Le séminaire Pharmakon en hypertexte : 2017

Séance 10

Séance 10

Questions de micro- et macro-cosmologie

Bernard Stiegler

Bernard Stiegler, « Séance 10 », dans Michel Blanchut, Victor Chaix (dir.), Le séminaire Pharmakon en hypertexte : 2017 (édition augmentée), Laboratoire sur les écritures numériques, Montréal, 2025, isbn : , https://pharmakon.epokhe.world/seminaire-hypertexte/2017/seance10.html.
version 0, 20/12/2025
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Enregistrement du 12 avril 2017 sur l’instance Peertube de la MSH Paris-Nord

Crédits : Épokhè et consortium CANEVAS

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Dans la question de l’exorganisation, de l’évolution exorganique autrement dit - c’est comme ça qu’il faut l’appréhender - il y a une évolution exorganique, il y a une théorie de l’évolution exorganique et en fait, c’est ce qu’on essaye de faire. Il est essentiel de reprendre le point de vue qui est le nôtre dans ce que nous essayons de faire en matière de description de l’évolution exorganique, à savoir l’économie contributive ; c’est de ce point de vue que nous essayons de penser les exorganismes et la thèse que nous soutenons à Plaine Commune c’est que, pour développer une économie contributive il faut requalifier ce qu’on appelle la localité. Dans ce contexte-là, il faut prendre très au sérieux les affirmations d’Alfred Lotka concernant ce qu’il en est de l’évolution de la biomasse et en particulier lorsque cette biomasse devient exorganique – ce qui n’est pas le cas dans le texte de 1922 mais ce qui est le cas dans le texte de 1945 comme vous le savez puisque qu’on y a consacré une séance il y a un mois (Séminaire pharmakon 8). En 1922, Lotka n’a pas encore lu Vernadsky puisque le livre de Vernadsky, La biosphère, ne sera écrit qu’en 1925, 3 ans après, mais en revanche il pose déjà, comme Vernadsky, que la biomasse dans son ensemble constitue, par des voies diverses et variées, des relations systémiques et en particulier des relations entre proies et prédateurs par exemple, ce que décrit Darwin, et plus précisément cela constitue ce qu’à l’époque de Darwin on n’a pas encore identifié à savoir ce qu’on commence à appeler à l’époque de Lotka des écosystèmes ; qu’est-ce qu’un écosystème ? d’abord, c’est un système dynamique au sens où Ludwig von Bertalanffy, qui est aussi un biologiste, 10 ans après va construire le concept de système dynamique ouvert. Ce que décrit le texte de 1922, c’est un écosystème au sens classique c’est-à-dire un système endosomatique. Dans la théorie de l’écologie scientifique, les écosystèmes décrivent toujours des écosystèmes d’animaux ou d’êtres vivants (plantes, bactéries etc.) non pas d’êtres exosomatiques ; on emploie le terme écosystème pour parler des êtres exosomatiques , par exemple Google parle d’écosystème, de son écosystème, le management s’est emparé aujourd’hui du mot écosystème mais c’est par une métaphore et c’est une catastrophe, cette métaphore (il faut se méfier du management, énormément ; il faut savoir comment il travaille mais il ne faut surtout pas reproduire sa bêtise parce que le management c’est d’abord de l’idéologie ; même s’il a des méthodes très efficaces – c’est pour ça qu’il réussit, il est efficient comme on dit – néanmoins c’est d’abord de l’idéologie, ça repose sur de l’idéologie).

Nous, nous intéressons aux écosystèmes exosomatiques qui commencent avec la constitution de milieux qui sont structurés sous forme d’un habitat où on habite véritablement (voir le texte de Heidegger sur Bâtir, habiter, penser où on parle d’habitation i.e. là où l’on acquiert des habitudes et pas seulement des réflexes ou des instincts). Dans un écosystème quel qu’il soit, qu’il soit exosomatique ou endosomatique, c’est l’ensemble des acteurs organiques du système d’une part et des ressources inorganiques d’autre part, que ce soit du rayonnement solaire, de l’oxygène, de l’eau, des ressources minérales issues de la nécromasse, par exemple l’humus ou le pétrole, c’est cet ensemble qui constitue un système qu’il faut considérer, à partir de Vernadsky, à l’échelle de la biosphère, c’est ce qu’explique Vernadsky, et Lotka dit : comme une biomasse, qui à l’échelle de la planète déjà doit être considérée comme un processus de transformation, pour Vernadsky comme pour Lotka, de la chimie minérale en biochimie. L’apport fondamental de Vernadsky c’est de dire qu’il faut regarder le vivant d’abord comme un phénomène de chimie ; on est passé de la chimie sidérale, au sens de la physique, à la biochimie qui ne peut plus être simplement une approche physique mais aussi biologique, et ça pose de très gros problèmes de vocabulaire ; Lotka dit la même chose et ce qui est derrière la question des écosystèmes qui font fonctionner ensemble des systèmes dynamiques de toutes échelles, des systèmes dynamiques physiques comme par exemple le système solaire, des systèmes dynamiques (je dis dynamiques parce que ça se transforme) géologiques comme par exemple le pétrole, des systèmes dynamiques que sont les êtres vivants etc. la question qui est derrière tout ça ce sont les métabolismes. Nous, nous essayons d’inscrire dans tout cela le concept d’écosystème exosomatique et nous posons par ailleurs qu’un écosystème exosomatique est structuré par des relations d’échelle – c’est aussi vrai des écosystèmes endosomatiques bien entendu ; quand par exemple Bergson dit dans L’évolution créatrice que l’herbe mangée par la vache est une transformation des rayons du soleil et du carbone qui est sous terre dans l’humus c’est-à-dire dans la nécromasse, on a déjà affaire à une question de relation d’échelle ; cette question des relations d’échelle est très présente chez Gilbert Simondon et en particulier dans la dernière partie de Du mode d’existence des objets techniques ; il l’aborde à partir de ce qu’il appelle la question des « points clés » et pourquoi est-ce que c’est très important ? c’est parce qu’autour de ces points clés se constituent des microcosmes et les points clés sont des réalités sacrales – pour ne pas dire sacrées, des réalités d’élévation, une notion qui est théorisée depuis très longtemps en philosophie – ça commence même par-là, la philosophie – et en plus c’est pratiqué par les chamanes, en fait par toutes les civilisations où on opère des relations d’échelle entre microcosme et macrocosme, sauf dans la nôtre, parce que nous sommes, nous, dans une relation d’échelle qui est devenue automatique court-circuitée par des algorithmes et que nous sommes entrés à l’ère de nouveaux types d’exorganismes tout à fait différents de tous ceux qui ont précédé, tout à la fois des exorganismes antéurbains (au néolithique) mais ça se poursuit avec ce qu’on a examiné précédemment, en allant vite, au titre de ce que j’ai appelé les exorganismes industriels puis des exorganismes transnationaux comme IBM et aujourd’hui, ça se continue au travers de ce qu’on appelle le Seasteadinghttps://fr.wikipedia.org/wiki/Seasteading↩︎ . Si je vous en parle là c’est parce qu’aujourd’hui je vais vous parler un petit peu de Peter Thiel qui est comme vous le savez le conseiller de Trump maintenant et qui porte tout un discours qu’il faut analyser de très près ; Thiel est un élève de René Girard qui lui-même est un catholique fervent qui enseigne la philosophie à l’Université de Stanford. Nous sommes dans une évolution des exorganismes depuis le néolithique en particulier puisque ce que j’appelle les exorganismes complexes ce sont des réalités de ce type-là (p. ex.  « L’île nageante » d’Andràs Györfi https://www.inmodern.com/14-andras-gyorfi↩︎) ce n’est pas simplement vous et moi en tant que nous sommes des exorganismes en tant qu’êtres vivants dotés d’organes artificiels et nous devons bien comprendre quels sont les enjeux qui se trouvent derrière le Seasteading par exemple sur le plan économique, politique mais aussi épistémique car les exorganismes ça produit de l’épistémè. L’exorganogenèse, ce n’est pas simplement la production d’organismes complexes (constructions préurbaines ou Ile flottante) mais c’est aussi tout ce qui constitue le processus d’exosomatisation de la noèse qui était le sujet du séminaire qui avait commencé en octobre à savoir « penser l’exosomatisation » et je vous rappelle que l’exosomatisation de la noèse pour moi commence véritablement à partir du paléolithique supérieur et comme production de rétentions tertiaires hypomnésiques. Si j’y insiste c’est parce qu’il faut comprendre que l’apparition du Seasteading est contemporain de l’apparition d’un nouveau type de rétention tertiaire hypomnésique qui s’appelle les algorithmes et donc si on n’arrive pas à penser les deux ensembles on ne comprendra absolument rien de ce qui est en train de se jouer. Pour penser les deux ensembles, il faut lire un peu Peter Thiel ; il faut aussi lire par exemple cet articlehttps://www.e-flux.com/journal/81/125815/on-the-unhappy-consciousness-of-neoreactionaries/↩︎ de Yuk Hui sur ce que Peter Thiel a dit en 2004 sur la fin de la démocratie après le 11 septembre 2001 et pourquoi il faut renoncer à la démocratie etc. On en reparlera. Par contre ce que nous ferons cet été à l’Académie d’été à Epineuil, ça consistera à lire Emmanuel Kant, Marcel Mauss, Carl Schmitt et Peter Thiel ensembles et pour situer le programme de Plaine Commune, territoire apprenant contributif, dans un contexte géopolitique qui, si on n’en tient pas compte, nous fera exploser le programme parce que nous sommes justement dans des relations d’échelle automatisées et que nous ne maîtrisons plus ces relations d’échelle. Si nous ne sommes pas capables de comprendre la dimension géopolitique de ces relations d’échelle nous irons à l’échec très vite.

Ayant dit cela, je voudrais introduire une thématique que je ne vais pas développer aujourd’hui mais que je vous indique aujourd’hui pour produire ce que j’ai appelé un déterminant ; tout ce que je vous dis – vous ne m’avez pas encore entendu dire cela dans ce séminaire mais ceux qui suivent mes séminaires depuis quelques années le savent parce que je le dis toujours à un moment donné dans un séminaire - c’est vous qui le dites ; tout ce que vous entendez de ce que je dis en fait c’est vous qui le dites, ce n’est pas moi ; parce que vous ne faites qu’entendre ce que vous retenez de ce que je dis et en plus, de ce je dis, vous projetez des choses que je ne dis pas et chacune et chacun d’entre vous entend de choses totalement différentes, heureusement d’ailleurs parce que c’est cela qui produit de la noodiversité et de la néguanthropologie même si cela pose des tas de problèmes, par exemple des problèmes de vocabulaire, le 24 mai comment est-ce que nous arriverons à ne pas dire trop de conneries en ayant des tas de quiproquos entre nous et avant de pouvoir essayer de dire aux gens comment on doit utiliser le vocabulaire que nous utilisons, il faudrait que nous commencions à apprendre à l’utiliser nous-mêmes parce que pour le moment nous ne le faisons pas du tout. Quoi qu’il en soit, ce processus, quand on veut enseigner quelque chose et essayer de faire en sorte que les gens convergent vers un vocabulaire commun tout en gardant la richesse de la noodiversité de leurs diverses compréhensions – et c’est ça un bon prof ; c’est quelqu’un qui est capable de faire cela – il faut produire des déterminants ; qu’est-ce qu’un déterminant ? c’est ce qui va créer un horizon d’attente qui va faire que ce que vous écoutez, vous allez l’écouter à partir de quelque chose que j’aurai semé en vous. Le grand spécialiste de ces sujets s’appelle Alfred Hitchcock ; si vous voulez un très bon exemple de ça vous regardez le début du film qui s’appelle L’homme qui en savait trop et où il vous distille trois ou quatre trucs qui fait qu’ensuite vous allez être accrochés par ce qu’il veut que vous regardiez dans le film.

Donc maintenant je produis des déterminants, des déterminants par rapport aux deux dernières séances de ce séminaire qui auront lieu dans deux semaines et dans un mois. Je voulais vous parler de deux choses dont j’ai parlé au début de ce séminaire, qui sont l’intimité et le secret ; je vous rappelle que nous sommes aussi dans ce séminaire pour travailler non seulement pour Plaine Commune mais pour le programme NextLeap qui est un programme européen que mène l’IRI avec nous et que nous voulons territorialiser sur Plaine Commune. Dans le programme NextLeap, il y a deux sujets fondamentaux qui sont premièrement la question de la transparence d’une part et d’autre part du cryptage, et derrière tout cela il y a la question du secret, la crypte – un mot qui est présent dans le vers cryptestai qui veut dire enfouir, cacher, dissimuler – et d’autre part l’intimité, qu’on appelle parfois privacy. Ça c’est un des premiers sujets de NextLeap, le second c’est comment on fait des infrastructures distribuées, décentralisées et donc territorialisées ; je ne vais pas vous en parler mais par contre je veux revenir sur un point : l’intimité et le secret, ce que j’appelle ainsi, que j’appelle aussi l’extimité en me référant à Jacques Lacan – et je vous rappelle que l’inconscient c’est ce que vous portez en vous mais qui est secret pour vous et souvent plus secret pour vous que pour les autres, en tout cas pour ceux qui vous connaissent bien – c’est ce qui constitue la base de toute bifurcation néguentropique ; si on détruit ça, qui est la racine et la condition de possibilité de ce que Simondon appelle l’individuation, l’individuation psychique, il n’a y plus d’’individuation possible, il n'y a plus que ce que Guattari appelait de la « dividuation » qui est le sujet, j’y reviendrai, de L’homme sans qualité de Robert Musil.

L’infime localité, c’est la localité la plus secrète que je porte en moi, et elle est tellement secrète que moi-même je ne la connais pas, je ne peux pas y accéder ; J’appelle ça la localité inframince au sens où Marcel Duchamp parlait de l’inframince ; et cet inframince, c’est aussi ce qui constitue la différance avec un a en tant qu’elle constitue ce que Jacques Derrida appelait « l’architrace » qui est une trace toujours inframince c’est-à-dire elle est tellement différante avec un a qu’elle n’arrive même pas à se constituer comme une trace mince, elle est inframince, elle est inaccessible et ça, c’est la structure que Derrida décrit en particulier dans La différance, et beaucoup d’autres textes comme évidemment De la grammatologie etc. qui est le processus de localisation du secret dans le même. Ce que montre Derrida dans sa critique de l’opposition du même et de l’autre, c’est-à-dire du dedans et du dehors, donc ce qui consiste à dire qu’il y a des frontières qu’on peut contrôler etc. ce n’est pas pour rejeter les frontières puisqu’il a fait un colloque auquel j’ai participé qui s’appelle Le passage des frontières – pour passer les frontières il faut bien qu’elles existent sinon on ne peut pas les passer – dans toute sa déconstruction des rapports du même et de l’autre et comme vous le savez, le même et l’autre c’est le cœur du platonisme ; c’est-à-dire que le platonisme c’est d’abord ce qui, par exemple dans Le sophiste, dans Parménide, dans un certaine nombre de textes, essaye de penser l’Etre à partir des catégories du même et de l’autre, de l’identité et de la différence si vous préférez, ça c’est ce qui est constitué pour Derrida par le secret inframince de l’architrace ; et si je vous en parle, ce n’est pas pour le plaisir de faire de la déconstruction – qui n’est plus du tout un plaisir pour moi d’ailleurs, je trouve ça chiant maintenant parce que j’entends tellement rabâcher la même chose tout le temps que ça ne m’intéresse plus – mais par contre parce que c’est le cœur de notre sujet qui est l’économie contributive en tant que c’est une économie de la localité et du secret c’est-à-dire de la bifurcation qui surprend tout le monde y compris celui qui la produit ; si vous pouvez vous surprendre vous-même en produisant une bifurcation c’est parce qu’il y a une part de vous-même qui vous reste absolument secrète et que seules des activités artistiques par exemple ou philosophiques, ou autres, des discussions avec des amis, ou l’amour, vont vous permettre de rendre accessibles pour vous en passant par l’autre ; ça c’est ce que dit Socrate ( j’ai créé pharmakon.fr il y a 8 ans maintenant pour essayer de montrer que précisément le sujet du pharmakon c’est le sujet de Socrate et pas de Platon).

Cette différance inframince dont je viens de vous parler, Derrida a eu beaucoup de succès dans le monde des Gender Studies parce qu’il a montré qu’elle passe par la différance sexuelle qu’il faut écrire avec un a et pas avec un e et ça je ne suis pas sûr que Derrida lui-même n’ait finalement jamais étudié la différance sexuelle telle que je vous en parle là et cette différance sexuelle c’est une différance exosomatique ; ça n’est pas la sexuation des organismes vivants qui apparaît déjà il y a plus d’un milliard d’années et il faut que nous comprenions que ce à quoi nous travaillons en travaillant sur une économie contributive de l’exosomatisation, car c’est de ça dont on parle, nous aurons à connaître à un moment donné cette différance sexuelle à travers par exemple la question de la GPA et toutes ces choses-là qui sont peut-être ce qu’il y a de plus exorganique aujourd’hui dans l’exorganisation de nos sociétés ; il faut que nous comprenions que derrière toutes ces questions il y a cette question de ce que j’appelle l’inframince.

Par ailleurs, ce que j’appelle les rétentions secondaires psychiques et collectives ainsi que les protentions secondaires psychiques et collectives sont ce sans quoi il n’y a ni savoir, ni époque, ni donc noèse ; la dénoétisation dont je parle c’est ce qui consiste à court-circuiter ces rétentions-là ; un des très grands problèmes qui fait que Marine le Pen peut-être va remporter les élections nationales en France c’est qu’elle parle de ça et un des très grands problèmes qu’a à produire la ville de St-Denis, plus exactement l’Etablissement public territorial de Plaine Commune qui rassemble neuf villes c’est qu’ils doivent produire cela ; s’ils n’y arrivent pas à produire cela, ça ne marchera jamais et donc c’est notre problème d’économie contributive, pas simplement économique au sens restreint c’est-à-dire comment faire pour que Vinci, Dassault System et la Société générale arrivent à travailler avec des associations, des sans-papiers etc. et que tout cela produise quelque chose d’intéressant c’est-à-dire de néguentropique ? ça ne se fera pas si nous ne produisons pas ça parce que ça, les rétentions secondaires collectives et les protentions secondaires collectives, ça s’appelle des savoirs et ces savoirs sont toujours locaux c’est-à-dire toujours localisés ce qui ne veut pas forcément dire territorialisés ; il y a des lieux qui ne sont pas des territoires ; par exemple l’Académie des sciences ce n’est pas un territoire et toutes les grandes instances internationales du domaine sportif, du domaine scientifique, du domaine artistique ce ne sont pas des territoires ou si on le dit, c’est par métaphore ; ce sont des localités et ce n’est pas la même chose. Ce que nous voulons faire en sorte nous, c’est que sur le territoire de Plaine Commune atterrissent des localités réticulaires, et en particulier des communautés de savoirs, sportifs, architecturaux, culinaires, mathématiques, tout ce qu’on veut, y compris à travers évidemment une macroéconomie. Et tout ça suppose que soit constituées des communautés topologiques constituant des ensembles distribués – au sens topologique – et constitués par des droits d’accès à l’ensemble, par exemple le droit de changer le droit c’est-à-dire le code car c’est ça le droit pour nous - quand je dis pour nous, je dis pour ceux qui continuent à croire à la politique contrairement aux libertariens comme Peter Thiel ; pour nous qui sommes d’accord avec Yuk Hui ( après on verra si on est d’accord dans le détail) pour dire, oui en effet c’est là qu’est la lutte ; nous nous battons pour défendre un héritage de l’Aufklärung, c’est ce que dit Yuk, contre la conscience malheureuse de l’Occident dont Peter Thiel est une expression. Ça, pour pouvoir le faire comme Yuk essaye de le faire d’ailleurs, il faut penser le code avec Lawrence Lessig ; il faut penser le code à l’époque où le code est devenu binaire et ça veut dire que penser l’architecture et l’architectonique d’un territoire contributif ça veut dire aussi penser les architectures de données des plateformes parce que le code, y compris le code juridique aujourd’hui, il est algorithmique, c’est-à-dire qu’il passe par des plateformes, c’est ce que décrit Antoinette Rouvroy et qu’elle appelle la « gouvernementalité algorithmique » ; et là, il faut que nous soyons au top niveau de ce sujet ; si nous voulons produire des rétentions secondaires collectives et des protentions secondaires collectives sur ces questions-là, il faut que nous soyons en avance bien entendu, nous devons être à l’avant-garde de ces sujets et pas à essayer de courir derrière pour faire plaisir à Stiegler ou à Plaine Commune ou à Dassault System, non !, nous devons penser ces questions.

Les rétentions et les protentions d’urbanités délibératives, parce que c’est ça le droit (au sens où nous le défendons, le droit politique) c’est ce qui suppose des urbanités délibératives, que ces urbanités ne soient accessibles uniquement aux aristocrates comme c’est le cas d’Athènes ou également aux métèques et aux esclaves comme ce sera le cas plus tard, laissons tomber ; ce qui est important c’est urbanités d’une part, délibératives d’autre part et c’est ce que Peter Thiel veut éliminer ; ces rétentions et ces protentions, il veut, à travers ses algorithmes, les court-circuiter en disant que c’est de la merde, c’est de l’empêchement d’agir, ça entrave la liberté économique et donc il faut le supprimer parce que, pour Peter Thiel, il n’y a plus besoin de l’individuation psychique et collective pour produire des circuits de transindividuation, il suffit d’avoir de bons modèles mathématiques en mathématiques appliquées. Autrement dit, ce que vise Peter Thiel, c’est la dissolution de la localité par la désintégration des rétentions et des protentions, qu’elles soient psychiques ou collectives (là je renvoie aux 400 pages que j’ai écrites dans La société automatique puisque c’était vraiment ça que j’ai essayé de montrer dans ce livre).

Nous avions vu qu’à partir de son expérience personnelle de l’exosomatisation et à partir de 1875 environ c’est-à-dire à l’époque où il va écrire L’avenir de nos établissements d’enseignement, Nietzsche parle déjà de l’exosomatisation et de l’information ; il dit par exemple : « aujourd’hui, dans nos établissements d’enseignement, les professeurs sont transformés en journalistes, ils gèrent de l’information, ils ne produisent plus du tout du savoir » ; il parle déjà de ce que j’essaye, moi, de conceptualiser aujourd’hui en 2017 ; il en parle il y a 150 ans déjà parce que c’est précisément à ce moment-là que se développent les grands exorganismes industriels d’une part et les réseaux télégraphiques mais aussi les réseaux ferrés, les machines et la presse et que nous dit-il dans Le voyageur et son ombre 1878 ? il voit venir là-dedans « quelque chose de terrible ; le chaos tout proche » et il ajoute en 1882 « tout est flux ». Qu’est-ce que le chaos ? c’est ce qui va advenir au début du XXème siècle comme la première guerre mondiale ; Nietzsche l’anticipe ; et Lotka dont je vous ai parlé, lui, ne l’anticipe pas, il la vit, depuis les Etats-Unis heureusement pour lui, mais il est effrayé par ce qu’il voit ; l’effroi dont je parle à propos de Nietzsche se traduit chez Lotka par tout son analyse de la biomasse et de la pulsion de destruction qu’il y a dans le vivant qui est aussi une volonté de puissance, c’est ce que j’ai essayé de commencer à vous dire l’autre fois, et c’est pour ça qu’avec Lotka, nous allons pharmacologiser le discours de Nietzsche ; nous allons reprendre le concept de volonté de puissance de Nietzsche mais en y introduisant quelque chose que Nietzsche lui-même n’y introduit pas ; il l’introduit un peu mais pas clairement. En passant je remarque que le chaos dont parlait Nietzsche dans le fragment que j’ai cité est devenu à la fin du XXème siècle le concept à la mode, dont à peu près tout le monde a parlé sauf Derrida d’ailleurs, en mathématique, en physique, évidemment dans la théorie de l’entropie etc. et qui est, à mon avis, un bordel conceptuel monumental ; on y reviendra aussi, pas dans ce séminaire, mais cette question de la théorie du chaos sur laquelle je crois que Deleuze s’est un peu fourvoyé et Guattari avec lui, je pense qu’il faudra qu’on y revienne très précisément parce que je pense que c’est la question de demain, aussi bien sur le plan métaphysique que politique, mathématique et scientifique et donc il va falloir que nous nous réaffrontions à ces questions du chaos qui sont extrêmement importantes par ailleurs en économie et donc pour Plaine Commune.

Qu’est-ce que nous dit Barbara Stiegler de Nietzche puisqu’elle commente ce fragment de Le voyageur et son ombre et pas mal d’autres fragments. Ils nous disent, Nietzsche et tel que l’interprète Barbara, que, pour ne pas être décomposées (la décomposition depuis la thermodynamique ça s’appelle l’entropie), pour ne pas être désintégrées au sens où je parlais tout à l’heure du fait que Peter Thiel veut désintégrer les rétentions et les protentions pour pouvoir les court-circuiter et pour pouvoir les emporter trans-dividuellement et non pas trans-individuellement et comme résidus amorphes dans le flux c’est-à-dire pour en faire finalement de la prolétarisation de masse, pour ne pas tomber dans tout cela, nous dit Nietzsche, les âmes doivent préserver ce que j’appelle moi la spirale métastable qui conditionne le processus de leur individuation (c’est comme ça que j’interprète moi-même le commentaire de Barbara) et je vous disais que cette spirale métastable – ces spirales métastables que vous et moi nous sommes – si on lit bien Nietzsche, qui se réfère à Héraclite de manière très explicite sur ce point, nous sommes des tourbillons dans un flux, dans le fleuve d’Héraclite : Nietzsche essaye de penser ça mais il n’a pas les concepts du chaos, il n’a pas les concepts des structures dissipatives, il n’a pas toutes ces choses-là, donc il le fait sans les formalismes dont, nous, nous disposons qui sont d’ailleurs de formalismes très mal formalisés à mon avis mais enfin ils existent et il y a de grands savants qui les ont développés.

Je cite à nouveau le commentaire de Barbara : « le télégraphe et la presse obligent les âmes à rester elles-mêmes tout en se métamorphosant beaucoup plus profondément et beaucoup plus vite, forcées d’incorporer en elles une masse de plus en plus grande du flux et de ses contradictions ». Dans le chaos d’une favela de Rio de Janeiro, ce qui vous saute à la figure, ce sont les paraboles et c’est pareil dans les bidonvilles marocains, vous avez des antennes partout ; vous avez des baraques en carton, il n’y a même pas de briques etc. mais il y a des paraboles ; et la question, c’est ce dont j’ai parlé dans Dans la disruption, qu’est-ce qui se passe dans les âmes qui vivent dans ces bidonvilles et qui reçoivent tous ces trucs par les paraboles et pas seulement par les paraboles de télévision mais aussi par leurs smartphones parce qu’ils ont tous des smartphones ; ils n’ont rien, ils n’ont pas d’eau courante, ils n’ont pas d’argent, ils n’ont pas de quoi bouffer mais ils ont des smartphones ; comme pour l’Inde ; on en a beaucoup parlé pour l’Inde mais il faudrait aussi en parler pour l’Afrique du nord. Ça c’est ce que sait Donald Trump ; et si on ne comprend pas qu’il sait ça et si on ne comprend pas ce que lui comprend qui est pourtant un gros crétin, et bien ce n’est pas la peine de nous engager dans quelque chose comme la politique qui servirait à change le monde etc.

Ce que dit Barbara c’est que Nietzsche conçoit « l’éternel retour » pour faire face à ce devenir fluent qui désintègre et décompose les âmes ; elle dit que c’est par rapport à sa propre âme qu’il essaye de produire une théorie, un mythe, qui va lui permettre à lui de ne pas être lui-même désintégré par les lignes télégraphiques et le martèlement qu’elles transportent et que l’époque ne comprend pas ; vous vous souvenez, c’est ce que dit [Le voyageur et son ombre]{Seasteading idsp=“Le voyageur et son ombre”} : « Nous entendons bien le martèlement du télégraphe mais nous le comprenons pas » ; ça c’est que j’appelle la disruption. C’est dans l’épreuve de ce retard, de cet « toujours arrivé trop tard » - que disait déjà Hegel - mais dans un sens totalement différent de celui de Hegel – il faudrait analyser la différence entre Nietzsche et Hegel sur la question du retard – c’est là que se forme la pensée de l’éternel retour et c’est ce que dit Barbara : «La pensée de l’éternel retour essaye très précisément de répondre à cette épreuve » au sens d’une épreuve ordalique - une épreuve ordalique dans le droit canon du Moyen-Age c’est le jugement de Dieu : « si tu ne mens pas, tu dois être capable de prendre un fer rouge dans tes mains sans que ça te brûle », c’est ça le jugement ordalique ; ou bien de risquer ta vie dans un combat mortel et si tu es vraiment protégé par Dieu tu ne mourras pas – c’est une épreuve ordalique sans Dieu que vit Nietzsche ; vit quoi ? la question de l’entropie. Mais lui-même ne la reconnaît comme une question de l’entropie parce que Nietzsche rejette la théorie de l’entropie.

Alfred Lotka reprend ces questions ; je ne sais pas si Lotka connaissait Nietzsche, c’est très vraisemblable parce qu’il était très cultivé mais ce n’est pas du tout sûr, il est d’abord un mathématicien et un biologiste, par contre, ce qui est sûr, c’est qu’il reprend la question de ce retard, c’est de ça dont il parle ; et ce qu’il essaye de montrer, c’est que – mais ça c’est plus en 1922 mais en 1945 et non plus après la première mais après la deuxième guerre mondiale c’est-à-dire après la bombe d’Hiroshima - c’est que ce retard il procède de l’exosomatisation qui nécessite de penser le vivant autrement, comme du non vivant fonctionnellement, avec des fonctions exorganiques et non pas organiques donc pas seulement biologiques ; c’est pour cela qu’il produit le mot « exosomatisation » et cette exosomatisation produit une dynamique systémique qui n’est pas simplement fonctionnelle mais qui est dysfonctionnelle et ça c’est aussi ce dont parlent Deleuze et Guattari dans L’anti-Œdipe, le caractère fondamental du dysfonctionnement dans un système que j’appelle moi néguentropique ou néguanthropologique et que eux décrivent un peu différemment.

Ce retard est structurel nous dit Lotka, il commence dès le début de l’exosomatisation qui elle-même commence avant l’hominisation mais qui devient hégémonique avec l’hominisation c’est-à-dire que tout à coup, la sélection naturelle est surpassée par les sélections artificielles et ça c’est ce qui se produit il y a trois millions d’années avec ce qu’on appelle l’hominisation; ce retard structurel dont Lotka nous dit que ça fait 3 millions d’années qu’il existe, ce n’est qu’à l’époque de Nietzsche qu’il devient sensible et d’ailleurs pour Lotka il devient sensible à travers la première guerre mondiale et comme un chaos et comme l’effroi du chaos de la destruction de 20 millions de morts, la première destruction industrielle d’êtres humains en masse ; ça n’était jamais arrivé auparavant, même dans les pires civilisations, les pires barbaries et comme vous le savez, c’est aussi ce qui va frapper Paul Valéry en 1919 dans La crise de l’esprit ; ça, que d’une certaine manière Marx désigne mais sans le voir, c’est toute mon interprétation de L’Idéologie allemande de dire que Marx est avant tout un penseur du double redoublement épokhal parce que c’est de cela dont je vous parle, c’est ce qui ne devient sensible comme tel – c’est-à-dire que les gens en souffrent comme d’une épreuve – qu’en se conjuguant avec ce Nietzsche décrit comme une désintégration de la proximité c’est-à-dire d’une désintégration de la localité. « Alors que l’homme d’autrefois (par rapport à l’époque de Nietzsche c’est-à-dire 1878) – c’est Barbara qui commente encore – se bornait à compatir avec les hommes et les éléments de son environnement proche – je souffrais pour mon voisin mais je ne souffrais pas pour les gens qui étaient à 50 kilomètres et encore moins pour les gens qui étaient à 500 kilomètres et quant aux gens qui étaient à 5000 kilomètres, je ne savais même pas qu’ils existaient – ce qui était déjà loin d’être simple et sans dangers, dit Nietzsche, l’homme d’aujourd’hui est appelé à compatir avec des nouvelles venues du monde entier. En étendant de façon brutale et considérable son champ perceptif, les médias hypertrophient ses organes d’incorporation et l’obligent à ingérer une masse énorme de flux étrangers » ; c’est le commentaire de Barbara ; de quoi parle-t-elle ? d’organes d’incorporation hypertrophiés ; chez Lotka ça porte un nom, ça s’appelle l’exosomatisation.

Ce que je soutiens moi et je pense que c’est aussi ce que dit Nietzsche, en particulier dès sa première œuvre de jeunesse qui est L’avenir de nos établissements d’enseignement, c’est qu’une telle ingestion (l’ingestion de ce flux étranger énorme que reçoivent ces paraboles à Rio de Janeiro par exemple) n’est digeste et assimilable, c’est-à-dire supportable et donc adoptable, c’est-à-dire transformée en savoirs, en savoir-vivre, en savoir-faire, que à la conditions d’être transformée en retentions secondaires collectives et en protentions secondaires collectives sinon ça désintègre ceux à qui ça arrive. C’est pourquoi nous disons à Plaine Commune qu’il faut constituer des savoirs territorialisés et ces savoirs, il faut savoir qu’il nous faut 10 ans pour les transférer, les transmettre, et ce n’est pas demain matin que les gens vont adopter notre façon de penser et encore moins notre vocabulaire. Il faut être très patient, c’est très long, il faut être très tenaces ; il faut avoir la ténacité de ce que Zarathoustra appelait le « chameau » parce que nous devons traverser le désert nihiliste qu’est le territoire de Plaine Commune et être capables de rester « sans boire pendant 30 jours » sinon ce n’est pas la peine. Donc il faut être très patient ; il ne faut pas brûler les étapes. Il faut respecter les méthodes de la recherche contributive et c’est très important que tout le monde le fasse, pas seulement les chercheurs de la Chaire de recherche contributive.

Il y a quelqu’un d’autre qui parle de la proximité de cette désintégration, politiquement il est moins sympathique que Nietzsche quoique Nietzsche ne soit pas tellement sympathique politiquement puisqu’il va vraiment nourrir les nazis dans leurs théories, ne l’oublions jamais, même si nos amis un peu gauchos qui s’appellent Deleuze et Guattari en ont fait leur héros, il y a des côtés vraiment dégueulasses chez Nietzsche, il faut être clairs ; il faut arrêter de dire que Nietzsche n’avait pas besoin de développer… si, il a fricoté avec l’eugénisme bien entendu et c’est pour ça qu’Hitler en a fait son livre de chevet. Donc ne soyons pas dans la dénégation ; en tout cas il y en a un autre que les nazis vont draguer, il s’appelle Heidegger et en 1927, quatre ans après l’apparition en Europe des premiers réseaux hertziens civils, lesquels vont conduire à ce qu’on appelle la radio – la première radio française a été créée en 1923 – donc en 1927, ça ne fait que 4 ans que la radio existe et très peu de gens l’écoutent à cette époque-là ; Heidegger en parle déjà dans Être et temps et la radio, c’est aussi ce qui conduira au discours de Horkheimer et Adorno, 17 ans après Être et temps dans Dialectik der Aufklärung et c’est toujours à mon avis ce qui est très impensé par la philosophie contemporaine. Que dit Heidegger ? « Il y a dans le Dasein une tendance essentielle à la proximité. Tous les modes d’accroissement de la vitesse auxquels nous sommes aujourd’hui plus ou moins contraints de participer visent au dépassement de l’être éloigné » ; qu’est-ce que c’est que ça « le dépassement de l’être éloigné » ? et que veut-il dire par là ? Tout d’abord, je suis convaincu qu’il parle de l’exosomatisation ; et qu’il parle de l’exosomatisation qui commence par la taille des silex (3 millions d’années) et la main qui les produit, 2.5 millions d’années plus tard elle va produire l’arc et la flèche, une tendance essentielle à la proximité telle qu’elle veut conduire au dépassement de l’être éloigné ; la flèche va attraper un être éloigné qui est par exemple un loup ou un bison et que l’archer (un indien par exemple) veut attraper parce qu’il se nourrit de bisons. Il appartient à une tribu qui se déplace, tout comme les chasseurs de rennes du paléolithique supérieur, avec les troupeaux de bisons ; c’est pour ça qu’il est nomade ; c’est de ça dont parle Heidegger dans Être et temps et cela désigne une pulsion ubiquitaire c’est-à-dire la tendance à dépasser l’être éloigné – c’est une tendance « théologique », une tendance à acquérir les attributs de Dieu puisque Dieu est partout, c’est un être ubiquitaire – c’est ça la racine de l’exosomatisation et c’est tout aussi bien ce que Nietzsche croit devoir appeler la volonté de puissance ; c’est ça l’enjeu de la volonté de puissance ; je ne suis pas sûr que Nietzsche le voit très clairement parce que de toute façon Nietzsche rapporte la volonté de puissance au vivant ; il a raison d’ailleurs, y compris au vivant endosomatique comme Derrida dit la différance avec un a ça commence avec le vivant endosomatique et ils ont raison tous les deux mais pas seulement… telle que Nietzsche essaye de la penser elle dépasse l’endosomatique, elle est exosomatique ; telle que Derrida essaye de penser la trace dans De la grammatologie, ça dépasse la différance vitale, c’est déjà la différance noétique qui passe par l’exosomatisation mais ça Nietzsche et Derrida ne le comprennent pas ; c’est pour ça que je me suis ni nietzschéen ni derridien ; je ne suis rien parce que je crois que nous avons aujourd’hui à complètement repenser ces questions de A à Z.

C’est ce qui conduit Heidegger à dire – je le cite là - qu’ « avec la radiodiffusion par exemple – rappelez-vous ceci, il n’y a que 4 ans que la radio existe et Heidegger en parle dans son plus grand livre – le Dasein accomplit un éloignement du monde encore malaisé à dominer du regard » c’est-à-dire que non seulement il pense la radio mais il est conscient qu’il n’arrive pas à la penser, que ça le dépasse ; « cet éloignement, ajoute-t-il, revêt la forme d’une extension du monde ambiant quotidien (Umwelt) » (le monde ambiant quotidien c’est ce qui constitue l’être au monde du Dasein) et ce qu’il nous dit c’est que cette nouvelle exorganisation transforme le Dasein comme exorganisme justement mais là il ne voit pas comme exorganisme lui-même bien sûr. Cette tendance essentielle à la proximité dont Heidegger parle – mais Nietzsche en parlait déjà – elle vise l’accroissement de la vitesse, c’est ce que nous dit Heidegger et c’est ça qui constitue la volonté de puissance au sens de Nietzsche cette fois-ci, au sens où Nietzsche la développe dans ces textes qu’il n’avait jamais publié lui-même et que sa sœur à rassemblés comme tout le monde le sait dans un sens très problématique parce qu’il renforce le penchant que sa sœur prétend être antisémite chez Nietzsche alors que vous savez très bien que Nietzsche n’était absolument pas antisémite, au contraire, c’était un admirateur des sémites ; il traite les allemands antisémites de crétins, les « porcs allemands antisémites », c’est comme ça qu’il les traite ; donc c’est pas du tout un texte de Nietzsche en tant que tel qui est publié comme ça (La volonté de puissance) mais néanmoins Nietzsche a bien écrit un ensemble de texte ; la manière dont ils sont agencés est très problématique mais ce sont bien des textes de Nietzsche. Si ce dont parle la volonté de puissance de Nietzche « le devenir éloigné qui veut accroître la vitesse » et donc l’exosomatisation, c’est évidemment ce dont parle ce texte de Derrida La différance avec un aDans Marges de la philosophie↩︎ - ça fait 30 pages donc ce n’est pas très long à lire - ou relisez-le de ce point de vue-là et aussi le texte de La dissémination puisqu’en fait tout ça, la différance avec un a telle qu’elle est exosomatique elle produit des nouveaux processus de dissémination qui sont aussi ce que Deleuze et Guattari appellent des processus de déterritorialisation. Donc relisons tout ce corpus depuis Nietzche jusqu’à Derrida, Deleuze et Guattari de ce point de vue-là et en nous penchant sur Lotka c’est-à-dire en relisant tout ça avec Lotka.

Qu’est-ce que nous donne à penser Lotka ? il nous rend capable de comprendre comment et pourquoi la volonté de puissance, parce qu’elle est pharmacologique – ça c’est ce que ne comprend pas Nietzche ; il le dit mais il ne le thématise pas ; et c’est ce que Heidegger ne comprend pas non plus même si lui le thématise mais il n’arrive pas à comprendre que la vraie question de Socrate c’est le pharmakon, c’est pas l’Etre parce que Socrate est un Tragique - c’est la question de l’exosomatisation qui fait que la puissance et la volonté de puissance est toujours accompagnée comme son ombre, comme le Voyageur est accompagné par son ombre, par l’impuissance ; la volonté de puissance produit les impasses de l’impuissance et c’est pour ça que nous avons besoin de politique, nous avons besoin d’un droit etc. Ces impasses de l’impuissance, ce sont les limites de la puissance mais les limites aujourd’hui, il faut les penser non pas avec la pensée des limites d’Emmanuel Kant en 1781 ou en 1787, il faut la penser, cette question de la limite, avec Vernadsky comme biosphère, avec Sadi Carnot, Clausius, Boltzmann comme entropie et thermodynamique et avec précisément Lotka comme étant la question de la néguentropie dans le régime d’exosomatisation. 70 ans après la première théorisation des industries culturelles par Adorno qui enchaînait ainsi sur Walter Benjamin, les réseaux dits sociaux – donc maintenant nous allons bien après Nietzsche et Heidegger – ont reconfiguré de fond en comble cette industrie de l’éloignement qui désintègre littéralement la proximité et qui a constitué ce que j’appelle « les monopoles fonctionnels », biosphérique des GAFA. Nietzsche saisit l’essentiel de cette question avec une stupéfiante clairvoyance, incroyable, et que très peu de gens ont lu chez Nietzsche parce que, eux-mêmes, ne sont pas clairvoyants ; ils ne voient pas venir tout ça. Ces processus de désintégration, cette industrie de l’éloignement, dont Twitter, je vais vous vous en parler toute à l’heure qui est un cas particulier qui nous intéresse beaucoup pour mille raisons d’abord parce que c’est le réseau social de Trump mais c’est aussi une plateforme sur laquelle l’IRI a développé des technologies de Polemic tweets et c’est sur cette base que nous développons nos modèles d’annotations contributives pour la Chaire de recherche contributive – c’est très important de rappeler tout ça – ces processus automatisés de relations d’échelle traités à la vitesse de la lumière entre l’infiniment petit et l’infiniment grand – puisque c’est ça que produit la théorie de Peter Thiel et de Google à travers les mathématiques probabilitaires etc., c’est ce qui constitue des circuits de transdividuation c’est-à-dire ce qui, à travers le flux du social engineering désintègre aussi bien l’individuation psychique que l’individuation collective – de toute façon l’une ne va pas sans l’autre – et c’est qui fait des individus des serviteurs des fonctions exosomatiques d’échelle biosphérique que sont devenus les monopoles fonctionnels sur l’organisme terrestre en totalité, sauf la Chine - c’est pour ça que je m’intéresse à la Chine. A partir de là, la biosphère est devenue une fourmilière au sens où j’en avais parlé en 2004 dans De la misère symbolique dans un chapitre qui avait pour titre Allégorie de la fourmilière numérique – je vous signale que les réseaux sociaux n’existaient pas à cette époque-là ce qui prouve qu’on peut très bien anticiper ce qui va arriver à l’avenir contrairement à ce que disent tous ces crétins de managers qui posent que c’est le marché qui fait la loi. En détruisant les capacités individuelles et collectives à opérer des bifurcations néguentropiques, les réseaux biosphériques et fonctionnels monopolistiques, les GAFA, calculent automatiquement les relations d’échelle et ce faisant, créent les conditions d’une dénoétisation totale qui, elle-même, engendre une intoxication irréversible au sens où j’avais cité l’autre fois Freud et Lévi-Strauss lorsqu’ils parlaient d’une intoxication généralisée de la planète par l’être humain. Malheureusement ils ont raison ; je suis en désaccord, pour des raisons que je pense vous connaissez maintenant, avec l’analyse de Lévi-Strauss mais il a raison de poser le problème comme ça et non seulement il a raison mais il faut l’en remercier ; c’est le premier à poser le problème de l’anthropocène dès 1955. Il faut reconnaître l’extrême clairvoyance de nos prédécesseurs et le fait qu’on ne les pas écoutés et le tort qu’on a eu de ne pas les écouter sous prétexte que par exemple que dans La violence de la lettre, Derrida avait réglé son compte à Lévi-Strauss ; et bien non, il n’a pas du tout réglé son compte à Lévi-Strauss ; Derrida n’a d’ailleurs jamais dit cela.

En tout cas, c’est ce qui constitue l’absence d’époque qui constitue elle-même la post-vérité ; car c’est ça ce qu’on appelle la post-vérité ; c’est l’absence d’époque post-véridique et pourquoi cette absence d’époque est-elle absence de vérité ? c’est parce qu’il n’y a plus de protentions secondaires collectives et à partir de là il ne peut plus y avoir de projections idéalisantes produisant de la néguentropie dans le savoir et à partir de là, évidemment, il n’y a plus de vérité ; c’est pour ça qu’on est effectivement dans la post-vérité ; ce n’est pas du tout de l’idéologie pour nous tromper et nous faire renoncer à la vérité ; c’est malheureusement une réalité qui est évidemment extrêmement mal nommée et qui n’est même pas du tout pensée d’ailleurs par la plupart des gens qui en parlent, en tout cas ce que j’ai vu, moi, sur la post-vérité, c’est totalement indigent, grotesque et nul. Ce sont les exorganismes de toute taille qui sont bouleversés dans leur exorganisation par ces nouveaux exorganismes planétaires ; les nations bien entendu mais aussi les grands groupes industriels, l’Eglise et tous les grands exorganismes parce que les singularités et les diachronies sont toutes soumises au calcul biosphérisé ; ça touche tous les grands exorganismes et ça détruit tous les processus de liaison sociale ; et donc ça nous promet l’incivilité généralisée dont le nom est la guerre civile. La guerre civile existe déjà, c’est la guerre civile économique et elle fait que des millions de gens sont détruits par la guerre économique qui est une guerre civile parce qu’on fait se battre des travailleurs contre d’autres travailleurs comme on disait quand j’étais au parti communiste ; mais c’est beaucoup plus grave que cela encore.

Tout cela est possible parce qu’il y a une délocalisation structurelle du capitalisme et pas simplement le fait de mettre les modes de production en remote control en Thaïlande ou je ne sais où en gardant le siège social à Londres, à Paris ou à Washington, c’est une délocalisation qui consiste à éliminer les lieux, tous les lieux et donc tout ce qui relève de relations d’échelle qui ne seraient pas calculables par des moyennes puisque c’est bien de ça dont il s’agit. Tout cela c’est ce qui reconfigure, pour moi, par avance, avec Nietzsche, la question de ce que Michel Foucault appellera plus tard la biopolitique mais je pense que le concept de biopolitique extrêmement fécond est néanmoins insuffisant pour parler de ces questions parce que là, ce n’est pas du bios dont il s’agit ; l’exosomatique, ce n’est pas le bios ; en tout cas ce n’est pas le biologique et dans « biopolitique », c’est bien de biologie dont il s’agit pour Michel Foucault, et pas simplement du bios au sens des grecs ; parce que chez les grecs, le bios c’est aussi l’existence et je cite encore Barbara qui dit : « S’adaptant de manière passive à l’accélération des évènements, les corps se désindividuent et les sociétés contemporaines se massifient ; c’est ce contexte délétère qui, pour Nietzsche, explique la montée en puissance dans les sciences de la vie du concept d’adaptation au détriment des notions d’organisation, d’assimilation et d’incorporation ». C’est de ça aussi dont il question dans L’homme sans qualité de Musil qui était d’abord un lecteur de Nietzsche et qui a développé ces questions à partir de Nietzsche mais en y intégrant quelque chose que Nietzsche n’intègre pas à savoir la question de l’entropie puisque que vous le savez peut-être, Musil c’était aussi un physicien, un ingénieur et qu’il a fait sa thèse sur Ernst Mach ; il avait une grande connaissance et des mathématiques et de la physique et en particulier de thermodynamique. Je n’en parle pas mais c’est juste pour vous dire par avance – c’est encore un déterminant-là que je produis - que le pas entre Nietzsche et ce qu’on essaye de faire à Plaine Commune, ça passe par une critique de Robert Musil c’est-à-dire aussi de Jacques Bouveresse qui est un philosophe français proche des cognitivistes et s’appuie beaucoup sur Musil. La massification noie les singularités dans les moyennes et le dialogue de Nietzsche avec la biologie s’entame depuis ce contexte qui accomplit le nihilisme – c’était le sujet dont j’ai parlé l’année dernière dans le séminaire de Pharmakon.fr ; dans ce contexte-là, le christianisme, et avant lui la métaphysique platonicienne qui oppose l’âme au corps – c’est ça l’enjeu de Phèdre du côté de Platon mais pas de Socrate – c’est ce qui mène au capitalisme industriel et concrétise à l’échelle planétaire la liquidation de l’héritage onto-théologique – Max Weber expliquera ça par exemple dans L’esprit du capitalisme et c’est aussi ce qui conduira Derrida à dire dans l’exergue de De la grammatologie que la déconstruction philosophique qu’il pratique est précédée par une déconstruction qu’il appelle « objective » qu’il présente comme une monstruosité. « Quand il apparaît aux yeux de tous, dit Barbara, que tout est flux, pour Nietzsche l’éternité ne peut plus être celle du monde supérieur des essences inventé par les métaphysiciens – c’est-à-dire aussi par les théologiens – elle ne peut plus être non plus celle de la résurrection des corps promise par le christianisme de St-Paul ». Quelle est la conséquence de cela qui est un résumé de ce que Nietzsche nous dit à la fin de sa vie après Zarathoustra ? la conséquence c’est que, pour surmonter le nihilisme, dans l’épreuve ordalique du flux, il faut devenir activement nihiliste. Qu’est-ce que cela veut dire ? vaste question sur lequel j’insiste parce que Paolo m’avait dit une année : on vous reproche d’être uniquement passivement nihiliste c’est-à-dire de ne voir dans le nihilisme que son côté passif et pas son côté actif ; j’ai toujours rejeté ça et Paolo le sait très bien, le point de vue pharmacologique, c’est au contraire ce qui pose d’abord que le pharmakon est porteur des possibilités de bifurcation néguentropique etc. Maintenant il faut bien comprendre ce que veut dire « renverser les valeurs » dévaluées par le nihilisme, autrement dit les transvaluer – c’est ça que Nietzsche appelle le nihilisme actif, celui qui est capable de transvaluer la dévaluation. Que veut dire « être activement nihiliste » ? ça veut dire être capable de faire de nécessité vertu c’est-à-dire du flux, par exemple, en fait ce que Nietzsche va appeler l’éternité de l’éternel retour et dans cette capacité à adopter le flux, faire du défaut qu’est ce flux, ce qu’il faut c’est-à-dire ce qu’il faut pour faire corps à nouveau, il faut refaire corps, mais pas simplement au niveau de mon corps à moi, le petit individu psychique que je suis, mais le corps social bien entendu. Dans un tel point de vue, le devenir n’est plus un « accident » de l’être comme c’était le cas pour Platon ou Aristote ou tant d’autres, pratiquement jusqu’à Heidegger, même si chez Heidegger c’est un peu plus compliqué, dans ce point de vue-là, c’est l’être qui devient un moment de localisation temporaire dans le devenir de ce que j’appelle moi une spirale et le flux « devient » en tant que ce flux spiral – moi-même je suis un flux, c’est ce que j’ai essayé d’expliquer avec le concept d’ « objet temporel » de Husserl et en tant que ce flux, je peux devenir capable de produire moi-même une immense bifurcation dans le flux général à partir de moi en tant que bifurcation et c’est ça la question de la singularité ; c’est ce qui va produire ce que Deleuze appelle une différence dans la répétition, ce que Derrida appelle une différance avec un a, où l’éternité ne peut plus être que celle du flux du devenir lui-même c’est-à-dire que ce qui est éternel c’est le flux et non pas l’être, donc c’est le devenir. C’est ce que dit Nietzsche et c’est comme ça que le commente Barbara ; elle dit « il faut apprendre à aimer, à vouloir et à incorporer toutes les notes et tout le mouvement dans son propre corps de ce devenir qu’est l’éternel retour sur le mode musical de son éternel retour » - je suis absolument nietzschéen sur cette façon de poser la question, c’est comme ça que j’essaye de penser, c’est comme ça que je lis Deleuze, c’est pour ça que je revendique la quasi-causalité etc. mais ce que Nietzsche ne peut pas prendre en compte ici, qu’il n’arrive pas à prendre en compte ici et pour une raison qu’il feint d’ignorer le défi nouveau que constitue la théorie de l’entropie qui a été formulée 10 ans à peine avant l’écriture de L’avenir de nos établissements d’enseignement, c’est la différence du devenir comme avenir ; Nietzsche ne voit pas que l’avenir ça n’est pas le devenir, que l’avenir c’est ce qui bifurque dans le devenir justement et à contre-courant du devenir ; à contre-courant ne voulant pas dire du tout en dialectisant le devenir ; il ne s’agit pas de devenir le négatif du devenir ; il s’agit de bifurquer, ce qui est tout à fait autre chose que la dialectique ; la dialectique ne bifurque pas, elle synthétise ; ici il ne s’agit pas de synthétiser mais de bifurquer c’est-à-dire d’incorporer le flux qui ne s’accomplit, cette incorporation, que localement et cette localisation, qui incorpore, elle est exorganique. Voilà les sujets que Nietzsche n’est pas capable de traiter ; il n’est pas capable de penser la localité, parce qu’il n’est pas capable de penser les rapports entre devenir et avenir c’est-à-dire les rétentions et les protentions et du coup il n’est pas capable de valoriser l’exorganique dont il parle comme exorganique et c’est pour ça que nous devons transvaluer la transvaluation et c’est le sujet de l’économie contributive ; je vous rappelle que dans les derniers fragments de Nietzsche le sujet c’est l’économie, ce que Nietzsche veut créer c’est une économie, une nouvelle économie qui est aussi une nouvelle politique, une nouvelle santé etc. mais il ne pense pas l’entropie et la néguentropie donc il est soluble dans les transformations par le nazisme de son discours et c’est à ça que nous avons affaire en ce moment en France en 2017 à Plaine Commune à une semaine des élections présidentielles où Marine le Pen va peut-être l’emporter. Donc nous sommes en plein dans ces sujets, ce sont les sujets d’aujourd’hui ; ce n’est de philosophie dont je vous parle là, c’est de l’actualité française et d’ailleurs planétaire puisque ça concerne aussi Donald Trump comme on va le voir maintenant.

Qu’est-ce que l’épreuve du flux ? c’est ce qu’il faut localiser par un exorganisme qui est toujours plus ou moins déterritorialisé ; il faut reconstruire un nouvel exorganisme, une nouvelle exorganisation sociale qui elle-même sera toujours plus ou moins déterritorialisée parce qu’elle est terrienne et que la terrianité c’est à la fois une territorialisation et une déterritorialisation ; par exemple, quand vous constituez un territoire y compris un territoire de chasse en tant que chasseur-cueilleur, pour vous territorialiser vous devez vous déterritorialiser ; c’est aussi ça qui est fondamental dans les textes de Deleuze et Guattari mais qui n’a pas été compris par la plupart des gens ; et aujourd’hui, il y a une histoire de cette déterritorialisation et de cette reterritorialisation qui est l’histoire de la biosphère et qu’il faut analyser du point de vue exosomatique ; aujourd’hui, la déterritorialisation se produit exosphériquement et pas simplement exosomatiquement ; c’est l’exosphère qui est devenue la noosphère chez les adeptes de Teilhard de Chardin et qui est plutôt la dé-noosphère c’est-à-dire la dénoétisation généralisée aujourd’hui. Pourquoi ? parce que tout ça se produit à travers des réseaux routiers, des réseaux fluviaux, des réseaux télégraphiques, des réseaux ferrés, des réseaux radiophoniques, des réseaux de télé-réalité qui ont permis à Trump de prendre le contrôle de la plus grande puissance mondiale qui est aussi la plus grande impuissance mondiale et c’est important que nous en prenions conscience : toute grande puissance est aussi une grande impuissance, c’est un des enjeux des Evangiles du christianisme ; c’est pour cela qu’il faut lire les Evangiles même si c’est dans un langage qui est celui du nihilisme pour Nietzsche, même si, comme vous le savez, Nietzsche a un rapport au Christ extrêmement compliqué parce qu’il lui arrive de dire « je suis le Christ, vous n’avez rien compris, c’est St-Paul qui a rendu tout ça incompréhensible mais c’est moi, je suis le nouveau Messie» - il ne le dit pas comme ça mais presque …juste avant de devenir fou cela dit. Trump, c’est celui qui va politiser et économiciser toutes ces questions, non seulement avec la télé-réalité mais aussi avec les réseaux sociaux ; c’est un nouvel âge de la direction des exorganismes qui mérite, évidemment, d’être analysé très en détail.

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