont ce j’appelle des rétentions tertiaires, qui vont totalement faire exploser le mec qui est sur cette île.

Les structures et les fonctions fractales dont j’essaye de vous parler entre micro et macrocosmologie semblent se reproduire à toutes les échelles – c’est pour cela que je les appelle fractales ou hologrammatiques (on retrouve le tout dans chaque partie) – ce sont par exemple es structures et les fonctions qui distinguent l’intérieur de l’appareil psychique de son extérieur et qui, tout en les distinguant, ne les opposent pas puisque ça compose ; je vous le disais tout à l’heure sur la bobine du petit-fils de Freud, mais votre intérieur, votre appartement, la manière dont vous vivez, ça compose aussi votre appareil psychique ; c’est ça que nous apprend Italo Calvino en commentant la manière dont vit la lectrice ; et c’est ça qui constitue un corps, qui n’est pas simplement un corps au sens de la physique ou de la biologie, mais un corps désirant, c’est-à-dire un corps noétique, puisque c’est comme ça que définit Aristote l’âme noétique ; il dit qu’elle est désirante et qu’elle est un cas de corps désirant spécifique – les âmes sont désirantes chez Aristote – mais je soutiens, moi, que les âmes noétiques sont des âmes qui désirent depuis leurs meubles et leurs immeubles, leur « chez soi », c’est-à-dire leur capacité à faire corps avec des organes exosomatiques qui vont bien au-delà des limites de leur corps physiologique comme organe spécifique constitué par ses limites ; mon corps, en tant qu’il est un corps noétique, a une capacité à s’augmenter, il fait corps avec d’autres corps à travers les objets avec lesquels il s’augmente ; par exemple, les objets que vous allez acheter chez IKEA pour aménager votre appartement ; ces objets, qui sont des objets intimes, mais il se trouve que ce sont aussi les objets d’un immense marché du mobilier qui est planétaire – vous trouvez IKEA en Chine – et ça pose des problèmes très spécifiques et qui sont les mêmes problèmes que pose la rétention tertiaire numérique par rapport à nos rétentions et nos protentions ; qu’est-ce que peuvent faire les rétentions numériques à nos rétentions et nos protentions ? dans la mesure où elles ont réussi, ces technologies, à nous faire accepter de transformer nos rétentions primaires et secondaires immédiatement en rétentions tertiaires et de les recevoir comme rétentions primaires et secondaires que comme rétentions tertiaires ( par exemple, je ne reçois et ne mémorise que ce que j’ai mis sur Facebook) ; à partir du moment où je fais ça et que toutes ces traces sont traitées automatiquement et à la vitesse parfois presque de la lumière, elles sont décomposées et désintégrées ; ce ne sont plus mes traces et c’est en cela que le calcul est désintégrateur parce qu’avec ces traces de rétentions, le calcul produit des protentions qui ne sont pas les miennes mais qui ressemblent aux miennes et que je prends pour les miennes; il me prive donc de moi-même ; il me « met à la porte » de chez moi, de mon intimité, il m’a exproprié, prolétarisé de manière intégrale c’est-à-dire totalement désintégré ; c’est ce qui arrive aujourd’hui à énormément de monde.

Il faudrait ici parler des savoirs et des disciplines ; qu’est-ce qu’une discipline ? c’est un « chez soi » ; chez moi par exemple, c’est la philosophie ; les géomètres sont bienvenus chez moi mais il ne sont pas philosophes ; Giuseppe Longo par exemple avec qui je discute n’est pas un philosophe ; il y a donc des moments où je me dis, bon, il est chez lui dans les maths, moi je suis chez moi dans la philo, il faut qu’on discute mais il y a des moments où on ne se comprend plus parce que la philo c’est pas chez lui et la géométrie c’est pas chez moi; il n’en a pas toujours été ainsi, il fut un temps où on ne pouvait pas être philosophe si on n’était pas géomètre et réciproquement ; il y a eu une évolution exosomatique qui a engendré une division du travail intellectuel qu’on va appeler la division disciplinaire qui s’est traduite par des institutions et qui en fait repose sur une division du travail tout court c’est-à-dire que le néolithique, la sortie de la communauté primitive dont je parlais tout à l’heure, primitive voulant dire communisme primitif si vous voulez, et qui va conduire à la sédentarisation, va engendrer une division du travail qui n’existait pas auparavant; il y avait certainement une division des tâches mais ce n’était pas une division du travail du tout au sens où par exemple Durkheim parle de division du travail ; le néolithique va commencer par non seulement diviser le travail mais diviser des fonctions, les fameuses théories des trois fonctions de Georges Dumézil, qui viennent surcoder, en macrocosme d’ailleurs, à travers des prêtres, des soldats et des paysans qui sont aussi des artisans une division en classes et c’est ce qui va produire ce que j’appelle une exorganisation sociale – on dit toujours « une organisation sociale » mais on ne devrait pas dire « l’organisation sociale » ; les organisations ce sont des organismes biologiques donc il y a des organisations biologiques et il y a des exorganisations sociales ; une organisation sociale, ça n’existe pas ou alors c’est une fourmilière. Les exorganisations sociales sont toujours fondées sur une division des tâches, une division du travail, une division en classes etc. Quant aux disciplines que nous essayons de pratiquer ici, elles adviennent d’une division du travail intellectuel qui, elle-même, a été engendrée par une division du travail à travers des instruments qui a conduit à une spécialisation et qui, à la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle, s’est traduite par une transformation du savoir en fonction de production du capitalisme ; c’est-à-dire qu’aujourd’hui le savoir, ce que j’appelle l’épistémè du capital, c’est avant tout une fonction de production, ce n’est plus du tout ce que c’était autrefois, et nous pensons, nous, que cette division-là est absolument néfaste et que la réduction du savoir à une fonction de production est absolument néfaste. Nous essayons de bâtir un travail transdisciplinaire et est-ce que celui-ci peut être conçu comme celui d’un équipage sur un bateau ? c’est une question que j’ai posée à la première réunion du séminaire de recherche contributive en vous proposant d’appeler ce séminaire « l’équipée » et nous sommes un équipage ; vous me voyez utiliser régulièrement la métaphore du bateau tout en contestant cette métaphore et je maintiens cette contestation tout en maintenant cette référence que l’on retrouve très souvent en particulier de Platon à Norbert Wiener ; si je pose cette question maintenant à nouveau c’est parce que une équipée constituée d’un équipage est constitué par des fonctions de discipline ; qu’est-ce qu’une discipline ? est-ce que l’on peut dire qu’une discipline est une fonction et si c’est une fonction, de quoi est-ce une fonction ? est-ce que par exemple la géométrie est une fonction de la physique ou l’inverse ? est-ce que l’on peut dire que les sciences de la nature sont une fonction de la philosophie ou l’inverse ? ou bien faut-il encore dire qu’il y a de nouvelles disciplines qui sont apparues, la technologie par exemple, qui ont fait de la géométrie une fonction de l’ingénierie etc. ? mille questions auxquelles je n’ai pas de réponse à vous proposer aujourd’hui. Ce que nous répond Whitehead et que je partage avec lui et que j’essaye de partager avec vous, c’est que les disciplines sont des fonctions de la raison et qu’il faut revendiquer ce concept de raison ; il faut revenir à cette conception qui consiste à dire que la raison n’est pas forcément un modèle de la métaphysique qu’il s’agirait simplement de déconstruire etc. D’ailleurs Derrida lui-même n’a jamais renoncé à la raison.

Donc nous sommes dans des disciplines ; je suis chez moi en philosophie ce qui ne veut pas dire que je comprends tout dans la philosophie mais enfin je suis chez moi dans la philosophie et je suis sensé vous dire : je vous invite dans la philosophie, je peux vous accueillir, vous donner l’hospitalité ; vous n’êtes pas des philosophes forcément mais je peux vous dire asseyez-vous là etc. et on va travailler ensemble, on va manger ensemble quelque chose de l’esprit ; vous pouvez en faire autant en m’invitant en économie, en psychanalyse ou je ne sais quoi ; il y a un chez soi épistémique dans tous les cas et ce chez soi il est constitué par des meubles et des immeubles qui sont par exemple des instruments qu’on appelle des livres ; les livres sont des meubles, meubles voulant dire ici mobiles, amovibles comme les rétentions tertiaires -je peux vous prêter un livre – et puis il y a un immeuble, par exemple la bibliothèque de Trinity Collège à Dublin, et ces immeubles, ils hébergent en général des institutions ; une discipline est donc toujours liée à une institution qui peut s’appeler l’Académie des sciences, l’Institut Pasteur, le CNRS ; une discipline peut être affilié par ailleurs à beaucoup d’institutions mais il y toujours quelque chose qui à un moment donné est fondé comme une institution – ce que j’avais appelé dans le tome 3 de la Technique et le temps un « dispositif rétentionnel » - qu’est ce que c’est qu’une institution ? c’est ce qui sélectionne dans les rétentions de manière officielle pour la discipline ; par exemple, dans Trinity Collège, vous avez un corps de gens qui pratiquent les sciences auxiliaires c’est-à-dire la bibliothéconomie comme on l’appelle aujourd’hui c’est-à-dire qu’ils sélectionnent – ce qui veut dire aussi catégoriser, indexer - des ouvrages pour en donner accès aux autres, étudiants, chercheurs etc.

Qu’est-ce que la prolétarisation ? C’est l’expropriation de mes meubles et de mes immeubles ; par exemple qu’est-ce que l’ouvrier tel que le décrivent Marx et Engels ? c’est un ouvrier qui n’a plus d’outils à lui ; exactement ce que dit Marx. Il n’est plus un ouvrier parce qu’il n’est plus chez lui; il travaille avec des outils qui ne sont pas les siens ; ce ne sont d’ailleurs pas des outils à proprement parler, ce sont des machines ; ces machines-outils pour lesquelles il travaille et qui travaillent elles-mêmes de plus en plus automatiquement, le prolétaire en est le serviteur mais ce n’est pas un serviteur au sens du Knecht de la dialectique du Maître et du Serviteur, c’est un prolétaire précisément. Il se trouve que dans cette prolétarisation, le chez soi des disciplines – disciplines ce n’est pas seulement la géométrie, la philosophie, la grammaire etc. c’est aussi la chaudronnerie, tous les métiers en fait, qui sont eux-mêmes évidemment des disciplines – d’ailleurs les corporations présentaient effectivement les métiers comme des disciplines, mais c’était aussi des modes vie, pas essentiellement des savoir-faire – tout ça a été transformé en capital fixe, qui est l’enjeu des Grundrisse, devenu du savoir par expropriation des rétentions primaires et des rétentions secondaires et des protentions primaires et secondaires qui constituaient le métier d’ouvrier et qui aujourd’hui affecte aussi les médecins, les infirmières, les juristes, absolument tout le monde y compris les traders.

Alors, on reviendra là-dessus plus tard, je vais m’arrêter là. Ça m’amènera tout ça à vous parler de la NSA, de la transparence, du droit, des conditions dans lesquelles le droit peut fonctionner en maintenant toujours des différences entre l’intérieur et l’extérieur ce qui ne nous ramène pas forcément à une conception réactionnaire du chez-soi mais par contre ce qui nous ramène à une question irréductible de l’intimité. Nous sommes menacés par la folie. Si aujourd’hui le monde entier tremble c’est parce que Donald Trump est à la tête des Etats-Unis et Donald Trump est littéralement fou au sens strict du terme. Il y a un texte qui circule maintenant aux Etats-Unis signé par de très nombreux psychiatres américains qui demandent une expertise psychiatrique de Donald Trump et qui disent qu’il est cliniquement manifestement fou et qu’il faut l’expertiser. C’est extrêmement grave parce qu’il ne va pas quitter son fauteuil comme ça, ce n’est pas quelques psychiatres qui vont le faire partir comme ça et il a derrière lui des millions de gens armés jusqu’aux dents puisqu’il défend le lobby des armes et que donc l’affaire est très loin d’être réglable par simplement une expertise psychiatrique. Si je vous le dis c’est parce que si un type comme ça, complétement fou et qui est un héros de TV-reality a pu devenir président de la première puissance au monde et dans le cosmos pour autant que l’on connaisse le cosmos comme étant habité par des êtres comme nous, sur terre donc c’est la plus grande puissance du cosmos. Trump c’est un fou. Qu’est-ce que ça veut dire ? ça veut dire que la situation dont je vous parle là, pour moi, qui concerne la destruction de l’intimité, c’est ce qui produit une situation de folie dont je crois qu’elle procède fondamentalement de ces questions.

Je m’arrête. J'aurais voulu parler un peu de Wikileaks, mais je ne vais pas le faire parce qu'il est trop tard et je veux que Colette ait le temps d’intervenir. Je ne sais pas si Laurent interviendra derrière. Je ne sais pas ce qu'il en pense. Je ne sais pas le temps qu'ils ont prévu, d’ailleurs, pour ça. Mais je termine juste en disant que nous avons beaucoup discuté avec Colette Tron, non pas dans le contexte de ce séminaire, mais à l'intérieur d'Ars Industrialis sur la nécessité de d'enchaîner sur les lanceurs d'alertes récemment, après une opération que nous avions lancée avec Raphaël d'ailleurs et Harry Alpin et un certain nombre d’autres, au mois de, je ne sais plus quand, octobre je crois, au centre Pompidou, pour protester contre l'enfermement de Julian Assange depuis cinq ans à l'ambassade de l'équateur à Londres. Et il se trouve qu'entre temps, enfin non, ce n’était pas en octobre, c'était en juin, il se trouve qu'entre-temps j'étais passé aux Etats-Unis. J'ai écrit dans un livre qui est paru l'été dernier d'ailleurs que Trump était très vraisemblablement éligible et qu'il fallait s'attendre à ça.​​ Et quand j'étais aux Etats-Unis et que j'ai commencé à parler de ça - que d'ailleurs personne ne voyait venir aux Etats-Unis - il y avait par contre quelque chose que me disaient tous les gens aux Etats-Unis, c'est Assange n'est plus notre ami.

Et je pense que voilà, c'est ce qui a fait que finalement je n'ai pas voulu, contrairement à ce qui était prévu, parce qu'au départ je devais rencontrer Julian Assange au mois de décembre dernier parce qu'on avait un projet de livre ensemble et finalement j'ai interrompu tout ça parce que je pense qu'il y a une irresponsabilité de Wikileaks dans ce qui s'est passé aux Etats- Unis absolument flagrante.​​ Quand je dis ça, ce n'est pas du tout pour condamner ni Assange ni Wikileaks. C'est simplement pour dire que ces problèmes-là, il ne s'agit pas de condamner, de trouver des coupables, ça ne m'intéresse pas du tout. Mais par contre, je pense qu'il y a des problèmes de responsabilité par rapport aux limites, aux frontières, à la transparence. Tout n'est pas transparent, tout ne doit pas être transparent. Une catastrophe, la transparence totale, c'est ce que Zinoviev décrit comme le totalitarisme stalinien. Et c'est aussi ce que décrit d'ailleurs le docteur Mabuse et Fritz Lang dans les années 30, dans l'expressionnisme allemand pour décrire ce que c'est que le nazisme. Donc, il faut quand même faire extrêmement attention à ne pas renverser les choses simplement en mettant les choses à l'envers pour refaire la même chose dans l'autre sens. Donc, nous devons impérativement ici, dans le contexte de Nextleap par ailleurs, sur le territoire de Plaine Commune, Nextleap qui est un programme européen qui travaille sur les problèmes de cryptographie, nous devons élaborer une vraie philosophie du secret, une vraie philosophie de la localité y compris parce que l'économie dont nous parlons qu'on appelle l'économie de la néguentropie est nécessairement une économie de la localité puisque la néguentropie est toujours locale. Donc, nous essayons dans ce séminaire d'intégrer ces choses-là de manière la plus cohérente possible, ce qui n'est pas facile.